Dr Ludwig Fineltain
Neuropsychiatre
Psychanalyste
Directeur du Bulletin de psychiatrie
INTRODUCTION A LA LOI DU 27 JUIN 1990
DETAILS COMPLEMENTAIRES
QUELQUES APPLICATIONS CONCRETES
et notamment Le droit d'accès au dossier
MODELES DE CERTIFICATS
COMMENTAIRES CRITIQUES
Un sondage avant 1990 et DISCUSSION CRITIQUE
et critiques de l'ancienne loi de 1838
AVENIR DE LA LOI DE 1990
JADIS ET NAGUERE
INTRODUCTION A LA LOI DE 1990 L'ESPRIT DE LA LOI DE JUIN 1990
LES MODELES DE CERTIFICAT 1er état: MODELE DE CERTIFICAT D'HDT proposé en 1990
La principale critique formulée de tout temps par le public et les médias à l'encontre de la "loi de 1838" concernait le sentiment d'une protection insuffisante des libertés individuelles sous tendue par une crainte incoercible des internements abusifs d'où la réforme partielle apportée par la "loi Peyrefitte" de 1981 dite "loi Sécurité et Liberté". Celle-ci fut controversée pour son esprit général. Elle renforçait pourtant les droits du patient en psychiatrie. Elle énonçait que le patient hospitalisé en psychiatrie disposait du droit d'être informé, d'émettre ou de recevoir des communications téléphoniques et du courrier, de recevoir des visites, de refuser tout traitement de prendre conseil d'un médecin de son choix et d'être libre de ses mouvements à l'intérieur de l'établissement dans le respect du règlement intérieur. La disposition la plus originale concernait ce droit de refuser un traitement, Cette dernière mention ne figure plus dans le texte actuel de la loi de 90 ni dans aucune disposition d'accompagnement:
Il est toujours possible pour un patient en HL de demander à rompre son contrat thérapeutique il évitera ainsi efficacement un traitement imposé. Mais il n'en est pas de même d'un sujet en HDT ou HO, contraint malgré lui de rester en hospitalisation.
Les internements politiques arbitraires de l'Institut Serbski en URSS avaient servi de leçon universelle. On sait que le souci de quelques uns de nos plus brillants psychiatres, en particulier feu le Dr Gérard Bles, à l'époque consistait à répondre aux crimes de la psychiatrie soviétique qui avait transformé le soin en un instrument de torture à l'encontre de militants politiques. Cette problématique délicate du droit ou de l'absence de droit pour le patient quant au choix de tel ou tel traitement, voire même de refuser tout traitement, mériterait d'être approfondie par le législateur et les professionnels. Nous n'avons pas encore à cet égard trouvé de réponse satisfaisante.
PRINCIPES GÉNÉRAUX DE LA LOI DU 27 JUIN 1990
HOSPITALISATION LIBRE (HL)
Banale hospitalisation, comme dans tout service médical hospitalier. La seule justification est celle de la nécessité de soins, librement consentis entre un patient et un médecin. L'intéressé garde la maîtrise de sa sortie, y compris contre avis médical,
HOSPITALISATION SUR DEMANDE D'UN TIERS (HDT)
- Concerne un malade dont les troubles mentaux rendent irrecevable son consentement à l'hospitalisation en milieu psychiatrique. Or son état de santé impose médicalement cette hospitalisation pour des soins immédiats avec surveillance constante en milieu hospitalier.
- Nécessité de présenter à l'admission une demande manuscrite et signée d'une tierce personne, membre de la famille du patient ou susceptible d'agir dans l'intérêt de celui-ci, à l'exclusion du personnel soignant de l'établissement d'accueil, appuyée par deux certificats médicaux circonstanciés, dont le premier établi obligatoirement par un médecin extérieur à l'établissement d'accueil. Le directeur de l'établissement s'assure des identités du patient et de la tierce personne.
- Dans la procédure d'urgence, il faut une situation de péril imminent pour la santé du malade constaté sur le certificat médical. Dans ce cas exceptionnel, un seul certificat médical éventuellement d'un médecin exerçant dans l'établissement d'accueil est exigé.
- Certificats médicaux obligatoires en cours d'hospitalisation certificat de 24 heures, certificat de quinzaine, certificats mensuels, certificats et rapports de situation (à la demande), certificats de sorties d'essai. certificat de sortie définitive.
- Cette modalité de soins est décidée par le directeur de l'établissement statuant sur la conformité des pièces et du dossier présentés.
HOSPITALISATION D'OFFICE (HO)
- Concerne un malade dont les troubles mentaux compromettent l'ordre public ou la sûreté des personnes.
- Le seul certificat médical circonstancié est nécessaire, certificat émanant obligatoirement (l'un médecin autre qu'un psychiatre de l'établissement d'accueil,
- Dans le cadre de la procédure d'urgence, il y a un danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical ou, à défaut, par la notoriété publique. Dans ce cas le maire, et les commissaires à Paris, arrête à l'égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes, toutes les mesures provisoires nécessaires, à charge d'en référer dans les 24 heures au préfet qui statue sans délai et prononce. s'il y a lieu, un arrêté d'hospitalisation d'office comme indiqué ci-dessus (les mesures provisoires sont caduques au bout de 48 heures),
- Certificats médicaux obligatoires en cours d'hospitalisation certificat de 24 heures, certificat de quinzaine, certificats mensuels, certificats et rapports de situation (à la demande), certificats de sortie d'essai, certificat de sortie définitive.
Cette modalité de soins (admission, maintien, sortie d'essai et sortie définitive) est décidée par l'autorité préfectorale sous la forme d'arrêtés individuels, nominatifs, motivés et circonstanciés.
DETAILS COMPLEMENTAIRES SUR LA LOI DE 1990
La commission départementale des hospitalisations psychiatriques (CDHP) examine la situation des personnes hospitalisées en raison de troubles mentaux et visite les établissements concernés en regard du respect des libertés individuelles et de la dignité des personnes. Il est habilité à recevoir les réclamations et à engager (les procédures de révision de la situation des personnes hospitalisées.
Les documents exigés par la loi et les pièces à fournir lors de l'admission
En hospitalisation libre
Suivant en cela la règle générale de l'hospitalisation en service ordinaire, tout citoyen peut se présenter dans tout service hospitalier psychiatrique de France, en structure temps plein ou alternative pour solliciter une admission et des soins.
Le choix: la loi de 90 est formelle. (Note de l'auteur de cet article .. Mais elle n'est pas vraiment appliquée)
La personne hospitalisée ou sa famille dispose du droit de s'adresser au praticien ou à l'équipe de santé mentale, publique ou privée, de son choix tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du secteur psychiatrique correspondant à son lieu de résidence (art. L.326-1).
Il est en outre précisé en 91: "La sectorisation a été mise en place afin que le malade dispose toujours de la possibilité de la prise charge au plus près de son domicile. Le malade garde la liberté de s'adresser à l'équipe de son choix dans les limites de l'habitation de l'établissement et des possibilités d'accueil.
En fait l'admission en milieu hospitalier est théoriquement subordonnée, à la production de deux pièces un certificat médical d'admission établi par le médecin traitant, classique: "prière d'admettre", accompagné d'une lettre descriptive confidentielle. destinée au médecin hospitalier (un résumé, un dossier anamnestique propre à fournir des indications précieuses pour l'initiation des soins hospitaliers)
"L'admission à l'hôpital est prononcée par le directeur sur avis d'un médecin ou d'un interne de l'établissement. Elle est décidée hors les cas d'urgence reconnus par le médecin ou. l'interne de garde de l'établissement, sur présentation d'un certificat d'un médecin traitant ou appartenant au service de consultation de l'établissement hospitalier; ce certificat peut indiquer la discipline dans laquelle devrait être admis l'intéressé. Il doit être accompagné d'une lettre cachetée du médecin traitant ou du médecin de consultation au médecin du service hospitalier donnant tout renseignement médical utile à ce dernier pour le diagnostic et le traitement"
QUELQUES PRECISIONS COMPLEMENTAIRES
Les hospitalisations sur demande d'un tiers requièrent donc la production de deux certificats médicaux circonstanciés concordants. Le second certificat peut être établi par un psychiatre de l'établissement ou par le médecin de garde ou encore par le médecin d'astreinte pour les urgences psychiatriques (circ. num. 326 du 15.2.90 et du 14.3.90) ou encore le médecin du service d'urgence générale.
Précisions à propos du 2ème certificat de l'HDT.
Le médecin qui établit le deuxième certificat n'est en rien lié par les constatations et conclusions du premier médecin. Après un examen médical, il rédige son certificat en toute indépendance. Si les deux certificats médicaux n'aboutissent pas aux mêmes conclusions, le directeur ne peut prononcer l'admission.
L'hospitalisation d'office est réalisée à Paris par le Préfet de Police, et, dans les départements, par les Préfets. Ils peuvent prononcer un arrêté au vu d'un certificat médical circonstancié d'hospitalisation d'office de personnes dont les troubles compromettent l'ordre public ou la sécurité des personnes.
Ce certificat ne peut émaner d'un psychiatre ayant un lien juridique avec l'établissement d'accueil, par contre il peut être rédigé et signé par un médecin libéral, par un médecin d'un autre établissement ou par un médecin non psychiatre de cet établissement.
L'avis médical engage la responsabilité du médecin.
Le médecin donne un avis à la suite de ce qu'il a constaté ou entendu concernant la personne malade, lorsqu'il n'a pas pu l'examiner. Ce dernier point est particulièrement important il pourrait être la source d'arbitraire.
En cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical ou, à défaut, par la notoriété publique, le Maire et, à Paris, les commissaires de police, arrêtent à l'égard des personnes dont le comportement relève des troubles mentaux manifestes, toutes les mesures provisoires nécessaires, à charge d'en référer dans les 24 heures au Préfet qui statue sans délai et établit, s'il y a lieu, un arrêté d'hospitalisation d'office.
DISCUSSION ET APPLICATIONS PARTICULIERES, EN PARTICULIER POUR LES URGENCES
Le nouvel internement requiert donc deux certificats rédigés par deux médecins certificateurs. Le médecin traitant est le premier rédacteur tandis que le second pourrait être le psychiatre de garde de l'établissement d'accueil (c'est nouveau). Le troisième document est la demande signée de la famille. Ce n'est pas la tâche du médecin de s'occuper de cela. Ce document sera établi par la famille à l'Hôpital Psychiatrique d'accueil. Il y a pour cela un administrateur de garde: c'est sa responsabilité.
CAS PARTICULIERS: -URGENCES -TRANSPORTS URGENTS -AGITATION -CONTENTION ET ENFIN DROIT D'ACCES AU DOSSIER
Les urgences.
Il existe une possibilité exceptionnelle en faveur du l'admission d'urgence à condition de prendre en compte la rédaction spécifique des certificats. Voici quelques références:
Votée le 19 juin 1990, abrogeant les articles L.326-1 à L.355 du Code de la Santé Publique. La procédure d'extrême urgence prévue par l'article L.333-2: admission au vu d'un seul certificat médical. Dans le Code de la Santé Publique voyez la mise à jour de septembre 1998. L'article L.333-2. A titre exceptionnel et en cas de péril imminent pour la santé du malade dûment constaté par le médecin, le directeur de l'établissement pourra prononcer l'admission au vu d'un seul certificat médical émanant éventuellement d'un médecin exerçant dans l'établissement d'accueil. Ce dernier point pose évidemment problème. Je trouve très contestable qu'un médecin d'astreinte dans un établissement d'accueil dispose de cette faculté. L'expérience confirme assez souvent d'ailleurs l'existence d'un problème du fait de l'insuffisance de la formation en médecine légale.
Les transports: ambulanciers et sapeurs-pompiers
A cet égard se pose quelques fois un problème pratique: celui des modalités du transport.
La question était celle-ci: quelles sont les règles juridiques quant au transport de patients agités, à propos de la contention, par exemple par les sapeurs-pompiers, quand la sédation est insuffisante? Ceci était une question posée par un sapeur-pompier mais j'estime, d'une façon générale, que cette affaire doit être réglée au mieux entre le médecin prescripteur, le patient, la famille et le duo des ambulanciers (à qui on délivre un certificat spécifique (transport pour malades agités). Néanmoins il arrive que l'intervention des sapeurs-pompiers soit requise par la famille. Je reprends donc l'excellente mise au point de deux auteurs: Dr Eric Torres et Lt Nicolas Couëssurel, le 13/11/01. La question de la contention En matière de contention physique, les références, tant législatives que réglementaires, sont effectivement obscures. Dans le cadre d'une mesure d'hospitalisation sans le consentement, hospitalisation d'office (HO) ou hospitalisation à la demande d'un tiers (HDT), le code de la santé publique (notamment dans son article L 605) admet une restriction des libertés individuelles, à la condition qu'existe une légitimité médicale à la mise en œuvre de cette mesure. Ce type de disposition présuppose donc un avis médical préalable (rédaction d'un certificat médical), imposant la présence du praticien sur les lieux. Pour mémoire, rappelons que le transport de patients faisant l'objet d'une mesure d'hospitalisation à la demande d'un tiers n'est pas une mission des sapeurs-pompiers, mais que ceux-ci peuvent néanmoins accepter de l'assurer sur demande de la régulation médicale, en cas de carence avérée des moyens de transports privés, seuls habilités à effectuer ce type d'intervention.
Dans le cadre de la prise en charge d'un état d'agitation par les sapeurs-pompiers sans qu'un médecin soit présent sur place ou avant l'arrivée de celui-ci, il appartient au chef d'agrès du VSAB (véhicule de secours aux asphyxiés et aux blessés) d'évaluer la dangerosité du patient (estimation de son potentiel auto- et hétéro-agressif). L'urgence s'imposant à lui, le chef d'agrès peut décider de la mise sous contention "à titre conservatoire", en s'appuyant sur les dispositions prévues par l'article 122 du nouveau code pénal: "N'est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace".
L'intervenant doit, en outre, informer immédiatement la régulation médicale que le transport de la victime ne peut se faire, en terme de sécurité, que sous contention. Il appartiendra alors à la régulation de déclencher les mesures qu'elle jugera opportunes (envoi d'un médecin pour sédation préalable, mesure d'hospitalisation sans le consentement, confirmation médicale de la légitimité de la mise sous contention, demande de renforts auprès des forces de l'ordre).
Dans le cas où la mise sous contention du patient n'est pas réalisée, alors que son état l'impose, on peut considérer que cette négligence expose le malade, les intervenants et les tiers à un danger. Il pourrait alors être opposé au responsable de l'intervention (médecin ou chef d'agrès) la notion de "mise en danger d'autrui", telle qu'elle est définie dans l'article 223.1 du nouveau code pénal ou, dans une moindre mesure, la notion "d'atteinte à l'intégrité physique par manquement à une obligation de prudence" de l'article 223-1 du code pénal.
Note personnelle: c'est un problème difficile qui n'est pas encore correctement résolu.
Enfin le droit d'accès au dossier médical (loi du 4.3.02).
Cette loi excellente apparaît tardivement longtemps après celle des HDT et des HO. Elle constitue selon moi une suite logique de la loi de 1990. Très original et très bénéfique, le droit d'accès au dossier médical est cependant dès ses débuts source d'innombrables contentieux. C'est donc une loi utile mais d'application délicate au regard des dossiers psychiatriques. La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des patients autorise désormais l'accès direct du patient aux informations de santé le concernant. Le décret du 29 avril 2002 précise les conditions et modalités de ce droit d'accès. On se réfère à des informations formalisées. Mais que sont précisément les informations formalisées? Ni la loi ni le décret ne précisent ces termes. Néanmoins, lors des débats parlementaires, le ministre de la Santé a affirmé que "les notes qui président à la rédaction définitive du dossier, les notes d'un étudiant ou les réflexions d'un médecin -cas de la psychiatrie par exemple- ne font pas partie de la formalisation du dossier". Dès lors et quel que soit leur support (papier ou informatique) les informations formalisées accessibles au patient doivent s'entendre comme présentant un certain degré d'élaboration et de validation.
Réflexions personnelles
-Dans mon esprit il existe un dossier clinique psychiatrique formel augmenté des courriers et surtout des certificats de la loi de 1838 ou de celle de 1990. Mais par contre le écrits seconds, les notes manuscrites donc, pourraient demeurer propriété du psychiatre. Je dis bien "pourraient" puisque un juge peut fort bien requérir l'ensemble des écrits sans exception!
Quelques autres points particuliers méritent d'être considérés:
-Dans les services publics existent souvent des logiciels qui se verrouillent automatiquement. Il convient donc de confectionner des documents cliniques raisonnables et utiles que le psychiatre puisse en conscience assumer ultérieurement sans réserve.
-La loi pourrait cependant renforcer la tendance déplorable, chez certains collègues dans le secteur psychiatrique, de ne rien écrire dans les dossiers! Je doute à ce sujet que les patients et leur famille puissent trouver cela normal ni même convenable.
-Confier des informations médicales aux patients par l'entremise d'un confrère ne résout pas les problèmes délicats propres aux dossiers psychiatriques. Il se peut d'ailleurs que la loi autorisera la demande directe des patients. Je n'y vois pour ma part aucun inconvénient.
-Nous devons être attentifs aux règles du calendrier: pour des dossiers de moins de 2 ans voire de 5 ans des délais de réponse de 48 heures à 8 jours et pour des dossiers plus anciens (de 5 à 30 ans par exemple) un délai de réponse de 12 mois.
-La loi a aussi prévu l'information de l'ayant droit concernant un patient décédé.
-Un dossier soumis à la CDHP obéit aux mêmes règles que les dossiers anciens.
-La nouvelle loi selon moi aboutit à ceci: l'obligation pour les psychiatres de disposer d'un fichier clinique efficace. L'informatisation a en partie donné une réponse satisfaisante à cette question.
-Un règle d'application difficile mais essentielle consiste en théorie à ne pas mentionner les noms propres des autres personnes qui ont étoffé le dossier
-Retenons donc que le dossier devient un outil médico-légal
MODELES D'HDT L.333-1
Je soussigné Docteur Dupont Ernest Nicéphore, docteur en médecine, demeurant impasse de l'Eglise a Paris, certifie avoir examine ce jour Mr Duval Gontran Isidore, demeurant 1990 rue de la Liberté a Paris.
J'ai observe les troubles mentaux suivants:
Il estime que … ... (description séméiologique très détaille).
(Nosologie facultative.
Réflexions qui pourraient aider le collègue hospitalier etc ...
Son état ne lui permet pas de donner son consentement a l'hospitalisation. L'état du patient justifie une hospitalisation urgente et une surveillance constante.
En conséquence ses troubles justifient son admission dans un service spécialise selon les termes de l'article L.333 du Code de la Santé Publique.
Certificat fait le 3 août 1990 soit sur papier timbre soit a titre gracieux etc ...
2ème état
VOICI UN EXEMPLE PLUS CONCRET DE MODELE HDT
Modèle personnel de certificat d'HDT
Je soussigné Docteur Dupont Ernest Nicéphore, docteur en médecine, demeurant impasse de l'Eglise à Paris, certifie avoir examiné ce jour Mr Duval Gontran Isidore, demeurant 1990 rue de la Liberté à Paris.
J'ai observé les troubles mentaux suivants:
Il estime que l'existence d'un impayé de 38 euros à EDF compromet définitivement sa notoriété et celle de toute sa famille. Il dit que désormais il n'y a plus d'avenir pour lui. Il ne travaille plus, ne mange plus et ne parle plus à ses proches. Il veut se suicider. Il pense qu'il doit, dans un mouvement altruiste pathologique; emmener avec lui dans la mort tout le reste de sa famille pour la sauver du déshonneur.
Etat dépressif, péjoration imaginaire de l'existence, idées de suicide. Notion d'antécédents cycliques, parfois excessivement euphorique au point de danser dans la rue, d'autrefois dépressif).
Son état ne lui permet pas de donner son consentement à l'hospitalisation.
En conséquence ses troubles justifient son admission dans un service spécialisé selon les termes de l'article L.333 du Code de la Santé Publique, loi du 27 juin 1990.
Certificat fait le 27 avril 1990 et remis entre les mains de ses proches.
3ème état
AUTRE MODELE de certificat médical d'HDT
Je soussigné(e) Docteur (Nom, Prénom), exerçant en tant que ...à ... ..., certifie avoir examiné ce jour Mr (Mme) (Nom, Prénom), né(e) le ... .., à ... .., demeurant à ... .., exerçant la profession de ... .., et avoir constaté les éléments suivants: (description circonstanciée du comportement et de l'état mental du patient)
Attestant l'impossibilité pour Mr (Mme) (Nom) de consentir à son hospitalisation en raison des troubles mentaux actuels, et ayant constaté que son état impose des soins immédiats assortis d'une surveillance constante en milieu hospitalier, je conclus que les conditions médicales prévues par l'article L.333 du Code de la Santé Publique sont remplies pour l'hospitalisation de Mr (Mme) (nom), sans son consentement, sur demande d'un tiers, en établissement habilité (art. L.331 CSP), conformément aux dispositions de la loi n° 90-527 du 27 juin 1990.
Fait à ... ..., le ...
4ème état
MODELE ACADEMIQUE CERTIFICAT MÉDICAL D'HDT
Je soussigné Docteur: ... certifie avoir examiné ce jour: ...(Nom-Prénoms), né(e) le: ... à ..., domicilié(e): ... et avoir constaté les troubles suivants: ...
Ceux-ci justifient son hospitalisation dans un établissement spécialisé en application de la loi du 27 juin 1990 (article L.333).
Atteste par ailleurs n'être ni parent ni allié, au quatrième degré inclusivement avec:
-le Directeur de l'établissement d'accueil,
-le confrère signataire du certificat annexé,
-le tiers demandant l'hospitalisation,
-la personne à hospitaliser.
Fait à ... le ...
MODELE D'ATTESTATION DE TIERS
Ce document concerne seulement l'administrateur de l'hôpital d'accueil.
Modèle de lettre de demande d'admission du tiers (généralement la famille)
Je soussigné(e) (Nom, Prénom), né(e) le ... .., à ... .., exerçant la profession de ... .., demeurant à ... .., demande en ma qualité de (lien de parenté ou nature des relations avec le patient), conformément à la loi du 27 juin 1990 (ou de l'art. L.333 du Code de la Santé Publique) et aux conclusions du (des) certificat(s) médical(aux) ci-joint(s) l'admission de Mr (Mme) (Nom, Prénom), âgé(e) de ... .., exerçant la profession de ... .., et demeurant à ... .., à l'Hôpital de ...
Fait à ..., le ...
LES MODELES DE L'EXTREME URGENCE L.333-2
En cas d'extrême urgence dont l'expérience montre la faible fréquence voici quelques modèles de la L.333-2
MODELE FORMALISTE D'UNE 333-2
Je soussigné(e) Docteur (Nom, Prénom), exerçant en tant que ... .. à ... .., certifie avoir examiné ce jour Mr (Mme) (Nom, Prénom), né(e) le ... .., à ... .., demeurant à ... .., exerçant la profession de ... .., et avoir constaté les éléments suivants: (description circonstanciée du comportement et de l'état mental du patient).
Attestant l'impossibilité pour Mr (Mme) (Nom) de consentir à son hospitalisation en raison des troubles mentaux actuels, et ayant constaté que son état impose des soins immédiats assortis d'une surveillance constante en milieu hospitalier, je conclus que les conditions médicales prévues par l'article L.333 du Code de la Santé Publique sont remplies pour l'hospitalisation de Mr (Mme) (nom), sans son consentement, sur demande d'un tiers, en établissement habilité (art. L.331 CSP), conformément aux dispositions de la loi n° 90-527 du 27 juin 1990.
De plus en raison d'un péril imminent pour la santé de ce patient, je précise que, à titre exceptionnel, les modalités de l'article L.333-2 CSP s'appliquent.
Fait à ..., le ...
AUTRE MODELE D'UNE 333-2
Je soussigné Docteur Dupont Ernest Nicéphore, docteur en médecine etc ...
Pour ces raisons ce patient doit être admis d'extrême urgence dans un établissement spécialisé, régi par la loi de juin 1838 modifiée par la loi du 27 juin 1990 en application de la procédure d'extrême urgence prévue par l'article L.333-2 (admission au vu d'un seul certificat médical).
Certificat fait le 27 avril 1990 et remis entre les mains de ses proches
AUTRE MODELE D'UNE 333-2 (modèle personnel).
Je soussigné Docteur Dupont Ernest Nicéphore, docteur en médecine etc ...
Son état ne lui permet pas de donner son consentement à l'hospitalisation.
Il présente une séméiologie dangereuse pour lui-même et pour autrui.
Pour ces raisons ce patient doit être admis dans un établissement spécialisé selon les termes de l'article L.333-2, procédure d'extrême urgence prévue par la loi du 27 juin 1990
Certificat fait le 27 avril 1990 et remis entre les mains de ses proches.
DISCUSSIONS ET COMMENTAIRES CRITIQUES
COMPARAISON ENTRE L'EX PV ET LE L'HDT
RETOUR SUR LA LOI DE 1838
Il y a le PV (médical) tandis que le PO relevait de l'autorité préfectorale ou des substituts légaux. Pour interner un malade mental il fallait réunir deux demandes: celle du médecin, le PV, et celle du demandeur, un parent en général, qui rédigeait lui aussi une demande écrite.
LA LOI DE 1838 AVAIT BENEFICIE DE CERTAINES AVANCEES
La principale critique formulée de tout temps par le public et les médias à l'encontre de la "loi de 1838" concernait le sentiment d'une protection insuffisante des libertés individuelles sous tendue par une crainte incoercible des internements abusifs. d'où la réforme partielle apportée par la "loi Peyrefitte" de 1981 (loi n°81-82 du 2.2.1981) dite "loi Sécurité et Liberté". Celle-ci fut controversée pour son esprit général. Pourtant, elle renforçait. en ce qui concerne la psychiatrie, les droits du patient elle énonçait que le patient hospitalisé en psychiatrie disposait du droit d'être informé, d'émettre ou de recevoir des communications téléphoniques et du courrier, de recevoir des visites, de refuser tout traitement de prendre conseil d'un médecin de son choix et d'être libre de ses mouvements à l'intérieur de l'établissement dans le respect du règlement intérieur et de pratiquer la religion de son choix.
La plus originale des dispositions de la loi "Sécurité et Liberté" concernait ce droit de refuser un traitement, Cette dernière mention ne figure plus dans le texte actuel de la loi de 90 ni dans aucune disposition d'accompagnement:
Il est toujours possible pour un patient en HL de demander à rompre son contrat thérapeutique il évitera ainsi efficacement un traitement imposé. Mais il n'en est pas de même d'un sujet en HDT ou HO, contraint malgré lui de rester en hospitalisation; il sera, le plus souvent, passé outre à son refus de traitement sur l'argument que la mesure d'internement n'est pas une simple mesure de privation de liberté mais bien une mesure de soins sous contrainte.
Cette problématique délicate du droit (ou de l'absence de droit) pour le patient au choix de tel ou tel traitement, voire même de refuser tout traitement, mériterait d'être approfondie par le législateur et les professionnels.
D'autres textes furent proposés.
Avant l'adoption, par les Chambres, de la loi du 27.6.1990, diverses propositions de loi avaient été émises, dont nous retiendrons plus particulièrement celle soutenue par le sénateur Henri Caillavet (séance sénatoriale du 28.7.1981). Ce texte différenciait en effet le "placement état d'urgence" du "placement nécessité par un état d'urgence", proposition séduisante, pour certains, que l'on retrouve par exemple, avec des variantes, en Angleterre et en Hollande.
Ah Caillavet! Toujours Caillavet! Cet homme doté d'un esprit très élevé avait le don de proposer d'admirables textes de loi. Tout tourne autour du concept d'urgence. Il est urgent de résoudre la question de l'urgence. La loi de 1990 nous a conduit à une régression du point de vue de la résolution des problèmes de l'urgence psychiatrique.
Voici pour mémoire, un extrait de cette proposition de loi qui ne fut pas retenue
Le placement "sans état d'urgence" se substitue au placement et fait disparaître l'hypocrite imposition par un tiers de rendre volontaire ce qui ne l'est souvent pas et ce qui constitue à la limite un abus. Le placement nécessité par "un état d'urgence" remplace le placement d'office et l'introduction du "danger immédiat et urgent" implique la reconnaissance en quelque sorte du flagrant délit.
L'atteinte à l'ordre public cesse d'être une présomption au risque de rendre actuellement abusif le placement d'office.
L'aliénation mentale qu'il est aisé de faire supporter à tout individu pour lequel on chercherait un abri où il ne pourrait créer aucune gêne (handicap sérieux par exemple: l'état dans lequel se trouve une personne qui, par suite de troubles mentaux, n'est pas en mesure de satisfaire ses propres besoins essentiels de nourriture, d'habillement et d'abri) fait place à la manifestation, lorsqu'il n'y a pas urgence, de troubles mentaux présentant un danger de sécurité pour lui-même, sa famille ou son entourage. C'est donc le constat du danger de sécurité, tant individuelle que collective, caractérisé par les manifestations connues des médecins et spécialistes, qui dicte la conduite à tenir (in Proposition de loi tendant à modifier les conditions des modes de placement dans les établissements de soins prévues par la loi du 30 juin 1838 relative à la lutte contre les maladies mentales, présentée par H. Caillavet, annexe au procès-verbal de la séance du 28.7.1981, première session extraordinaire de 1980-1981, Sénat)
Notons que, en ce qui concerne cette question du respect des droits universels et inaliénables de l'Homme, la nouvelle loi de 1990 tend à une application rigoureuse et conforme des avis émis par la Convention européenne des droits de l'Homme et par la recommandation du Comité des ministres du Conseil de l'Europe du 22.2.1983
COMMENTARES
DEBAT CSA 1
LES PREMIERES CRITIQUES DE LA LOI DE 1990 PERCEPTIBLES DES LA MISE EN APPLICATION
Voici ce que j'écrivais en 1990:
Premier commentaire personnel: c'est l'impossibilité d'effectuer un internement médical. Nous allons corrélativement voir se développer un quart monde de malades mentaux exclus de la société et exclus des soins par défaut d'hospitalisation, comme cela se passe dans certains quartiers de New-York ou se regroupent les "homeless".
Je pense que la loi précédente, celle de 1838 s'appliquait difficilement a cause des réticences ou même des méconnaissances légales de certains psychiatres des Hôpitaux psychiatriques. La désuétude de la loi de 1838 ne justifiait cependant nullement une telle calamite qui va nuire aux seules familles de malades mentaux. Si les services psychiatriques avaient voulu démontrer leur souci de ne plus s'occuper de malades mentaux ils n'auraient pas pu espérer meilleure loi. Dès lors la question est celle-ci: mais alors, que vont-ils devenir? (FINELTAIN BAL 19484, juin 1990)
COMMENTAIRES
CE DEBAT SE DEROULAIT EN 1990 SUR LE FORUM MEDICAL CSA DU MINITEL
Voici le résultat d'un débat sur CSA qui vient enrichir l'examen des conclusions pratiques de la nouvelle loi de l'internement. Un collègue se demandait où était la différence avec le PV d'avant:. C'est la nécessité d'un 2ème certificat médico-légal, issu d'un second médecin, pour que l'HDT soit possible. Cette différence là, qui donne essentiellement au médecin éventuellement débutant de tel service psychiatrique, une importance démesurée au regard du drame du patient que le médecin traitant connaît mieux que quiconque. C'est ainsi qu'on pourrait voir se renouveler des refus d'admission de patients qui pourraient fort bien tenter un suicide devant la porte de l'hôpital etc ... A mon avis cela ne marchera pas longtemps! Wait and see. Oui en effet le problème difficile: ce sont les urgences et les "soins obligés". La loi de 1838 répondait assez bien à la nécessité incontournable des traitements par contrainte, au travers du PV. Par contre, selon moi, les urgences demeureront longtemps un point noir.
Les exemples d'impossibilité d'interner ne manquent pas. Il en résulte de graves conséquences pour les patients, leurs famille et pour la société.
Tout ceci accompagnant le développement de l'extra-hospitalier tandis qu'on observe dans le même temps une expulsion prématurée des psychotiques lourds, tout ceci posera des problèmes. La loi de 1990 s'avère d'application difficile. Il est question, par bonheur, de la revoir chaque 5 ans.
UN SONDAGE OPINION ENTRE 1986 ET 1990
L'opinion de la profession avant la loi de 90
La position des psychiatres hospitaliers dans les dernières années d'application de la loi de 38 peut être résumée par l'enquête d'opinion dont M.Verpeaux s'est fait le rapporteur en 1986. 413 psychiatres hospitaliers répondirent de manière exploitable pour l'enquête. Sur les 2000 interrogés. A cette date
- 84% des psychiatres recevaient des patients soumis à la loi de 1838.
- 60% des psychiatres pensaient que cette loi était adaptée â la psychiatrie actuelle (contre 29% qui la considéraient comme inadaptée) et souhaitaient qu'elle fut maintenue, surtout par crainte d'une autre législation incertaine.
- 63% pensaient qu'une réforme était souhaitable, surtout en ce qui concernait les situations d'urgence.
- 48% pensaient que l'extension au TOA (traitement obligatoire ambulatoire) n'était pas souhaitable.
- 58% étaient pour l'extension des UMD (unités pour malades difficiles) contre 35% d'avis contraire.
- Mentionnons que cette enquête questionnait également les psychiatres à propos de la loi du 15.04.1954 sur les alcooliques dangereux: 57% pensaient qu'il fallait l'abroger et l'intégrer dans un dispositif plus large.
Ma conclusion à l'époque était celle-ci: les psychiatres ne souhaitaient pas une annulation de la loi de 1838. Je constate cependant qu'il n'y avait pas eu d'enquête auprès des psychiatres libéraux qui d'ailleurs eussent été encore plus opposés à la nouvelle loi que leurs collègues hospitaliers.
MOTIFS ANNEXES DE LA LOI DE 1990
Divers motifs non explicités ont suscité la modification de la loi.
1)Quelques dates clefs.
Il faut repérer les moments importants de la transformation des hôpitaux psychiatriques:
-En 1960, les neuroleptiques font disparaître la violence et la contention.
-En 1975, les psychiatres des hôpitaux acquièrent un statut qui leur permet de faire quelques psychothérapies libérales (les 2 après midi privées)
Les exigences de la société
-En 1990, l'extrahospitalier
La nouvelle loi de juin 1990 tente de répondre depuis 10 ans aux requêtes de la société moderne: interner sans contraindre excessivement.
2) La transformation historique du paysage psychiatrique
Voici par exemple en 1997 la répartition des modes d'exercice des 11816 psychiatres au 30/09/97 (Lettre de Psychiatrie Française n° 68, octobre 1997, p 3)
Mode d'Exercice -Nombre -Pourcentage -mixte -Nombre -Pourcentage
public exclusif -4813 -40,73% -lib. et sal. assoc. -889 -7,52%
pub. et consult. pr -130 -1,10% -lib et PH tps partiel -538 -4,55%
hospitalo-univ. -174 -1,47% -lib et att. -1 078 -9,12%
libéral exclusif -2 334 -19,75% -lib. et clin. pr -603 -5,10%
salarié exclusif -338 -2,86% -sal. et clin. pr. -6 -0,05%
mixte (cf. ci-contre)* -3 353 -28,38% -sal. et att. -48 -0,41%
ne se prononcent pas -674 -5,70% -pub. et sal. -191 -1,62%
TOTAL -11 816 -100% -TOTAL -3 353 -28,38%
3)L'évolution des statistiques nationales des HDT et des HO de 1980 à 1996
Voici les années considérées: 1980, 1985, 1988, (loi de 1990), 1992, 1993, 1994 et 1996
Internements à la demande d'un tiers: 22558, 26169, 30229, (loi de 1990), 31057, 35943, 40619 et 46022
Internements d'office, 5024, 6313, 7425, (loi de 1990), 6631, 6819, 7242 et 7871
Total des internements de force, 27582, 32482, 37654, (loi de 1990), 37688, 42762, 47861 et 53893
L'augmentation moyenne annuelle des internements sans consentement était de 1259 tandis que de 1992 à 1996 cette moyenne est passée à 4051. Ce chiffre peut paraître paradoxal.
Je crois qu'il s'agit d'une fausse augmentation. Il apparaît que les internements sous contrainte ont doublé pour de simples raisons de réorganisation du secteur psychiatrique. La durée des hospitalisations a été en effet sensiblement réduite d'où une augmentation mathématique du taux des réadmissions en HDT et même en HO.
4)La question du corporatisme.
Les hospitaliers mono-appartenants (40,70%) sont plus nombreux que les libéraux exclusifs (19,70%). Ces pourcentages respectifs vont bien entendu se modifier d'année en année.
Les conflits sous-jacents entre les médecins libéraux et le corps des psychiatres des hôpitaux n'ont jamais été étudiés. Ce conflit existe et il est essentiellement d'ordre corporatif. Les hospitaliers ne consentaient plus, en 1990, à faire les basses œuvres des libéraux!
Je dis tout de suite que j'étais et que je demeure très critique à l'encontre de cette loi. Elle ne rend pas les services que les familles sont en droit d'attendre. Ma première critique concerne le double certificat. Un psychiatre bien formé sait faire un internement. Le processus d'hospitalisation requiert du spécialiste une certaine implication affective et une grande compétence. Soumettre son certificat à la rédaction d'un second certificat est suffisant pour décourager l'initiative. Une seule victime: le patient et sa famille. Une conséquence: l'abstention thérapeutique et la propension aux passages à l'acte.
Deuxième conséquence: on transfère excessivement le problème à la police et au Préfet pour les acculer aux HO qu'ils ne pratiquent qu'avec réticence.
Le respect des droits individuels se transforme en un calvaire de l'individu malade et de sa famille. L'une des conséquences est la multiplication des homeless ou sans domiciles fixe pathologiques.
Ainsi depuis la loi de 1990 sommes-nous sans cesse sollicités de donner notre avis aux confrères à propos de carences extrêmement graves quant à la protection de malades. Les familles veulent bien interner leur malade à condition d'être aidées et éclairées par les médecins. Or la nouvelle loi n'incite pas à apporter de l'aide aux familles, aux malades et à la société!
AVENIR DE LA LOI DE 1990
LES PROPOSITIONS D'UN GROUPE DE TRAVAIL
Un groupe de travail présidé par Hélène Strohl suggère une simplification de la loi de 1990.
Pour les cas d'hospitalisation d'office, il est proposé que la référence au trouble à l'ordre public soit supprimée et remplacée par la notion de danger pour autrui.
Imaginer une seule forme d'hospitalisation, regroupant les deux indications, à condition que le régime juridique de levée de la mesure ne soit pas rendu plus difficile
Ou bien suppression de la demande administrative du tiers.
A propos de l'urgence: le groupe propose que toute hospitalisation sans consentement soit précédée par un accueil en urgence dans un hôpital général ou spécialisé pour une période de soixante-douze heures maximum permettant l'observation et l'orientation.
Le libre choix du secteur doit pouvoir devenir une possibilité réelle. La mise en place d'une période d'observation suscite des réserves quant aux garanties des droits des patients. Les ministères de l'Intérieur et de la Justice souhaitent le maintien de la référence au trouble à l'ordre public.
DÉBAT D'UN AUTRE GROUPE DE SPECIALISTES
Ce groupe veut un alignement des règles applicables aux malades mentaux sur le droit général. Ainsi le règlement intérieur des services de psychiatrie doit-il être intégré dans le règlement intérieur prévu en application de l'article L.710-1-2 du code de la santé publique
La psychiatrie resterait la seule discipline médicale qui peut légalement contraindre une personne qui ne le veut pas à se soigner. (note du Dr Fineltain: ceci n'est pas exact!). Les questions suivantes se posent: doit-on garder une législation particulière pour la psychiatrie ou abroger la loi de 1990?
La question de la judiciarisation des mesures a été écartée par le groupe car il n'est pas apparu que le juge serait un meilleur garant de la protection des malades pour deux raisons: la France est le seul pays d'Europe où ce n'est pas le juge qui prend des mesures d'hospitalisation contrainte; et d'autre part nous avons deux ordres de juridictions.
PROPOSITIONS DU GROUPE
Le débat à l'Assemblée nationale sur une éventuelle modification de la loi doit permettre d'améliorer l'accès aux soins précoce. L'hospitalisation sans consentement à terme deviendrait exceptionnelle et ne serait plus qu'une forme de soins de l'urgence (Martine Clémente, rapporteur Direction générale de la santé Bureau SP 3)
Réformer les modalités de l'obligation de soins psychiatriques
1. Instaurer une loi dé-spécifiée pour l'obligation de soins psychiatriques
Le projet de loi de modernisation du système de santé propose quelques aménagements de la loi du 27 juin 1990:
§ limitation des HO aux cas d'atteinte "grave" à l'ordre public et à un état nécessitant des soins;
§ légalisation des sorties accompagnées de courte durée (inférieures à 12 heures);
§ renforcement de la composition de la Commission départementale des hospitalisations psychiatriques (un médecin généraliste et un usager);
Abroger à terme la Loi de 1990 sur les soins sous contrainte. L'hospitalisation d'office et l'hospitalisation à la demande d'un tiers seraient supprimées. Une période d'observation et de soin de 72 heures serait instaurée, afin d'évaluer la nécessité de soins.
L'obligation de se soigner devrait être judiciarisée.
La distinction entre danger pour soi et autrui permettrait de ne plus confondre l'obligation de soin et l'ordre public. Cette modification de la loi s'inscrit dans une évolution qui paraît inéluctable et qui aurait l'avantage de resituer le système français dans le droit européen.
Mettre en place une nouvelle organisation de l'obligation de soin
Cette loi dé-spécifiée s'appliquerait à toute personne dont les troubles nécessitent des soins immédiats et constituent un danger sanitaire pour elle-même et/ou pour autrui et qui refuse ou est empêchée de consentir à ces soins.
Le circuit de pris en charge serait alors le suivant:
La personne est transférée aux urgences de l'hôpital général le plus proche. Ce texte voudrait donner priorité au service hospitalier de proximité. Une période d'observation et de soins de 72 heures (3 jours) maximum commence alors. Cette période permet, en situation de crise, d'instaurer un temps de recul comme règle générale, et non comme exception, pour les soignants .comme pour le patient, avant de prendre une décision d'obligation de soins ou non. Attendre un peu et voir, ne pas se précipiter, prendre ensemble le temps d'évaluer tout en commençant les divers formes de traitement (psychothérapie, chimiothérapie…). Il ne s'agit en rien d'une "garde à vue" psychiatrique mais bien de permettre la mise en acte de soins véritablement adaptés à une personne dans une situation donnée. Nous ne sommes donc pas sur la ligne de la loi anglaise de 1983.
Il est évident que dans un tel système il n'y a plus de place ni de justification pour l'Infirmerie Psychiatrique de la Préfecture de Police à Paris. Structure policière, donc chargée du maintien de l'ordre, où travaillent des psychiatres et dont il est difficile de trouver la justification de son exception dans le paysage national, autrement que par son lien organique avec cette même exception qu'est l'existence d'une préfecture de police à Paris.
La décision d'admission est prise au service des urgences de l'hôpital général par le directeur de l'EPS, au vu d'un premier certificat médical établi par un médecin non psychiatre appartenant ou pas à l'EPS et d'un deuxième certificat médical établi immédiatement par un médecin spécialiste appartenant à l'EPS. Dans les 24h la décision est transmise au juge et, si nécessaire, au maire et au préfet.
A l'issue de cette période d'observation et de soin d'au maximum 72 heures, un troisième certificat médical pose l'indication future:
Les obligations de soin peuvent prendre deux modalités:
§ Soins ambulatoires: si l'état de la santé de santé de la personne nécessite des soins susceptibles d'être apportés en ambulatoire, la personne choisit avec le médecin les modalités qui seront animées par d'autres soignants. La mesure est révisée périodiquement et éventuellement renouvelée après un mois.
§ Soins en hospitalisation: si l'état de santé de la personne nécessite un traitement et une surveillance permanente et continue. La mesure est révisée périodiquement et éventuellement renouvelée au bout de 7 jours.
Ces deux modalités de l'obligation de soin peuvent alterner. Ainsi, une personne étant en obligation en hospitalisation et qui voit son état de santé s'améliorer peut passer en ambulatoire ou voir une levée de l'obligation de soins assortie d'un traitement libre ou sans traitement. De même, une personne étant en obligation de soins en ambulatoire et dont l'état de santé s'aggrave, peut nécessiter des soins en hospitalisation. A contrario, son état de santé s'améliorant, cette personne verra la levée de l'obligation et la poursuite ou non d'un traitement libre. Toutes ces mesures sont décidées par le juge civil. Le maire et le préfet sont informés si nécessaire.
Le schéma suivant résume l'ensemble du circuit.
Pour les patients difficiles aux urgences, à domicile, hospitalisés dans les secteurs, hospitalisés en structures publiques ou privées non sectorisées, faut-il encourager le développement des structures intersectorielles fermées comme elles auraient commencé à se mettre en place dans quelques hôpitaux (mais aucune évaluation n'est à ce jour disponible)?
Le Dr Gaussares faisait remarquer ceci: "Dans un univers post-psychiatrique, la liberté du fou se paiera au prix de l'exclusion de quelques uns. Le plus grand hôpital psychiatrique de Paris est le métro et à Bordeaux c'est la rue piétonne du Centre. La loi du 27 juin 1990 prévient l'internement arbitraire mais ne prévoit aucune amélioration du soin proprement dit. Cet auteur préconise deux catégories de placement. L'une serait du côté de l'obligation de soin et l'autre aurait un versant judiciaire: l'hospitalisation d'office. Mais on peut craindre que les magistrats ne permettraient jamais la sortie des patients!
On fait certes moins d'internements arbitraires mais beaucoup plus d'externements arbitraires.
EVOLUTION DE LA LOI DE 1990: l'accroissement des HDT d'urgence par rapport aux HDT
Voici par exemple un point de vue de psychiatres du secteur de Côte d'Or: Les hospitalisations psychiatriques depuis la loi de juin 90 dans un département français ‹Psychiatric hospitalizations after the june 1990's law in a french department). La loi du 27.6.1990 a introduit en France l'hospitalisation dite sans consentement, en remplacement de la loi du 30 juin 1838 qui comportait des internements ou placements psychiatriques. L'un des deux nouveaux modes d'admission sans consentement, l'hospitalisation dite à la demande d'un tiers (HDT) comprenant une procédure normale et une procédure dite d'urgence, nous est apparu dans notre pratique de plus en plus utilisé, en particulier l'HDT d'urgence. Nous avons donc comparé sur trois périodes, l'une avant la loi, les deux autres trois et six ans après, les divers types d'admissions psychiatriques dans la totalité de sept secteurs psychiatriques d'un département français. Toutes les modalités d'hospitalisation augmentent en Côte d'Or avec le temps chronologique. On note aussi dans ce département une croissance particulièrement importante des HDT, mais surtout des HDT d'urgence, et ceci de manière statistiquement significative par rapport aux autres types d'admission. Si ce phénomène n'était pas purement localisé, ce que seules les Commissions Départementales des Hospitalisations Psychiatriques, créées par la loi de 1990, peuvent révéler en procédant à l'évaluation prévue des conséquences de la loi, le législateur devrait tenir le plus grand compte, et rapidement, d'une telle évolution (L'Encéphale, vol XXIV n°VI nov.-déc. 1998 pp 517-521)
COMMENTAIRE PERSONNEL
Finalement ces projets fomentés dans de petits groupes confrontés à la loi de 1990 m'apparaissent fort peu intéressants. On découvre même dans ces débats une atmosphère digne du célèbre professeur Cosinus! La réflexion sur l'urgence psychiatrique dans les Hôpitaux Généraux est en effet une plaisanterie. Ainsi par exemple à l'AP de Paris une tradition médicale de qualité coexiste en contrepartie avec une grande réticence à l'encontre de la psychiatrie. Il est difficile de lutter contre des pesanteurs sociologiques anciennes. L'urgence psychiatrique requiert un personnel expérimenté et compétent. Une structure originale doit persister en marge des hôpitaux généraux. La tendance générale d'essaimer le modèle du CPOA, Centre Psychiatrique d'Orientation et d'Accueil, en une vingtaine de répliques, les Centres d'Accueil et de Crise sectoriels, paraissait prometteuse. Les résultats hélas sont apparus décevants.
Toutes ces discussions paraissent tourner en rond. Elles souffrent d'un défaut fondamental: on ne tient pas suffisamment compte des observatoires de la souffrance. Les médecins et psychiatres libéraux ne peuvent plus interner tandis que de leur côté les psychiatres hospitaliers paraissent accepter la loi de 1990 avec une satisfaction passive. Tout ceci est riche de signification insuffisamment explicité.
JADIS ET NAGUERE.
BREF RAPPEL HISTORIQUE DES CERTIFICATS DE 1838 A 1990
Voici enfin, avant de quitter le chaudron de la loi de 1990 et des projets de modification, un rappel historique des grands textes de jadis.
-Le roi Louis-Philippe
Il faut d'abord regretter le bonheur d'expression d'un roi -et de son cabinet- qui nous a laissé un texte de loi qui fut en son temps un monument de l'humanisme médical.
Voici quelle en était l'introduction:
Loi sur les aliénés n° 7443 du 30 juin 1838. Au palais de Neuilly, le 30 juin 1838. Louis-Philippe, Roi des Français, à tous présents et à venir, Salut. "Nous avons proposé, les Chambres ont adopté, nous avons ordonné et Ordonnons ce qui suit…"
-Voici ensuite un exemple de l'ancien PV.
L'exemple ancien: d'un certificat historique, du grand Clérambault, daté de 1921
Je soussigné Docteur de Clérambault, le 16 mai 1921, docteur en médecine, demeurant rue … à Paris, certifie avoir examiné ce jour Mme Clémentine D. demeurant .. rue … à Paris.
Clémentine D..., 50 ans environ, ex-modiste.
Délire Polymorphe.
Érotisme, grandeur, richesse future; appoint érotomaniaque:
persécution, influences physiques et psychiques.
Machines magnétiques manoeuvrées par les voisins, ayant peut-être pour chef Mgr Wetterlé (sic), suggestions multiples "à la mode du jour" (sic).
Un prêtre, vicaire à St-Philippe-du-Roule, paie pour elle un appartement de 2.000 francs par mois, rue de P...
Elle en est informée par la suggestion; froideur apparente de ce prêtre à son égard.
Dépit actuel, ce prêtre est trop âgé et elle peut choisir. Orgueil sexuel avec expansion facile et formules typiques. Aveux implicites, protestations contredites par son attitude (sourires, satisfaction visible, assentiment partiel ou indirect, etc.).
Complots contre elle, autres complots contre l'abbé S...
Scènes de scandale répétées à l'église St-Philippe-du-Roule, injures, agitation véhémente, a giflé un agent.
Hauteur, attitudes de style, maniérisme, vivacité. Pouls 100. Refus de nourriture par intervalles; craintes de poison.
Pour ces raisons ce patient doit être admis dans un établissement spécialisé régi par la loi de juin 1838.
Certificat fait le 16 mai 1921, rédigé sur papier timbré et remis entre les mains de ses proches.
Dr De Clérambault
CONCLUSION
La loi de juin 1838 fut un chef d'oeuvre juridique et littéraire composé sous le règne du roi Louis-Philippe. Elle avait fini par imprégner le monde des Hôpitaux Psychiatriques pour le bien de tous: les médecins, la société et les malades mentaux eux-mêmes.
Cette loi était lourde. Elle était devenue totalement incomprise des profanes et des médecins généralistes. Elle était et elle demeure insuffisamment connue des psychiatres eux-mêmes. La loi avait donc vieilli. Beaucoup d'acteurs ne la respectaient plus guère. En particulier des psychiatres de garde au CPOA dans les années 1980 affichaient leur réticence à entériner des certificats de Placement Volontaire en bonne et due forme. Bref ils s'opposaient à la loi avec beaucoup d'ingénuité. De ce fait la loi du 30 juin 1838 tombait par déshérence. Elle était apparemment devenue désuète. Et pourtant elle avait rendu d'immenses services à tous ceux qui voulaient mettre des psychotiques à l'abri de leurs passages à l'acte.
Je considère donc que l'abrogation de la loi de 1838 et la promotion de celle de 1990 s'est faite sous la pression des psychiatres du corps hospitalier qui supportaient mal une loi qui leur imposait des obligations trop contraignantes.
Disposer des outils de placements et d'internements en milieu psychiatrique est très utile. Mais ce n'est pas suffisant. Encore faut-il que des textes d'application clairs et consensuels deviennent un bien commun.