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Edition du 14.11.2001 et 4ème mise à jour du 19.11.01
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Architecture de Nicolas Ledoux
EXPERTISES PSYCHIATRIQUES
Dr
Ludwig Fineltain
Gutenberg 1440 | Blason des Gutenberg |
EXPERTISES PSYCHIATRIQUES
Je soussigné F.L., docteur en médecine, spécialiste neuropsychiatre, expert psychiatre près la cour d'appel de Paris en matière de sécurité sociale, certifie avoir procédé à un examen du dossier du cas de feu Mr T.
1er cas. "Dire si la patiente pouvait légitimement consulter un nouveau spécialiste de pathologie mentale dans une autre région.
2ème cas. "Dire si le suicide de Monsieur C. survenu en 1999 était ou non pathologique.
3ème cas. "Mission du médecin conseil de la CPAM:
4ème cas. "Préciser les ITT ou ITP et éventuellement la date de consolidation et l'IPP
L'expertise médicale est un avis technique donné par un médecin à la demande d'un juge, d'une administration ou d'officines privées comme les compagnies d'assurances. L'expertise médicale peut donc être officieuse, amiable ou judiciaire.
L'expertise médicale simple, privée ou officieuse est une mesure d'information exécutée à la demande d'une personne en toute liberté ou à la faveur d'une procédure.
L'expertise amiable ou conjointe est demandée par les parties en présence afin de trouver une conclusion satisfaisante avant de dire droit.
L'expertise judiciaire est ordonnée par un juge en matière administrative, civile ou pénale.
Deux diplômes traditionnels intéressent le futur expert: la médecine légale et le RJDC OU réparation juridique du dommage corporel. Le DU de médecine légale est surtout destiné aux médecins experts "au pénal" tandis que le RJDC s'adresse aux autres catégories d'experts. La médecine légale est donc l'apanage des médecins experts "au pénal" tandis que la réparation juridique du dommage corporel concerne les médecins conseils de la Sécurité Sociale, des compagnies d'assurances, les médecins agréés de diverses commissions officielles ainsi que tous les médecins experts qui s'intéressent aux incapacités séquellaires.
L'estimation du dommage corporel est certes l'apanage spécifique du médecin expert judiciaire mais elle est aussi le fait du médecin désigné comme conseil privé et des médecins conseils de diverses institutions.
Tous les docteurs en médecine en réalité peuvent être requis par un juge, un jour ou l'autre, de remplir cette fonction. La connaissance de cette spécialité permet en outre au médecin traitant de donner des indications précieuses à son patient voire même de l'assister à la faveur des opérations d'expertise. Le rôle du médecin traitant est à terme d'une très grande importance sans que pour autant il s'en rende toujours compte. Dans tous les cas, toutes les évaluations ultérieures s'appuieront sur les documents médicaux présentés par la victime à l'expert.
Les mots clefs essentiels de l'expertise sont les suivants: certificat médical initial, incapacité temporaire totale de travail (ITT), incapacité temporaire partielle de travail (ITPT), date de consolidation, état antérieur, incapacité permanente partielle (le célèbre IPP), postes de préjudice patrimoniaux et extrapatrimoniaux. Les préjudices subis par une victime requièrent une évaluation précises: l'IPP et les préjudices extrapatrimoniaux sont difficiles à évaluer. L'expertise est une spécialité délicate confortées par de nombreuses années d'exercice. Les discussions les plus ardues concernent essentiellement l'évaluation de l'états antérieur, l'appréciation des structures psychiques et des prédispositions antérieures et l'évaluation de l'IPP des divers troubles psychiatriques.
Tous les psychiatres peuvent être requis de rédiger qui un certificat qui un rapport. Nos collègues ont coutume de se désister au profit d'experts proprement dits. Ceci me paraît parfaitement justifié dans les circonstances ordinaires de la pratique médicale. Mais combien de fois avons-nous vu un psychiatre requis par une institution pousser des cris d'orfraie et s'épouvanter et même faire une véritable crise d'angoisse devant la responsabilité qui lui échoyait. Rédiger un rapport d'expertise consiste à révéler des faits couverts d'ordinaire par le secret médical. N'oublions jamais cependant que la mission du médecin armé de son stylo et de son savoir consiste à assister des malades perdus au milieu d'innombrables difficultés.
L'expertise est un examen médico-légal qui requiert absolument au préalable une mission formelle. Celle-ci doit être formulée d'une façon précise et rigoureuse. On reconnaît la qualité d'un médecin conseil d'Assurance Maladie ou d'une Compagnie d'Assurances au style des questions de la mission. L'expert psychiatre exerce d'habitude son talent en qualité de sapiteur. Il éclaire les autres médecins experts, bien souvent des généralistes, sollicités les premiers pour effectuer l'expertise. L'expert psychiatre est toujours un spécialiste ayant exercé et confirmé son talent depuis de nombreuses années. L'expertise psychiatrique est une spécialité originale, difficile et raffinée. Elle est étayée par une clinique rigoureuse, des barèmes d'évaluation et des concepts juridiques.
Comme nous sommes désormais dans la Communauté Européenne nous devons repérer les différentes traditions expertales.
Le droit expertal français évalue le déficit physiologique pur; l'allemand et l'autrichien considèrent le déficit "in concreto" c'est-à-dire le patrimoine économique; le danois comme en France se fonde sur le triple critère anatomique, physiologique et fonctionnel; l'espagnol connaît un double système; l'italien comme en France tient compte de l'atteinte à l'intégrité physique mais en fait ce pays offre des indemnisations totalement discordantes suivant les régions; les Pays-Bas adoptent la méthode "in concreto" tandis que le Portugal adopte le double système de réparation; l'Angleterre enfin examine chaque chef de préjudice en se référant à la tradition.
Qu'en est-il du secret médical dans les différents pays de la communauté?
1 - Le Royaume-Uni et l'Irlande n'ont pas de texte pénal. Ces pays ont un code de déontologie. L'individu est certes respecté, mais la recherche de la vérité suscite davantage d'égards, le malade peut délier le médecin du secret, mais le médecin ne s'adressera qu'aux avocats: il n'existe pas de secret vis-à-vis du juge.
2 - L'Italie punit la révélation du secret, sauf motif juste. Elle a une conception relative du secret médical. Le juge peut obliger le médecin à témoigner. L'assureur obtient facilement une expertise sur l'état antérieur, ou une autopsie en cas de décès. Le patient peut délier le médecin du secret.
3 - La République fédérale d'Allemagne interdit la divulgation du secret. Pas de preuve, pas d'indemnité. Le malade, détenteur du secret, peut, comme ses héritiers, délier le médecin. Le Parquet peut en cas de décès tenir compte du certificat qui indique la cause ou ordonner une autopsie.
4 - La Suisse interdit la divulgation, sauf si elle a été faite avec le consentement de l'intéressé, lequel peut, par contre délier le médecin. Mais le véritable maître du secret, c'est le juge à qui le médecin ne peut refuser de répondre. Même principe qu'en Allemagne: pas de preuve, pas d'indemnité.
5 - En Belgique, au Luxembourg et aux Pays-Bas, ce n'est plus le malade qui détient le secret, mais plutôt le médecin. Nous nous approchons de la philosophie traditionnelle de la France, qui paraît avoir fortement marqué ces pays.
Comment pratiquement apporte-t-on la preuve du droit à indemnisation?
1 - En Allemagne, le blessé signe une formule de questionnaire par laquelle il délie ses médecins du secret et les invite à fournir à l'assureur tous renseignements utiles sur son passé et son présent.
2 - En Suisse, les clauses des contrats d'assurances signés par les assurés autorisent par avance les médecins qui ont donné des soins ou procédé à des examens antérieurs, à la suite d'accident ou de maladie, à fournir tous renseignements utiles à l'assureur.
3 - Au Luxembourg, le blessé se fait délivrer des certificats détaillés qu'il communique aux experts amiables ou judiciaires. Les clauses des contrats stipulent que l'assuré les renseignements nécessaires soient consent à ce que fournis par le médecin en cas de décès. Certains contestent la validité de ce consentement donné à l'avance. En tout cas, l'assureur ne paie pas lorsque les précisions font défaut.
4 - La Belgique a recours à des expédients analogues à ceux que nous connaissons en France.
5 - Au Royaume-Uni et en Irlande, l'assureur refuse la prestation s'il s'estime insuffisamment informé. La suite logique consiste en un procès à l'occasion duquel le juge aura accès au médecin, aux sources, à "la vérité". Système très efficace qui postule la maîtrise du juge. De ce fait, l'information circule sans difficulté entre la victime, le médecin et l'assureur avec un minimum de procès.
6 - Au Pays-Bas, le juge a la possibilité de ne pas donner connaissance au patient des conclusions de l'expert. Quant aux clauses des contrats d'assurances, elles prévoient la coopération de l'assuré et la communication par le médecin des renseignements nécessaires.
DES CAS EXEMPLAIRES D'EXPERTISE
J'ai isolé quatre cas d'expertises psychiatriques dont les missions étaient soit des classiques RJDC de Compagnies d'Assurances soit du contentieux de la Sécurité Sociale. J'ai choisi des missions exemplaires constituant des cas d'école. Deux d'entre elles me sont venues immédiatement à l'esprit. La plus récente d'entre elles concerne une expertise sur dossier destinée à préciser la nature d'un suicide accompli un an auparavant. Distinguer le suicide pathologique du suicide rationnel est d'ordinaire chose assez facile. Mais il existe des cas difficiles. Nous sommes confrontés à des difficultés supplémentaires quand il faut juger sur dossier à propos d'événements qui se sont déroulés une ou deux années auparavant. Le deuxième cas était l'affaire malheureuse d'un commerçant que l'état dépressif avait ruiné et la compagnie demandait de vérifier si l'état de l'assuré répondait à la définition contractuelle de la garantie. Dans ce dernier cas on aperçoit l'importance des contrats qui lient les parties quand bien même les litiges seraient d'ordre médicaux ou psychiatriques.
LES CAS CLINIQUES
Nous étudierons principalement des expertises de réparation et des expertises de la Sécurité Sociale. Nous laisserons de côté les expertises criminologiques qui intéressent seulement un nombre très restreint de spécialistes
1er cas. "Dire si la patiente pouvait légitimement consulter un nouveau spécialiste de pathologie mentale dans une autre région. Cette patiente, très phobique, avait été suivie tour à tour par un médecin généraliste, une psychanalyste et puis un psychothérapeute cognitiviste dans la région parisienne. Elle voulait tenter une nouvelle chance auprès d'un spécialiste de l'hypnose, loin de chez elle, mais tout près du domicile de ses parents, en Aquitaine. Le médecin conseil souhaitait faire le point quant au bien-fondé de cette forme de dilution de la demande. La Sécurité Sociale en réalité n'avait pas forcément l'obligation d'en supporter la charge financière pour peu que le spécialiste en question ne soit pas médecin.
2ème cas. "Dire si le suicide de Monsieur C. survenu en 1999 était ou non pathologique. Ceci revient à répondre à la question médico-légale suivante: "Suicide conscient ou inconscient, suicide obéissant à des pulsions irrépressibles ou non".
3ème cas. "Mission du médecin conseil de la CPAM: "Dire si une patiente pouvait légitimement continuer ses trois séances hebdomadaires avec transport en VHL à la nouvelle adresse en banlieue de son psychiatre traitant?"
4ème cas. "Préciser les ITT ou ITP et éventuellement la date de consolidation et l'IPP. Formuler des conclusions en fonction des définitions contractuelles de la garantie, à l'exclusion de toute autre considération, circonstance ou barème."
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PREMIER CAS
Expertise CA à propos de l'entreprise de traitements psychiatriques multiples et variés
PROTOCOLE D'EXPERTISE
(Article L.141.1 du code de Sécurité Sociale)
CA. Née en 1973, cadre.
Le Praticien expert procède à l'examen du malade dans les cinq jours suivant la réception du présent protocole. Le Praticien expert établit immédiatement les conclusions motivées et adresse sous 48 heures un exemplaire à la Caisse de Sécurité Sociale. Le Praticien expert dépose son rapport au Service Médical avant l'expiration du délai d'un mois à compter de la réception du présent protocole. (Articles R.141.4 et 8 du Code de la Sécurité Sociale).
I - Résumé du litige et circonstances ayant provoqué la demande d'expertise formulée le: ../../2001
La Caisse refuse le départ hors circonscription prescrit du 15/09/2001 au 01/11/2001.
Il - Motifs invoqués par l'assuré à l'appui de sa demande: "Ce document est une pièce contentieuse non ouverte par le secret médical et susceptible d'être communiquée aux commissions contentieuses de la Sécurité Sociale".
III - Avis du praticien traitant expressément désigné par l'assuré: Dr R.: "Névrose d'angoisse avec attaque de panique. Agoraphobie - claustrophobie et troubles de l'équilibre. Psychothérapie comportementale et ... vestibulaire. Départ subit dans sa famille pour essai thérapie sous hypnose", le …..01
IV - Avis du Praticien conseil: "En l'état du traitement le départ hors circonscription n'est pas justifié".
V - Mission confiée à l'expert: Entendre les parties en leurs dires et observations, procéder à l'examen du malade susvisé, prendre connaissance du dossier et de tous certificats médicaux et documents qui pourront être produits par les parties et à l'aide de ces éléments, donner ses conclusions motivées.
VI - Questions posées à l'expert:
l°) - Le départ hors circonscription était-il justifié le 15/ 09/ 2001?
Sinon
2°) - L'est-il au jour de l'expertise?
Dressé le: ../../01, praticien Conseil placé près la Caisse Primaire d'assurance Maladie, Dr B.
DOCUMENTS
Lettre de Mme Ca: "... Prozac et Xanax, psychothérapie, phobie, nécessité d'être accompagnée, pour une autre forme de thérapie".
EXAMEN CLINIQUE
Névrose phobique peu circonscrite et volontiers pantophobique. L'objet phobogène privilégié est la rue, la place publique et la foule ordinaire des passants. Elle doit être accompagnée pendant ses déplacements: l'objet contraphobique fonctionne de façon substantielle. Elle ne peut plus travailler depuis deux ans au moins!
Les traitements entrepris: psychotropes, psychanalyse, thérapie comportementale. Elle a maintenant un projet d'hypnothérapie dans une autre ville à l'autre bout de la France en Aquitaine.
DISCUSSION
Cette expertise est une sorte de "cas d'école". Beaucoup de patients se posent des questions légitimes à propos de ceci: comment s'orienter dans le maquis de la psychopathologie?
Les phobies requièrent une définition pour la bonne marche de l'expertise. Systématisation de l'angoisse sur des personnes, des choses ou des comportements qui deviennent l'objet d'une terreur paralysante. Ce sont l'agoraphobie, la claustrophobie, l'angoisse des transports, les phobies d'impulsion, les phobies de défenestration, les phobies des armes et des instruments tranchants, l'éreutophobie (crainte de rougir), l'érythrophobie (phobie de la couleur rouge), les nosophobies. Ribot jadis avertissait que "toute manifestation morbide de la crainte est aussitôt dénommée par un vocable grec ou réputé tel et nous avons jusqu'à la "triakaidekaphobie" ou peur du nombre treize!". Dide et Guiraud distinguaient quatre types de phobies: celles des lieux, des éléments, des êtres vivants et des fonctions organiques.
Le concept de phobie lui-même s'est modifié. Nous disons encore "névrose phobique ou structure phobique ou structure hystéro-phobique" dans la terminologie française. Dans les deux autres classifications internationales le concept s'est transformé. Ainsi le DSM-IV connaît-il "l'attaque de panique". Le terme est assez élégant. Il fait un emprunt à la mythologie classique: chacun sait que le terme grec "panikos" est dérivé du nom du dieu Pan. La terminologie "attaque de panique" m'apparaît pourtant peu adéquate bien qu'elle se soit généralisée dans le monde scientifique.
Quant au traitement:
De 1950 à 1970 on préconisait essentiellement soit une psychanalyse formelle soit une psychothérapie d'inspiration psychanalytique et de nos jours ces formes de traitement constituent encore la meilleure réponse à ce syndrome
Il faut ajouter ceci: les phobies diffuses chez un patient névrosé type - ce qui est ici le cas - sont extrêmement faciles à traiter. Les phobies névrotiques sont en quelque sorte le gage de succès des analystes! Les cas beaucoup plus difficiles sont soit des phobies circonscrites comme la phobie des ponts ou des autobus soit pire encore les syndromes phobiques inclus dans un syndrome borderline. Dans ce cas précis les traitements sont interminables. Mais notre patiente par bonheur n'est absolument pas borderline.
Quelques définitions doivent être rappelées pour la bonne marche de l'expertise:
La psychanalyse est une théorie du psychisme et une technique de traitement psychothérapique mise au point par Freud. La technique requiert des règles fondamentales permettant la remémoration et la reviviscence émotionnelle d'expériences du passé, la neutralité bienveillante de l'analyste et sa disponibilité affective, le transfert, les péripéties de la névrose de transfert, la séquence "résistance transfert interprétation", le contrôle du contre-transfert, les interprétations du matériel analytique reliant les contenus manifestes aux contenus latents. Forme de traitement individuel qui repose sur une théorie du psychisme, un cadre technique, le transfert, l'élaboration fantasmatique et les interprétations.
1)La théorie du psychisme. L'historique des pulsions sexuelles infantiles d'une part et une métapsychologie basée sur les trois points de vue dynamique, topique et économique d'autre part.
2)Le cadre ou "setting" analytique. Il consiste en 3 ou 4 séances par semaine pendant quelques 4 à 6 années. Les séances sont caractérisées par la régularité, la périodicité et l'astreinte. L'élaboration de fantasmes de toute nature prévaut sur tout autre mode d'expression.
3)Le transfert. Les émotions éveillées par la situation analytique sont le transfert. Ce sont plus précisément des émotions et des sentiments revécus par le patient au contact de la personne de l'analyste. Elles sont actualisées à l'insu du patient. Au transfert s'oppose bien entendu le contre-transfert de l'analyste qui par définition en a assumé l'élucidation à la faveur d'une analyse didactique.
4)Les fantasmes. Leur élaboration est la clef de voûte de l'analyse. Si la censure du silence, de la honte ou de la crainte est suffisamment levée l'élaboration fantasmatique emplit la séance d'un flux de paroles. Le rêve est bien entendu la forme privilégiée de cette communication. Je ne parlerai pas plus des autres moments importants de l'analyse comme du Moi, du Ca et du Surmoi parce que leur théorisation se prête trop à une mythologie vulgaire de l'analyse. La psychanalyse est bien autre chose que la découverte de trois homoncules et d'une clef des songes.
5)Les interprétations. L'analyste n'est pas muet. Il n'est pas non plus un miroir. Contrairement à l'opinion si répandue de sa mutité l'analyste en réalité interprète.
La psychanalyse obéit à des critères d'analysabilité et à des indications: le poids du symptôme, le Moi du patient c'est-à-dire le quantum de narcissisme, l'importance des résistances, la capacité d'affiliation, d'attachement ou d'arrimage à un contrat thérapeutique et enfin la capacité introspective.
Les traitements complémentaires
Le développement des antidépresseurs sérotoninergiques. Ces psychotropes ont vu leurs indications s'élargir aux phobies. La mention en est d'ailleurs faite parmi les AMM du Vidal. Il est raisonnable de rappeler que leur efficacité dans ces syndromes est très discutable.
Les propositions de la thérapie cognitivo-comportementale. On observe des résultats très intéressants dans des cas de phobies circonscrites (phobie des ponts, des ascenseurs, de monuments élevés et des avions).
Mais dans la plupart des cas on ne peut pas se passer des techniques de la psychothérapie interprétative (les variétés d'approche psychanalytique) parce que la source intrapsychique, conflictuelle et historique des troubles est incontestable. Un patient qui se prive d'une telle aide adaptée, à condition de rencontrer un analyste compétent et expérimenté, est réputé "fuir dans la maladie pour rechercher des bénéfices primaires et secondaires".
Beaucoup d'autres traitements appartiennent au folklore des psychothérapies, recherches anciennes ou en cours, qui n'ont pas encore apporté la preuve de leur efficacité. Ainsi par exemple l'hypnose a-t-elle avant tout un intérêt historique puisqu'elle a fait la gloire de Charcot à la Salpetrière et de Bernheim à Strasbourg dans les années 1880. Personne ne pourrait s'attendre que je donne un blanc-seing à la mise en oeuvre en 2001 d'une thérapie "historique". Par contre les patients sont assez libres de choisir leur destin. Si une analyse en cours ne marche pas, il peut exister plusieurs causes. Ainsi par exemple selon moi: "les patients n'ont pas toujours tort". J'ai connu jadis une patiente chez un psychanalyste de grand renom, un collègue donc, à qui, au cours des 4 années de cure, elle n'avait jamais parlé de sexualité. Diriez-vous que la patiente était fautive d'avoir été trop discrète? Eh bien non! Quelque chose, chez cet analyste, empêchait la patiente d'aborder le problème!
CONCLUSION
Les deux ou trois choses que je sais de la patiente justifieraient à mon avis un approfondissement de la thérapie psychanalytique.
Mais si son déplacement à Perpignan et son hypnothérapie ne pèsent pas sur le secours mutuel de la Caisse de Sécurité Sociale je ne peux rien dire à la patiente.
Par contre si la CNAM devait être dans l'obligation d'aider la patiente je dirais que le déplacement n'est absolument pas justifié.
Devant tant de questions accumulées je souhaiterais revoir la patiente dans un mois afin de lui donner un avis circonstancié.
REPONSES AUX QUESTIONS
l°) - Le départ hors circonscription n'était pas justifié le 15/09/2001
2°) - Je suis dans l'incapacité de formuler, le jour de l'expertise, une réponse claire, affirmative ou négative. Il est donc nécessaire que je revoie la patiente dans un mois.
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DEUXIEME CAS
Expertise T. à propos de la distinction nécessaire entre les suicides rationnels et ceux qui sont pathologiques
Dépression en 1995 et 1996, prescription d'Anafranil, Tranxène Prothiaden Prozac
Notion de troubles en 1990 sans épisodes subséquents ou postérieurs qu'on a pu considérer soit comme un épisode isolé sans lendemain soit comme un prédisposition et non comme un état antérieur. Une tentative de suicide en 1990 s'est produite en 1995 alors que l'un des fils traversait des difficultés sociales majeures. La situation a justifié une Hospitalisation d'urgence à l'Hôpital de L. Une deuxième tentative de suicide s'est produite à l'occasion de la maladie grave de Mme T. son épouse. Alors que celle-ci était hospitalisée depuis le 18.10.96, Mr T. connut une décompensation psychiatrique. Admis à l'Hôpital de S. en Provence, il en sort le 23.10.96 contre l'avis médical puis il est retrouvé mort le 25.10.01.
QUESTIONS POSEES
Quel est le sens de ce suicide? A-t-il agi sous l'impulsion d'une influence morbide?
Etat antérieur et antécédents.
En tenant compte de la déclaration du 12.12.94 Nous apprenons que Mr T. consultait le Dr F., psychiatre, en 1993. Dans ce cas le mensonge par omission est évident mais il ne vient pas du patient mais de son médecin rédacteur de certificat. Consulter un psychiatre cependant ne signifie nullement qu'on est atteint d'une affection psychiatrique. Consulter pour une souffrance psychique ne signifie pas non plus qu'on est atteint d'une affection psychiatrique. Un patient ne saurait en effet de lui-même faire la distinction entre prédisposition et état antérieur proprement dit, entre symptôme, syndrome et maladie. Toute la question réside donc dans l'appréciation de la nature exacte de cet état antérieur. Il apparaît que Mr T. possédait une personnalité fragile caractérisée par une disposition à des réactions anxieuses et dépressives intenses, brusques avec des raptus anxieux et des passages à l'acte autodestructeurs. On peut noter d'autre part que les rapports familiaux étaient tendus, rigides et agressifs, contrairement aux apparences que veut laisser apparaître l'ensemble de la famille.
Formulation de quelques questions
1 Quel est le rôle du Risperdal dans ce suicide?
2 Le suicide était-il de type psychotique?
3 Nature du suicide: pathologique ou non?
Commentaires.
Il apparaît une succession invraisemblable d'anomalies
- Dépressif en 95: il ne peut pas exister d'indication de risperdal
- Dépressif en 95: il ne peut pas exister de "sortie contre avis médical" puisque l'état dépressif inquiétant interdit qu'on laisse sortir un malade et que d'ailleurs l'état d'un tel malade requiert du médecin traitant ou du médecin hospitalier un certificat d'HDT ou un réquisitoire en vue d'un HO. Le fait du seul "service libre" en hôpital général impose le transfert en HDT dans un service régi par la loi de 1990 avec toutefois l'accord d'un parent.
- Un dépressif sous Risperdal, en ville, pourrait être un dépressif mal soigné
- Un tel patient quoique sous risperdal peut faire un raptus anxieux et se trouver hors d'état de signer des actes responsables etc...
- Un bon médecin d'ailleurs eût suggéré en 94-95 de placer le patient au moins sous "sauvegarde de justice" ou sous curatelle.
Revoyons le tableau des neuroleptiques. Survolons l'historique des molécules, les formules et les propriétés pharmacologiques. Un neuroleptique comme la rispéridone, qui est un benzisoxazole mis au point par le laboratoire Janssen et dont l'AMM date de 1994, est destiné en priorité aux patients psychotiques. Les neuroleptiques sont parfois prescrits aux patients non psychotiques en tenant compte de l'intensité des troubles du comportement et des troubles psychiques mais cette circonstance est exceptionnelle. En tout état de cause cette prescription est fort peu conseillée chez la personne âgée parce qu'elle entraîne des effets secondaires difficiles à maîtriser. Les prescriptions diffèrent selon que le patient est un adulte en pleine force de l'âge ou un vieillard fragile.
NOTES COMPLEMENTAIRES EXTRAITES DE LA JURISPRUDENCE
LES ASSURANCES ET LA GARANTIE DU SUICIDE. La loi du 2 juillet 1998 ramenant à un an le délai d'exclusion légale en cas de suicide intervient à un moment ou l'augmentation de cas de dépressions nerveuses n'a jamais fait autant de victimes. Ce délai légal de un an est supprimé dans les contrats d'assurances pour le compte des salariés et dans les assurances groupe au profit des emprunteurs d'une Banque. Cette loi avait été votée pour améliorer la prise en charge des situations de détresse de familles touchées par un suicide. Mais elle va à l'encontre du principe aléatoire du contrat d'assurance et de la prohibition de la faute intentionnelle. Les assureurs ne vont-ils pas insérer dans leurs polices des clauses excluant conventionnellement la garantie du suicide, quelle que soit sa date?
Conclusion provisoire: on opposerait donc le suicide acte volontaire et conscient à l'acte inconscient sous l'empire de pulsions irrépressibles.
L'étude du dossier clinique est faite dans le cadre des suites du jugement du 28.06.2000 du Tribunal de Grande Instance de P. et en complément des missions d'expertise des compagnies F. et G.
Il s'agit d'un premier document d'introduction à l'expertise proprement dite qui sera réalisée ultérieurement.
MISSION
Voici comment sont formulées les questions:
Quelle était la nature du suicide?
Qu'en est-il des antécédents?
CIRCONSTANCES DE LA MALADIE
Il apparaît que Mr T. père possédait une personnalité fragile caractérisée par une disposition à des réactions anxieuses et dépressives intenses et soudaines avec des raptus anxieux et des passages à l'acte autodestructeurs.
Nous parlerons donc d'une décompensation psychiatrique. Deux épisodes significatifs doivent être soulignés et décrits:
1) La sortie, contre avis médical, de l'Hôpital de S. ./../1996. Ceci implique que la nature de la pathologie eût requis de prolonger l'hospitalisation et que la sortie prématurée a facilité l'épisode de décompensation.
2) Le changement de la nature du traitement. On est passé au Risperdal à la faveur de la sortie du patient de l'Hôpital de S. le ../../1996.
Le patient est découvert mort le ../../1996.
DISCUSSION
1) A propos des conditions du suicide:
Il s'agit d'évaluer la morbidité d'un acte c'est-à-dire de raisonner à partir des catégories nosologiques et de la séméiologie psychiatrique la mieux établie. Un raptus anxieux avec tentative de suicide est une impulsion absolument morbide sans aucune contestation possible.
J'ajoute que la prescription de la molécule de rispéridone ou Risperdal m'est apparue contestable au moins à deux ou trois points de vue. Un dépressif âgé, sous risperdal, en ville, en l'absence d'accompagnement infirmier, est en effet susceptible de devenir perplexe, désorienté et confus. Elle a très certainement diminué les résistances aux pulsions suicidaires.
Les neuroleptiques, destinés en priorité aux patients psychotiques, sont parfois prescrits aux patients non psychotiques en tenant compte de l'intensité des troubles du comportement. En tout état de cause ils sont peu pertinents chez les personnes âgées dépressives parce qu'ils entraînent des effets secondaires difficiles à maîtriser de telle façon qu'on les évite presque systématiquement après 65 ans.
2) A propos des antécédents:
Un épisode dépressif isolé s'est produit en 1990 sans aucune conséquence ultérieure. On peut le considérer comme une structure psychique prédisposante et non comme un état antérieur proprement dit. L'étude détaillée des antécédents sera faite dans l'expertise ultérieure proprement dite.
CONCLUSION
Le patient lors de son suicide a-t-il agi sous l'impulsion d'une influence morbide? On peut répondre sans aucune difficulté par l'affirmative. Deux arguments s'additionnent: le raptus anxieux et le brouillard psychique provoqué par la prescription aventureuse de la rispéridone chez un sujet âgé constituent des influences morbides. Le suicide s'est donc produit effectivement sous l'influence de pulsions morbides irrépressibles.
Certificat d'expertise rédigé le 5 septembre 2001.
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TROISIEME CAS
Expertise C., le 9/04/2001, à propos de la légitimité de poursuivre un traitement contesté et coûteux loin du domicile parisien
PROTOCOLE D'EXPERTISE
(Article L.141.1 du code de Sécurité Sociale)
Le Praticien expert procède à l'examen du malade dans les cinq jours suivant la réception du présent protocole.
Le Praticien expert établit immédiatement les conclusions motivées et adresse sous 48 heures un exemplaire à la Caisse de Sécurité Sociale.
Le Praticien expert dépose son rapport au Service Médical avant l'expiration du délai d'un mois à compter de la réception du présent protocole (Articles R.141.4 et 8 du Code de la Sécurité Sociale).
I - Résumé du litige et circonstances ayant provoqué la demande d'expertise formulée le:
Entente préalable du 17/05/00 pour transports VSL en série de PARIS à M. (UNE COMMUNE À 50 KM DE PARIS), 3 fois par semaine pour voir son psychiatre.
Refus administratif notifié le 31/05/00.
Confirmation de ce refus par la commission de recours amiable (séance du 11/07/00) notification à l'assurée le 09/08/00.
Contestation de refus de la C.R.A. par l'assurée le 08/09/00.
Jugement du T.A.S.S. du 29/11/00 ordonnant une expertise médicale article L et R 141.1 du code de Sécurité Sociale.
Secrétariat du Médecin-conseil, Chef de service - secteur .
II - Motifs invoqués par l'assuré à l'appui de sa demande:
III - Avis du praticien traitant expressément désigné par l'assuré, Dr M. à M. (une commune à 50 km de Paris): "Lettre ci-jointe
IV - Avis du Praticien conseil:
Les structures psychiatriques (cabinets ou établissements) sont nombreuses à PARIS et pouvaient prendre le relais de la prise en charge de cette patiente après le départ de son psychiatre à M. (une commune à 50 km de Paris).
V - Mission confiée à l'expert:
Entendre les parties en leurs dires et observations, procéder à l'examen du malade susvisé, prendre connaissance du dossier et de tous certificats médicaux et documents qui pourront être produits par les parties et à l'aide de ces éléments, donner ses conclusions motivées.
VI - Questions posées à l'expert:
Le traitement suivi par Madame C., pouvait-il être dispensé à PARIS, ou devait-il être "impérativement" poursuivi à M. (UNE COMMUNE À 50 KM DE PARIS). Dressé le ../03/2001, Dr M. Praticien-Conseil placé près la Caisse Primaire d'Assurance Maladie:
DOCUMENTS
1) Jugement du TASS du ../../2000: nécessité d'une expertise L et R141-1
2) Lettre certificat du Dr M., Ancien Chef de Clinique, à M. (une commune à 50 km de Paris), du ../../2000: "Madame C., qui a récemment déposé une demande d'entente préalable pour la prise en charge d'un transport médicalisé de son domicile, situé à Paris, à mon cabinet établi à M. (une commune à 50 km de Paris) (77) et qui a essuyé un refus au motif qu'elle pouvait consulter un médecin psychiatre plus proche de son domicile. Le recours amiable déposé par la patiente contre cette décision a été rejeté (séance du ../../2000 notification du ../../2000). Madame C. a décidé de déposer un recours contre cette dernière décision et il me semble important d'étayer ce recours, tant sur un plan médical qu'économique. Je suis cette patiente depuis 1994, soit un peu plus de six ans. Auparavant, Madame C. avait été suivie, depuis l'age de 20 ans, par de nombreux psychiatres de manière fragmentaire: effectivement un terme était rapidement mis à la relation thérapeutique. Une seule fois par le passé elle avait pu nouer une relation suivie avec un médecin. Ce nomadisme médical fait partie intégrante de la pathologie de la patiente: il s'agit d'une personnalité limite et abandonnique; à ce trouble de la personnalité se surajoute une dépression majeure chronique. L'abandon du thérapeute constitue la répétition des abandons initiaux et infantiles multiples dont a été victime la patiente.
Pour des raisons personnelles, je dois m'installer à M. (une commune à 50 km de Paris), quittant mon cabinet parisien. L'Ordre des Médecins m'interdit formellement d'avoir un cabinet secondaire: aussi je ne peux suivre mes patients parisiens, sauf à leur demander de venir me consulter à M. (une commune à 50 km de Paris). Il me semble important, sur le plan médical, que Madame C. puisse continuer à bénéficier de mes soins et de la poursuite de la relation thérapeutique qui s'est établie entre nous. Le risque serait, si les organismes sociaux persistaient dans leur refus, la reprise d'un nomadisme médical avec, chez cette patiente au vécu dépressif et abandonnique, le risque d'un passage à l'acte suicidaire.
Lorsque la Commission du Recours Amiable affirme que, en l'espèce, le service médical a estimé qu'il existait des structures adaptées a l'Etat de la patiente, proches du domicile de celle-ci, je souhaiterais vous exprimer mon sentiment à ce sujet. Cette patiente est ce que l'on peut appeler une patiente difficile. Je crois que la capacité d'un médecin à tolérer ses attitudes, seule qualité permettant de nouer une relation médicale suivie, sont rares; et ceci pour la simple raison que l'accroche thérapeutique est quelque chose qui ne se commande pas en fonction du lieu d'habitation d'un patient, mais reste, à mon avis, indicible. Quant à la structure proche du domicile apte à suivre la patiente, il faut dire ici que Madame C. a été hospitalisée en juillet 2000 dans le service de psychiatrie de l'Hôpital K. pour en être "virée" une semaine après: manifestement, l'adaptation et la proximité de la structure n'ont pas permis un suivi thérapeutique. Si l'Assurance Maladie estime réellement que la patiente peut être suivie par n'importe quel médecin ou n'importe quelle structure, qu'elle prouve la réalité de son assertion et trouve un psychiatre qui s'engage à suivre cette patiente sur la durée. Personnellement je ne peux donner aucun nom de confrère psychiatre à qui je confierais cette patiente, alors même que j'ai pu le faire pour mes autres patients.
Sur le plan économique, je comprends qu'un transport en VSL Paris-M. (une commune à 50 km de Paris), aller et retour au moins deux fois par semaine constitue un coût non négligeable. Ce coût est à mettre en parallèle avec le coût déjà existant d'un transport du domicile de la patiente à mon cabinet parisien: jamais les organismes sociaux n'ont exigé que la patiente soit suivie à proximité de son domicile, en un lieu où elle aurait pu aller à pied, alors qu'elle ne peut prendre les transports en commun. Il est surtout à mettre en parallèle avec le coût d'une décompensation chez cette patiente.
Lorsque j'ai pris en charge Madame C., elle prenait chaque jour 40 molécules psychotropes différentes, toutes délivrées sur prescription médicale. Je vous laisse imaginer le coût pour les caisses, tant en pharmacie qu'en consultations médicales pour obtenir les ordonnances correspondantes. Depuis six ans, je ne prescris à cette patiente que deux à trois molécules différentes: un antidépresseur et un anxiolytique, parfois un hypnotique.
Au début du suivi, lors d'une de mes absences pour motif de vacances, la patiente a réalisé une tentative de suicide: celle-ci a été suivie d'un séjour en réanimation à l'Hôpital C. pendant 21 jours. Il m'a été dit qu'une journée dans ce service se montait à 14000 FF par jour: le coût pour la société est pour le moins élevé et représente un nombre non négligeable de transports Paris-M. (une commune à 50 km de Paris). C'est au demeurant après cette tentative particulièrement grave que j'ai été amené, lorsque l'état de la patiente le nécessite, à lui proposer de me voir trois fois par semaine.
Ces deux arguments, médical et économique, justifient à mes yeux que la patiente puisse bénéficier d'une prise en charge pour un transport Paris-M. (une commune à 50 km de Paris). Pour ces raisons, la patiente va contester la décision de la Commission du Recours Amiable.
Afin de décider, dans les meilleures conditions médicales de la pertinence de ce recours, je crois indispensable qu'un médecin expert donne son avis et qu'en conséquence la patiente soit soumise à une expertise.
DOLEANCES
J'ai vu 32 psychiatres; j'ai fait du cognitif et du comportementalisme aussi bien que de l'hypnose. Je restais une ou deux fois et c'est tout. Ils ne me comprenaient pas.
Le pire de tout c'était le CPM du Dr C. dans le "enième" arrondissement et à l'hôpital S. à Paris. Les internes changeaient tout le temps. A cette époque vers 1978 je faisais des crises de voyance et j'avais été hospitalisée. Il y a eu la période de l'alcoolisme, pendant un an à la Clinique de M.
Avec le Dr M. je fais une psychothérapie. Je peux dire des choses qu'il supporte d'entendre.
EXAMEN CLINIQUE
Personnalité très régressive et très abandonnique. Ces mécanismes chez elle sont si patents, profonds et anciens que le processus psychotique est évident. Il a existé à plusieurs reprises depuis 1970 des épisodes délirants et hallucinatoires dont le plus net fut apparemment le délire de voyance survenu en 1978. Cet ensemble séméiologique ressortit fort probablement à l'évolution psychotique chronicisée à l'âge adulte d'un processus ancien de prépsychose ou de psychose infantile dont les débuts ne m'apparaissent pas clairement. Il n'existe pas d'équivalents explicites dans le DSM et la CIM de ces catégories nosologiques propres à l'école française des années 70-75 développées dans de nombreux travaux comme ceux de J.L. Lang (PUF 1978) et d'autres auteurs parmi nos collègues de langue française.
DIRES
Du Dr M., communication téléphonique: "Les rejets des consultants ont été innombrables. Le risque serait, si les organismes sociaux persistaient dans leur refus, la reprise d'un nomadisme médical avec, chez cette patiente au vécu dépressif et abandonnique, celui d'un passage à l'acte suicidaire."
DISCUSSION
Les parties en cause m'astreignent à un exercice de style bien difficile au regard des conditions matérielles faites aux experts de la Sécurité Sociale! Il s'agit en effet d'une expertise peu banale. Pourquoi?
1) La nature de la maladie et la nature du traitement proposé. Le diagnostic affirmé par le Dr M. est celui d'une dépression avec dépendance et pulsions suicidaires. Celui qui est proposé par le médecin conseil est: hystérie grave. Je propose le diagnostic de psychose chronicisée de type schizophrénique simple comme forme évolutive d'une prépsychose ou d'une psychose infantile fort probable.
2) La nature du traitement. Dans tous les cas il ne semblait pas possible de proposer une thérapie mixte, combinée de chimiothérapie et de psychothérapie (l'analytique est quasiment impossible). Or le Dr M. a su lui proposer ce cadre thérapeutique en ville! Elle bénéficie donc d'une psychothérapie de soutien assortie de psychotropes anxiolytiques.
Que penser du traitement en cours? On s'attend que 3 séances par semaine représentent une psychothérapie structurée dont un modèle possible est la psychothérapie d'inspiration psychanalytique, psychanalyse assouplie qu'on a pu proposer à certains prépsychotiques, à certains psychotiques ou à des borderline. Mais alors dans tous les cas de figure on ne comprend pas l'utilité d'une assistance aux déplacements. Une telle prise en charge requiert par définition une "demande", un investissement, un vouloir. Il est donc requis du patient, dans ces cas particuliers, qu'il se débrouille pour venir avec ses deux pieds, avec un autobus, avec un métro ou avec un taxi à ses propres frais.
Sinon il ne s'agit pas vraiment de traitement de ville mais d'une forme déguisée d'hospitalisation à domicile et alors, dans ce cas, je me perds en conjectures au sujet de la stratégie thérapeutique.
3) L'ancienneté de la prise en charge.
Celle-ci peut être prise en considération seulement si le suivi psychiatrique est assorti d'une technique sophistiquée que seul ce psychiatre détiendrait. Ainsi par exemple en est-il d'un spécialiste de la thérapie des couples, exercice sophistiqué, qui exercerait son art dans une commune lointaine ou encore de la technique de la Weckanalyse qui demande une compétence exceptionnelle. Il ne semble pas que ce soit le cas.
4) Les problèmes de politique de santé intéressent-ils l'expert?
- Examinons d'abord quelques faits de réalité.
A. En 1970 nous étions 1800 psychiatres sur tout le territoire puis en 2001 environ 15.000! L'argument de la rareté des spécialistes psychiatres n'existe donc plus.
B. Entre 1966 et 1975 le secteur d'hygiène mentale proposait des prises en charge psychiatrique à peu près convenables. Depuis lors la dégradation des modes d'exercice est patente. Aussi bien peut-on admettre les réticences d'une patiente aussi bien que de son médecin traitant à y faire appel.
Comment émettre des jugements pertinents quant à la rareté et à la compétence dans le monde de la santé? Est-ce vraiment à l'expert de se prononcer sur ce point?
5) Les problèmes de la compétence.
Sur ce point l'argumentaire du médecin conseil de la CPAM n'est pas suffisant. Je crois à la compétence. Je crois que des patients sont mieux pris en charge ici que là-bas. Il faut bien entendu argumenter cette notion. Il ne suffit pas que le patient plaide seulement en faveur de son docteur bien aimé pour que celui-ci soit le plus compétent. Il existe néanmoins des relations privilégiées.
Je me souviens d'un paysan transsexuel qui est venu me voir 2 fois par semaine du Mans pendant des années. J'aurais plaidé la nécessité si par hasard la CPAM avait contesté une prise en charge loin de son domicile. Par contre les frais de déplacement étaient entièrement à sa charge. Ce n'est tout de même pas la faute de la CNAM si tous les spécialistes ne sont pas disponibles dans l'Ile d'Oléron!
CONCLUSION
Ma conclusion est celle-ci:
Madame C. a vu un nombre considérable de psychiatres et de médecins qui n'ont pas été capables d'obtenir son acquiescement. Elle a noué avec un psychiatre, attentif à ses symptômes, à ses angoisses et à sa nosologie, des liens privilégiés qui sont, quoi qu'on en pense, d'ordre médico-psychiatriques. Il est légitime qu'elle le suive pour autant que son cabinet de consultation soit situé à une distance raisonnable de son domicile. Et c'est manifestement le cas.
Par contre je ne comprendrais pas que les déplacements soient pris en charge.
REPONSES
Le traitement suivi par Madame C. ne pouvait pas être dispensé à PARIS. Il devait être "impérativement" poursuivi chez le Dr M. à M. (commune à 50 km de Paris)
- Le traitement suivi par Madame C. devait être "impérativement" poursuivi à M. (commune à 50 km de Paris)
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QUATRIEME CAS
Expertise ET. à propos des expertises dites de réparation juridique du dommage près les compagnies d'assurance
Je soussigné Dr F.L., neuropsychiatre expert, certifie avoir examiné Monsieur ET. demeurant chez Mr Et. à D., le 6 novembre 2000 conformément à une mission de la Compagnie G. datée du ../../2000.
MISSION
Mr Et. est assuré par la Compagnie dans le cadre d'un contrat "Garantie de prêts bancaires"
L'objet de l'expertise:
1) Contrôler si l'état de l'assuré répond à la définition contractuelle de notre garantie.
2) Recenser ses antécédents de santé et contrôler l'antériorité et les facteurs de risques des affections, causes du sinistre.
Formuler les conclusions en fonction des définitions contractuelles de notre garantie, à l'exclusion de toute autre considération, circonstance ou barème.
DOLEANCES
Monsieur Et. se plaint de dépression, de fatigue, de découragement et de la disparition d'un certain nombre de pulsions instinctuelles.
Deux épisodes malheureux ont contribué à déclencher des états d'angoisse et de dépression graves. Le premier fut l'organisation durant 4 mois de travaux importants dans le quartier empêchant toute fréquentation du commerce. Le second fut la conférence de Rambouillet sur le Kosovo. Les activités commerciales, chaque fois interrompues par le blocage des accès, ont été gravement compromises sans aucune solution de compensation.
Mr Et. avait repris en 1998 l'affaire tenue antérieurement par son père. Il est désormais dépassé par la complexité des tâches à accomplir et par l'ampleur des problèmes à résoudre. Il exprimait très tôt des craintes de faillite. Il ressentait les symptômes suivants: angoisse, sensation de striction pharyngée, crises d'étouffement et envies récurrentes de suicide. Son esprit était assiégé par des perceptions péjoratives.
Il a été hospitalisé 5 semaines. Il estime, en accord avec son médecin traitant, qu'il lui faudra 5 ou 6 mois de convalescence.
Il est suivi chaque semaine par le Dr S. et prend ceci: Tranxène 5 N°3, Deroxat et Seropram
A la sortie de la clinique, plutôt que de prescrire 15 jours de convalescence, il lui fut prescrit une reprise à temps partiel.
L'évolution de la situation, entre le 6.10.199 date de la première expertise et le 6.11.200, a été caractérisée par une détérioration des conditions d'existence du patient.
Il a été suivi régulièrement par le Dr S. psychiatre qui a prescrit: Loxapac, Théralène, Prozac, Xanax, Lepticur, Sulfarlem. Ce traitement me paraît substantiel.
Une nouvelle hospitalisation a lieu à l'hôpital de V. du 14.8.2000 au 14.9.2000
Mr Et. doit affronter, depuis son dernier séjour à la clinique psychiatrique, une série d'événements malheureux:
1) La vente forcée de son fonds de commerce.
2) La désunion conjugale, la séparation et la procédure de divorce.
Tout ceci a contribué à accroître le désarroi de Mr Et.. Il se sent actuellement triste, déboussolé. Il se sent totalement incapable de reprendre ses activités, incapable de gérer ses affaires courantes. Son père a donné le coup de main nécessaire.
Un contentieux demeure en suspens, incompris du patient. Il s'agit de l'épisode de la reprise d'activité le 19.9.2000 à la sortie de la clinique. Il estime qu'à l'époque il était totalement incapable d'activité bien qu'il ait fait mine de reprendre. (Je pense que son évaluation est justifiée).
Il n'a donc plus de situation, il n'a plus de logement et il bénéficie de l'accueil de ses parents dans la ville de D. Il a effectué les démarches nécessaires pour obtenir le RMI.
EXAMEN CLINIQUE
L'état général est convenable. Il n'existe pas actuellement d'atteintes médicales somatiques notables. Il faut toutefois noter des épisodes proctologiques bénins entre 1997 et 1998.
EXAMEN CLINIQUE PSYCHIATRIQUE
A la faveur d'un premier examen:
Etat dépressif majeur avec deux épisodes de tentative de suicide.
La séméiologie évoluait depuis 1 an entre deux types de pathologie qui oscillent entre l'état dépressif névrotique ou réactionnel d'une part et la dépression bipolaire d'autre part.
La notion de deux tentatives de suicide par pendaison, la première à son domicile et la seconde dans la clinique elle-même plaidaient en faveur de l'état dépressif grave de la psychose mélancolique ou de la psychose bipolaire.
La série séméiologique: état anxieux ancien, depuis l'âge de 25 ans, les réactions anxieuses ponctuant les événements pénibles de la réalité, les déterminations psychosomatiques caractéristiques comme l'étau de la gorge, les crises d'étouffement, les crises de sudation et les épisodes de surdité psychique sont autant de symptômes des états anxieux et dépressif névrotiques et réactionnels.
La structure de la personnalité est très particulière: il est anxieux et immature. Les besoins excessifs de réassurance et de conseils sont très caractéristiques. Les conseils, soutiens et appuis des proches lui sont absolument nécessaires. La séméiologie névrotique, même dans ses aspects les plus graves sont fondés sur les avatars des pulsions d'étayage fort bien décrites dans la littérature psychiatrique et surtout psychanalytique.
Voici le compte-rendu de l'examen clinique le plus récent.
Son état général est quelque peu amélioré par rapport à l'expertise précédente.
Il présente de l'apragmatisme, de l'anxiété permanente avec des accès paroxystiques. Il présente en outre des décharges émotionnelles avec des crises de trémulations et de sudations.
Ses troubles psychosomatiques sont caractérisés par des contractures musculaires et des dorsalgies.
Des crises douloureuses et spastiques aiguës suscitent l'appel aux services d'urgence médicale le 5.11.2000 c'est-à-dire la veille de l'examen d'expertise.
Il présente d'autre part un syndrome phobique diffus. Les objets phobogènes sont les transports clos, la conduite en voiture et le contact avec les foules.
Enfin l'immaturité affective est considérable
Diagnostic envisagé.
Celui-ci s'est affiné avec le temps. Il ne s'agit pas de psychose bipolaire ni non plus unipolaire.
Il s'agit plus volontiers d'un état dépressif névrotique grave.
ANTECEDENTS ET ETAT ANTERIEUR
Les antécédents sont constitués, chez ce patient, d'états plus volontiers que de symptômes et de signes psychiatriques proprement dits.
Nous conclurons donc ainsi: il existait antérieurement, en particulier à partir de 1992, des manifestations anxieuses et des nosophobies ainsi que des manifestations d'une personnalité immature. L'ensemble constitue plus volontiers une structure prédisposante qu'un état antérieur proprement dit.
Il n'existe pas d'état antérieur proprement dit.
DOCUMENTS
Document 1. Déclaration de sinistre. Ce document rappelle les définitions contractuelles. "Est considéré en incapacité totale de travail celui qui. par suite d'une maladie ou d'un accident, est atteint d'une incapacité totale de travail le mettant dans l'impossibilité certaine d'effectuer aucune des activités de sa profession et se soumet au repos complet". Réponse: oui
Depuis quelle date l'assuré a-t-il cessé toute activité professionnelle: 4.8.99
La date d'apparition des premiers troubles (même sans diagnostic précis): 4.8.99. La date du premier examen médical: 6.8.99
Aviez-vous déjà traité l'assuré dans le passé pour l'affection actuelle? Non
Quelle est la durée probable de l'incapacité totale de l'assurée: incertitude.
Le diagnostic proposé est l'état dépressif majeur ou encore la dépression d'épuisement". Dr S. psychiatre à l'hôpital de V., le 11.9.99
Document 2. Mission de la Cie G.
Document 3. 2 bulletins de situation: séjours du 6.8.99 au 11.9.99.
Document 4. Ordonnance du Dr S..
Document 5. Certificat de l'ASSEDIC du 3.11.00
Document 6. Attestation de demande de RMI près la ville de D.
Document 7. AT du Dr S., psychiatre du 14.9.00: arrêt de trois mois.
Document 8. Bulletin de séjour du 14.8.00 au 14.9.00
Document 9. Ordonnances du 14.9.00 et du 13.10.00, signées par le Dr S. à la clinique des Y.
Document 10. Ordonnance du Dr R..
DISCUSSION
Les éléments séméiologiques variés, anxieux et dépressifs, ne permettaient pas d'affirmer avec certitude la position nosographique exacte des troubles.
Il existait des arguments en faveur d'un processus névrotique. Mais il existait aussi des arguments non négligeables en faveur d'un processus mélancolique psychotique. Les états dépressifs majeurs sont assez souvent des psychoses mélancoliques unipolaires qui justifient un traitement majeur composé de téralithe, de neuroleptique sédatif et d'antidépresseur. La décision d'hospitaliser dans ces cas d'école s'imposent absolument. Les crises pouvaient fort bien se reproduire par périodes, à intervalles fixes.
L'ITTT de cinq semaines était incontestable.
On pouvait accepter, après la sortie de la clinique, le 11.9.99, une prolongation de l'ITTT de 10 à 15 jours en dépit de la prescription d'une reprise à temps partiel.
L'évolution de l'état psychiatrique permet désormais d'affiner le diagnostic et de préciser les conclusions.
Il s'agit d'un état dépressif névrotique grave.
Equivalents dans les classifications internationales: "trouble dépressif sévère résistant" (CIM10: F32-2) et dans le DSM est "296.32: Dépression majeure récurrente"
L'incapacité de travail est patente depuis le 14.8.1999.
L'incapacité est confirmée le jour de l'expertise. Elle se prolongera sans doute pendant les trois prochains mois.
Je serais tenté de fixer la date de consolidation ce jour même. Je temporiserai cependant puisque je crois que cet état peut encore s'améliorer.
Voici la fixation détaillée des périodes d'ITTT et d'ITPT:
ITTT du 4.8.99 au 13.9.99 soit 40 jours.
ITPT au taux de 72% du 14.9.99 au 24.9.99. soit un total de 50 jours.
Une ITPT à 60% du 25.09.99 au 6.10.99 jour de l'expertise soit 12 jours.
Une ITTT du 14.08.00 au 14.09.2000 soit 30 jours.
Une ITPT à 75% du 14.09.00 au 6.11.00 jour de l'expertise soit 84 jours.
Une ITPT supplémentaire à 70% du 6.11.99 au 4.2.2000 soit 90 jours. Ce taux devrait être confirmé ou infirmé à l'issue de la période d'arrêt de travail. Il se peut en effet qu'il apparaisse plus faible.
Une expertise complémentaire serait utile pour préciser le taux d'ITPT à la fin de l'arrêt de travail, pour fixer la date de consolidation et évaluer l'IPP éventuelle. Celle-ci devrait être effectuée au cours des premiers mois de l'an 2001.
CONCLUSION
ITTT du 4.8.99 au 13.9.99 soit 40 jours.
ITTP au taux de 72% du 14.9.99 au 24.9.99. soit un total de 50 jours.
Une ITTP à 60% du 25.09.99 au 6.10.99 jour de l'expertise soit 12 jours.
Une ITTT du 14.08.00 au 14.09.2000 soit 30 jours.
Une ITTP à 75% du 14.09.00 au 6.11.00 jour de l'expertise soit 84 jours.
Une ITTP supplémentaire à 70% du 6.11.99 au 4.2.2000 soit 90 jours.
Le taux de celle-ci devrait être confirmé ou infirmé à l'issue de la période d'arrêt de travail.
La date de consolidation ne peut pas encore être fixée. Il est donc prématuré de fixer l'IPP.
Une expertise complémentaire serait utile pour préciser le taux d'ITPT à la fin de l'arrêt de travail, pour fixer la date de consolidation et évaluer l'IPP éventuelle. Celle-ci devrait être effectuée au cours des premiers mois de l'an 2001.
Certificat rédigé le 10 novembre 2000
Dr Ludwig Fineltain