LA SEXOLOGIE CLINIQUE FRANCAISE
Dr Fineltain Ludwig
LA SEXOLOGIE CLINIQUE
EVOLUTION ET DEVELOPPEMENT DES
THERAPIES DEPUIS 20 ANS
1) JE ME SOUVIENS
La sexologie est entrée dans
nos pratiques comme un maëlstrom. Vous connaissez tous le texte de
l'écrivain Georges Pérec et sa répétition des
"Je me souviens". Permettez-moi de paraphraser l'envoûtante litanie
de ses remémorations.
Je me souviens de la pudibonderie
de nos divers milieux médicaux, en médecine, en psychiatrie
comme dans les milieux psychanalytiques. On y recouvrait d'un nom générique,
troubles de la libido, un ensemble très variés de troubles
sexuels. Chez les seconds le sexe est bien trop charnel et bien trop cru
pour être étudié directement comme tel. On y parle
de phallus mais on ne saurait y parler de pénis.
Je me souviens du premier rendez-vous
de la SFSC à La Coupole en février 1974.
Je me souviens de la merveilleuse
conférence inaugurale du Dr Vellay au siège de l'Ordre des
Médecins intitulée "Les mots de la sexualité". Je me souviens du tohu-bohu de la
conférence qui dégénéra en émeute au
siège du laboratoire Roussel-Uclaf. Je me souviens des efforts démesurés
que j'ai moi-même déployés pour rédiger le code
d'éthique des sexologues. Je me souviens de l'acharnement du
Dr Gérard Valles à répandre la bonne parole sexologique dans les
capitales d'outremer.
2) LES SOURCES DE LA SEXOLOGIE FRANÇAISE
PSYCHIATRES ET SOMATICIENS
Je me propose maintenant de vous raconter
la préhistoire, l'histoire et peut-être le futur de la SFSC
si du moins la sexologie est capable de m'accorder un quelconque don de
double vue.
L'idée d'une société
d'étude sexologique est née un jour en 1970 à la salle
de garde de Sainte-Anne entre Charles Gellman et moi-même. L'affaire
s'était endormie pendant 4 ans du sommeil du juste. Du moins c'est
ce que je croyais. J'ai appris un jour que la chrysalide s'était
transformée en papillon. Où? A la Coupole, bien sûr!
D'où venions-nous? Nous étions
des psychiatres, des médecins généralistes et des
gynécologues, et, parmi ces derniers, quelques-uns avaient été
des animateurs du "Mouvement du Planning". Beaucoup de psychologues cliniciens
et de conseillers conjugaux se sont joints à nos premiers rendez-vous.
Le petit groupe des fondateurs confia
à notre secrétaire d'alors, Mme Green, le soin de déposer
les statuts officiels de l'Association conformément à la
loi de 1901. A l'énoncé des noms des fondateurs l'employée
du Ministère de l'Intérieur eut un grand sourire de connivence
quand enfin elle entendit nommer Valles, un nom aux consonances vraiment
conformes aux traditions de notre terroir.
Nous étions donc une dizaine
de collègues à la Coupole en ce jour de février 1974.
Puis ensuite les événements se déroulèrent
très vite. Il m'est apparu très tôt
que des fées s'étaient penchées sur le berceau de
la Société Française de Sexologie Clinique. Des hommes
fées dois-je préciser. Je me souviens que l'un de nos premiers
colloques était consacré à l'inhibition sexuelle chez
la femme: quatre hommes se penchaient gravement sur ce problème.
3) LE TERREAU DE LA SEXOLOGIE
Le choc culturel en ce temps-là
fut considérable. Un collègue psychologue psychanalyste apprenant
ma participation à la sexologie de la SFSC m'a dit d'un ton interrogateur
et outragé: "Mais pourquoi t'intéresses-tu à la sexualité
des gens? Pourquoi t'occupes-tu de la sexualité des gens?". Retenez
bien cette phrase admirable: "De quel droit t'intéresses-tu à
la sexualité des gens?". Nous baignions en 1970 dans une incroyable
atmosphère de pensées conventionnelles, d'orthodoxies de
la pensée et de théories toutes faites brandies comme des
modèles intouchables. Le dogmatisme régnait également
dans de tout autres domaines: savez-vous que d'éminents psychanalystes
pensaient que la réflexion philosophique et métaphysique
est un symptôme qui s'analyse!
Les reproches pleuvaient sur nous
de toutes parts! Dieu merci! Tout cela a bien évolué. On
nous a fait quantité d'autres reproches: nous étions pour
l'Ordre des Médecins des pervers sexuels, pour la mouvance révolutionnaire des "sexo-flics" ou "des glapisseurs du sexe" et pour d'autres des familialistes. Diriez-vous que cela nous faisait
de la peine? Non ce ne serait pas exact. Je crois même que tous ces
petits scandales ont contribué à nous faire mieux connaître.
La sexologie pour progresser a cependant besoin d'un terreau
favorable et précieux. Elle se développe et progresse dans
les pays démocratiques. Il n'y a pas de sexologie qui vaille dans
un pays où règnent les idéologies dogmatiques et la
terreur.
A la même époque, en 1974, se tint à
Paris le 1er Congrès International de Sexologie. Cet événement fut aussi une sorte de démarrage complémentaire pour la sexologie
européenne. A la faveur de ce premier Congrès le Pr
Netter demandait au sexologue une formation pluridisciplinaire. Au gynécologue,
disait-il, de se doter d'une bonne connaissance de l'endocrinologie testiculaire
et surtout de la psychogenèse sexuelle, au psychiatre d'une connaissance
de la gynécologie et de l'andrologie. Cette discipline, ajoutait-il
est au carrefour de la gynécologie, de l'andrologie, de la psychiatrie,
de la morale et de la sociologie.
La sexologie fut d'emblée au
carrefour de maintes disciplines mais mieux encore elle convoque d'emblée
toutes les idées émises à propos de la psychogenèse
et de l'organogenèse. Le même constat doit être fait
à propos des thérapeutiques. Le sexologue mêle dans
sa pratique les psychothérapies, les thérapies comportementales
et les traitements médicaux physiques.
La SFSC naissante encouragea les contacts
et suscita de nombreux voyages internationaux. Un séminaire fut
organisé aux Etats-Unis auprès de W.H. Masters et V.E. Johnson.
Dans le même mouvement fut fondée
une Association Mondiale de Sexologie ou WAS dont l'un des nôtres,
le Dr Gilbert Tordjman, fut le premier Président.
Entre-temps nous créâmes
l'Académie des Sciences de la Sexualité, certes pour garantir
notre immortalité, mais surtout pour répondre à des
exigences qui nous paraissaient prioritaires. Nous voulions définir
chaque année un thème sexologique d'ordre général.
Nous organisons depuis lors chaque année un séminaire consacré
à l'étude d'un thème que nous rangions dans une rubrique
originale dénommée métasexologie.
4) TRAJECTOIRES DE LA SEXOLOGIE
Les sources historiques de la sexologie.
Le terme sexologie apparaît
en 1911 puis en 1931. On trouve cependant dans la mythologie
un savoir antique sur la nature de l'orgasme. Un différend opposait
à ce sujet Zeus et Héra. On choisit 48 sujets des deux sexes
et 70 juges pour distinguer le plaisir orgastique d'une femme de celui
d'un homme. Tirésias avait connu les deux sexes: il fut tour à
tour homme, femme puis de nouveau homme. Il était tout trouvé
pour arbitrer le différend. Il conclut à une intensité de l'orgasme dix fois plus grande chez la femme. On sait qu'il fut puni d'avoir contredit
la thèse d'Héra.
Notez qu'en 1938 le Dr E.Toulouse
et Simonnet ont créé une éphémère "Association d'Etudes Sexologiques"
et le Pr Achard avait également constitué une Société
de Sexologie. En Europe l'Institut de Sexologie de Prague fondé
en 1921 fut sans doute le premier du genre avant même celui de Berlin.
Observez le glissement progressif
du souci sexologique de Freud à Kinsey puis à W.H. Masters.
Le premier était neuropsychiatre, le second biologiste et le troisième
gynécologue. Gageons que le quatrième sera sexologue. On
glisse du psychisme à la physiologie de l'orgasme.
L'histoire de la sexologie en France
va désormais se confondre avec l'histoire de la SFSC.
Il est aujourd'hui difficile de dénombrer
l'ensemble des sociétés de sexologie en France comme dans
le monde. Elles témoignent par leur vitalité que notre travail
a été très utile.
La sexologie accède à
la modernité à partir de 1949. Des travaux significatifs jalonnent
l'évolution de la sexologie moderne et notamment le célèbre rapport Kinsey, Martin et Pomeroy.
La publication de cet ouvrage édité en 1949 fut un véritable scandale.
Mais il eut un retentissement considérable dans la communauté scientifique.
Puis vint enfin le travail sensationnel
de W.H. Masters et V.E. Johnson. Ces deux fortes personnalités méritent
chacune une description approfondie. Ils sont tous deux des gynécologues.
Ce sont d'autre part des WASP, white anglo-saxon protestant, ce qui
aux Etats-Unis possède une certaine importance. Nous avons pu constater
à quel point quelques nations réformées avaient en
1974 pris de l'avance sur nos contrées latines et méditerranéennes
pour des raisons qu'il appartiendra aux chercheurs d'approfondir.
Leurs textes les plus importants sont
certainement "Les réactions sexuelles" et "Les mésententes
sexuelles et leur traitement". Comment présenter l'effet novateur, dans les années 1970, des études de W.H. Masters et V.E.
Johnson et résumer en quelques paragraphes l'influence de leurs
travaux sur nos propres cheminements intellectuels? Depuis lors il est
juste de dire que les thérapies ont beaucoup évolué
depuis les sexothérapies ou psychothérapies comportementales élaborées par Masters et Johnson jusqu'à l'apparition des premières injections intracaverneuses, des prothèses péniennes et du sildénafil.
5)LES TRAITEMENTS
LES THERAPIES NON MEDICAMENTEUSES
L'exigence de thérapies courtes était sans doute l'une
des motivations essentielles du développement des nouvelles techniques.
La sexothérapie est la première
initiative, la thérapie princeps, qui fut proposée par W.H.
Masters et V.E. Johnson.
I.- LES TROIS FORMES DE SEXOTHERAPIES
1)La cosexothérapie de couple
décrite par W.H. W.H. Masters et V.E. Johnson.
2)La sexothérapie analytique
de couple en est une variante intéressante qui s'est beaucoup développée
en Europe. La prise en charge du couple empruntant à W.H. Masters
et V.E. Johnson le principal de leur technique de soin. Le thérapeute
est seul. Il augmente les conseils sexologiques d'interprétations
psychanalytiques.
3)Enfin les sexothérapies de
groupes de couple
Nous insistons particulièrement
sur la cosexothérapie de couple, technique élaborée
par Masters et Johnson. De ces auteurs peut-on dire comme à propos
du poète Malherbe: enfin apparurent W.H. Masters et V.E. Johnson.
Leur travail démarre avec le programme de recherche dès 1954,
sous les auspices de la Reproductive Biology Research Foundation à
Saint Louis Missouri. Puis est créé un centre de soin en
1959. Vous observerez que ce délai très court de cinq ans
est tout à fait caractéristique du dynamisme américain.
Compte tenu donc de l'importance depuis
30 ans de la technique de Masters et Johnson, je m'attacherai à
en décrire les modalités au travers de quatre questions:
-En quoi consiste la technique
-Ce qu'elle n'est pas
-Ce qu'on lui reproche.
-A qui s'adresse-t-elle?
A. En quoi consiste-t-elle?
La mise en place d'une procédure
d'un protocole du National Sex Forum mérite d'être rappelée.
Le procédé est comportementaliste et il est scalaire. Le protocole comporte 3 phases étalées
sur 3 semaines. Les concepts de réaction négative, de table
ronde au 3ème jour, d'exercices de sensibilisation au cours desquels,
au début, toute approche des organes génitaux et des seins
est interdite, puis ensuite d'exercices consacrés à la stimulation
directe des organes génitaux suivant le grand principe que le caressé
guide le caressant, la technique de l'agacement, la squeeze-technique chez
l'éjaculateur précoce, la position active de la femme, l'intromission
désintéressée et enfin la valorisation de certaines
positions coïtales.
Le patient c'est le couple lui-même,
l'homme et la femme ensemble. Le traitement de la relation implique qu'il
y ait deux thérapeutes. Il faut un homme et une femme pour traiter
un couple.
La méthode est donc triple:
physiologique, psychologique et enfin pédagogique ou comportementale:
"Il n'existe pas dans un couple d'incompétence sexuelle à
laquelle le partenaire soit étranger. L'incompétence sexuelle
est un problème de couple. Les objectifs principaux sont les suivants:
éliminer la peur de l'échec, transformer le rôle habituel
de spectateur en celui d'acteur, effacer chez la femme des craintes qu'elle
éprouve en présence de son conjoint.
La filmographie sexologique. Pour
toutes ces positions s'est développée une imagerie, une iconographie
et une cinémathèque désormais assez riche et très
utile au sexologue.
B. Ce qu'elle n'est pas.
Elle n'est pas à proprement
parler une psychothérapie.
C. Ce qu'on lui reproche.
On a souvent dit que la cosexothérapie
de couple était antipsychanalytique. Ce n'est que partiellement
vrai. Il faut, d'après les auteurs eux-mêmes, que les patients
aient au préalable résolu leur névrose personnelle
avant d'aborder le traitement sexologique proprement dit. D'autre part
il n'est pas correct de décréter que toutes les personnes
atteintes d'incompétence sexuelle aient besoin d'une psychothérapie
analytique.
On a dit aussi qu'elle était
simpliste. Quand on pensait comportementalisme ou béhaviorisme,
on pensait simplisme. Or elle exprime la puissance de la méthode
expérimentale!
D. Les indications de la sexothérapie.
Celle-ci s'adresse aux principaux
symptômes en sexologie. Chez l'homme ce sont l'impuissance érectile
primaire ou secondaire, l'éjaculation précoce, l'absence
d'éjaculation et la dyspareunie; chez la femme, le vaginisme, la
dyspareunie et la frigidité. Et bien entendu parmi les problèmes
des couples les non-consommations représentent un indication particulièrement
intéressante.
II.- LES PSYCHOTHERAPIES
Elles font partie de la stratégie
thérapeutique du sexologue. Les conflits psychiques du patient peuvent
justifier une psychothérapie avant toute sexothérapie.
Les psychothérapies obéissent
à des règles bien précises. Elles comportent en outre
une liste d'indications et s'intègrent dans une véritable stratégie
thérapeutique.
Les variétés des psychothérapies.
J'en distingue trois types:
A. La psychothérapie d'induction
sexologique. Ce type de psychothérapie (qui
est d'ailleurs présente dans l'esprit du Dr Hesnard en 1959 sous
le nom de psychothérapie sexuelle d'inspiration psychanalytique)
s'est imposé à moi avec l'expérience des cas de souffrance
sexuelle. Je fais allusion à des patients impuissants solitaires
incapables de venir en couple qui ne constituent pas non plus une indication
de psychothérapie analytique parce qu'ils ne sont pas névrosés.
Dans cette psychothérapie, le patient étant seul, vous expliquez
la procédure de W.H. Masters et V.E. Johnson à la faveur
des cinq premières séances et vous poursuivez une psychothérapie
d'inspiration psychanalytique. Cette psychothérapie sera plus brève
qu'une psychothérapie classique.
Elle est donc réservée
aux patients sans conflits intrapsychiques à vie sexuelle pauvre
dont la demande est centrée sur la seule insuffisance sexuelle.
B. La psychothérapie d'inspiration
psychanalytique.
C. La psychanalyse orthodoxe proprement
dite.
Faut-il préciser que, parmi
les sexologues, depuis 30 ans, se sont regroupés autour de la SFSC
la plupart des tendances psychanalytiques: les orthodoxies freudiennes,
les lacaniens, les jungiens et les reichiens. La psychanalyse chacun le sait est une forme de traitement
individuel qui repose sur un cadre technique, le transfert, l'élaboration
fantasmatique et les interprétations. A qui s'adresse la psychanalyse? La psychanalyse
requiert cinq critères dits d'analysabilité qu'il faut examiner
attentivement: Symptôme (nu ou disséminé), Moi, Résistances,
Affiliation, Introspection.
Je dois indiquer que la psychanalyse
orthodoxe est rarement indiquée d'emblée dans un cas d'impuissance
puisque par définition la demande du patient est focalisée
sur un symptôme. Il n'est pas non plus exclu que celle-ci soit envisagée
dans un second temps.
LE DEBAT ENTRE PSYCHANALYSE ET SEXOLOGIE
Je rappelle que c'est sans doute le
grand sujet de cette fin de siècle. Un journal avait voici quelques
années intitulé sa première page: "La fin des analystes
le matin des sexologues", parution dont vous avez peut-être gardé
le souvenir.
Le sexologue s'intéresse avant
tout aux symptômes ponctuels de la vie sexuelle. Le psychanalyste
de son côté s'intéresse aux névroses dont les
symptômes sexuels ne sont qu'une composante.
Le dilemme aujourd'hui est mal posé
puisque psychothérapie et psychanalyse sont partie intégrante
des méthodes de traitement des sexologues.
Les conflits doctrinaux antagonistes
ont provoqué quelques scissions. Peut-être pourrait-on regretter,
je le regrette quant à moi, que des sociétés de sexologues
cultivant une certaine solitude se consacrent aux recherches biologiques
loin de la SFSC. Il ne faut pas installer et conforter parmi les sexologues
cette sorte de hiatus qui a existé en psychiatrie entre l'Evolution
Psychiatrique et la Société de Psychiatrie biologique, entre
psychogénistes et organicistes. Aucune discorde ne fut plus fausse
et plus pernicieuse que celle-là.
Nous n'avons cependant guère
connu du moins au même degré en sexologie ce mal qui a frappé
le monde psychiatrique, un véritable mal de langueur, qui consistait
en un débat stérilisant entre psychogénistes et organicistes
Rappelez-vous ce qu'écrivait
Xénophon (Mém. II.3.18) à propos de mains fraternelles
qui se gênent l'une l'autre, c'est-à-dire pour ceux qui ont
des souvenirs de grec classique:
TECHNIQUES DU CORPS
Le domaine des techniques psycho-corporelles
est immense. On peut considérer les sexothérapies issues
de W.H. Masters et V.E. Johnson comme des thérapies psycho-comportementales
mais aussi psycho-corporelles. Mais de nombreuses autres techniques ont
été proposées depuis 20 ans.
Notons à ce sujet que la pensée
du psychanalyste Wilhelm Reich est en train de vivre une revanche tardive
puisqu'elles sont toutes issues de sa théorie de la cuirasse caractérielle.
La bioénergie. Cette technique psycho-comportementale
de groupe très directement issue de la psychanalyse reichienne a
acquis en sexologie une importance majeure.
Le massage californien fut sans doute
un des premiers exemples spectaculaires, dans l'ordre des préséances
et de la localisation sur la Côte Ouest des Etats-Unis. Les techniques
de massage suggérées à l'Institut d'Esalen ont pour
projet de re-sensualiser le corps.
Les relaxations sont au centre des
thérapeutiques corporelles. Elles ont trouvé en sexologie
une seconde jeunesse. On distingue 7 méthodes de relaxation. Les
plus connues sont le training autogène de Schultz et la méthode
d'Ajuriaguerra-Sapir.
Ce mode de traitement illustre très
bien l'immense invasion des techniques du corps parmi les sexologues.
Les mécanismes d'action sur
les troubles sexuels sont les suivants: la détente agissant sur
l'angoisse, sur le schéma corporel, le renforcement du narcissisme
du sujet et une meilleure conscience du moi physique.
Une autre idée centrale de
la plupart des sexologues utilisant ces techniques du corps est celle-ci:
le rôle du toucher à la naissance (Leboyer), le rôle
des caresses à l'enfant, le rôle du contact avec le corps
de la mère durant la première enfance, le rôle supposé
des carences du corps à corps maternel chez les enfants autistiques,
du moins comme on en fait l'hypothèse chez eux. On espère encore l'accentuation des
émotions et de la verbalisation. Dans les ateliers de thérapies
de groupes avec techniques du corps se fait un apprentissage progressif
du plaisir et de la communication.
Les techniques du corps sont très
souvent proposées en association avec les diverses formes de psychothérapies.
L'hypnose elle-même, technique très
proche de la relaxation, a connu un regain de faveur.
LES EXAMENS PARACLINIQUES
L'évolution des traitements
a été conditionnée par la mise au point et l'affinement
d'examens paracliniques pertinents afin de mieux poser les indications
Je veux parler des grands progrès depuis la jauge de contrainte
mise au point par Barlow puis par Bancroft en 1977, la carte thermographique
en 1980, le Doppler artériel des vaisseaux
péniens, des deux dorsales et des deux caverneuses, l'écho-doppler,
la pléthysmographie qui étudie les variations de volume systolique
dans diverses parties du pénis. La thermographie pénienne
a ses amateurs. Il faut encore affiner l'étude des séries.
La détection de la tumescence
pénienne nocturne est cruciale. C'est un phénomène physiologique,
le sommeil produisant l'intumescence par libération des centres
nerveux automatiques. La pléthysmographie pénienne nocturne
et la rigidimétrie, technique plus évoluée, évaluent
la rigidité pénienne au cours du temps (Rigiscan). Le critère
est le plateau de 5 minutes avec une rigidité de 80%.
Première apparition de l'intra-caverneuse
qui montre là le bout de son nez: le test pharmacologique de l'injection
intracaverneuse.
On a signalé à cet égard
des pistes d'avenir: le doppler et la pléthysmographie pénienne
d'effort.
INSTRUMENTS ET APPAREILS
Nous avons vu se développer
tout un ensemble d'appareillage sexologique. Ils proposent qui une activation
de l'érection qui une faradisation des muscles périnéaux
chez la femme, en particulier le releveur de l'anus, que nous voyons exposés
dans les différents congrès sexologiques.
Les pompes à vide combinent
une rétention veineuse et une aspiration: plusieurs marques sont proposées
aux impuissants. L'électrisation, la faradisation de points vaginaux
ou rectaux afin de contracter le releveur de l'anus est une adaptation
d'appareils qui avaient été proposés antérieurement
pour faciliter les manoeuvres de Kegel dans l'énurésie des
adultes capables d'augmenter le tonus des muscles périnéaux
maintenant proposés dans les cas d'anorgasmie féminine.
Je me contenterai d'évoquer
les vibromasseurs vaginaux dont le développement depuis 20 ans a
été fulgurant, qui font la fortune des "sex-shops". Ces appareils
peuvent avoir un intérêt en sexologie.
Quant aux bougies calibrées,
pour la cure du vaginisme, elles ont toujours enthousiasmé gynécologues
et chirurgiens, tandis que les autres demeurent réticents. Je leur
préfère la méthode mixte de W.H. Masters et V.E. Johnson.
LA RECHERCHE FONDAMENTALE BIOLOGIQUE
Celle-ci conditionnera l'avenir de
la sexologie.
Les recherches en psycho-neuro-endocrinologie
nous entraînent du côté:
-Le rapport entre taux de prolactine
et celui de la testostérone
-Le couple prolactine-dopamine sérotonine
-Les taux de testostérone,
oestradiol, LH (hormone lutéinique), FSH et prolactine, le test
de LHRH:
-La recherche de syndromes endocriniens
subcliniques.
La prolactinémie basale et
réponses au TRH et au sulpiride dans diverses catégories
de dysfonctions sexuelles masculines.
-La prolactine et la testostéronémie.
Test à la TRH: dosage de PRL après injection intraveineuse
de 200 microgramme de TRH. Test au sulpiride.
-Les anomalies prolactiniques et les
troubles sexuels pourraient être reliés par la modification
des mêmes systèmes de neurotransmetteurs cérébraux,
particulièrement celle des systèmes adrénergiques.
La recherche va donc se centrer autour
de quelques grands axes:
-autour des processus hormonaux: par
exemple les effets de la prolactine sur l'impuissance
-autour des neurotransmetteurs: dopamine-sérotonine
-autour des aphrodisiaques qui sont
l'arlésienne de la sexologie
Une autre voie de la recherche se
situe du côté des prothèses.
Une prédiction d'Attali, quoique
il ne soit pas médecin, suscite un grand intérêt. Cet
auteur estime que les fonctions vitales seront de plus en plus instrumentalisées.
Les gadgets, les orthèses seront de plus en plus présentés
comme une réponse thérapeutique aux souffrances. Le gadget
peut-il constituer une réponse thérapeutique qui va de soi?
LES TRAITEMENTS MEDICAMENTEUX ET LA PHARMACOLOGIE
L'évolution des traitements médicaux et chirurgicaux depuis 20 ans a été également considérable. Ce développement a été accéléré voire même provoqué par l'onde de choc W.H. Masters et V.E. Johnson. Sans leurs succès thérapeutiques nul doute que des travaux médicaux eussent été mis au placard.
A. LES TOPIQUES.
Les topiques se sont multipliés:
d'une part les lubrifiants vaginaux et d'autre part la lidocaïne en
pulvérisation dans les éjaculations précoces.
B. LES PSYCHOTROPES: LES EFFETS POSITIFS ET NEGATIFS
Nous connaissons bien mieux les effets
secondaires négatifs des médicaments sur la sexualité,
sur le désir sexuel, sur l'érection et sur l'obtention de
l'orgasme. Ces médicaments sont principalement des psychotropes,
des anticomitiaux et les bêta bloqueurs.
Par contre les effets positifs des
psychotropes ont été précisés. Les effets thérapeutiques se confirment avec la thioridazine ou Melleril
qui est un neuroleptique dont l'usage doit être prudent sur l'éjaculation
ainsi que le Prozac, antidépresseur de catégorie non imipraminique
et non IMAO (c'est un sérotoninergique). Ces deux produits sont
efficaces dans l'éjaculation précoce. Et d'ailleurs ils ne
sont pas les seuls. Le mécanisme d'action n'en est pas encore très
connu. Ils ouvrent la voie de recherches du côté des neurotransmetteurs.
C. LES VASODILATATEURS GENERAUX
Les acquis pharmacologiques:
1)Les vasodilatateurs prescrits par
voie générale, on propose généralement les
vasodilatateurs artériels (comme la phentolamine, l'hydralazine
et la nifépidine) sont tous en fait peu efficaces.
La yohimbine constitue un cas particulier.
Ce produit confirme quelques effets positifs quoique très faibles dans les impuissances.
Une nouvelle molécule, le sildénafil
constitue un progrès remarquable. Giuliano et Jardin, dans les Annales
d'Urologie en font l'exposé synthétique en 1998. Ils rappellent
que les cas réfractaires sont des indications possibles de prothèses.
Les traitements par injections intracaverneuses se voient désormais
concurrencées par le traitement oral du sildénafil (Viagra).Les
mécanismes intracellulaires dans les muscles lisses des tissus caverneux
sont de mieux en mieux connus. Le monoxyde d'azote et la phosphodiesterase
jouent le rôle principal. L'injection de la linsidomine (monoxyde
d'azote) et la prise orale de l'inhibiteur de la phosphodiesterase, le
sildenafil, ont confirmé ce point de vue.
Il est encore possible de proposer
une voie transdermique avec de la nitroglycérine, du moxisylyte ou
de la papavérine. La voie intra-uréthrale de prostaglandine
a également été proposée.
D. LES VASODILATATEURS ELECTIFS IN
SITU: LES INJECTIONS INTRACAVERNEUSES
Les injections intracaverneuses sont
apparues vers 1988. Elles constituent un exemple assez remarquable du développement
des techniques d'examen et des traitements de l'impuissance érectile.
Celles-ci sont envisagées sous trois angles quelque peu différents:
procédure de test, procédure d'examen, procédure prothétique.
Les produits ont varié en tenant
compte de ces trois procédures différentes: produits à
action énergique et produit à action douce voire retardée.
Ce sont des injections intracaverneuses
au moyen de: la papavérine, de l'association phentolamine papavérine,
puis les prostaglandines PGE1, puis le moxisylyte. Ainsi par exemple relève-t-on
123 articles collationnées par la banque de données Medline
en 1994 dans les revues scientifiques à propos de l'injection intracaverneuse
de PGE1. Ce dernier produit est difficile à classer. Les prostaglandines
sont déjà connues dans l'asthme pour potentialiser les effets
vasculaires de l'histamine et de la bradykinine. Le Diprostone ou PGE2
est utilisé en gynécologie comme eutocique tandis que l'Alprostadil
ou PGE1 est utilisé pour ses vertus vaso-actives.
On est très vite passé
des injections aux auto-injections intracaverneuses.
L'idée générale
caricaturale est celle-ci: aux impuissances psychogènes le sildénafil
ou l'injection intracaverneuse, aux impuissances organiques la prothèse
pénienne.
LA SEXOLOGIE ET LES SPECIALITES MEDICALES
La sexologie en neurologie
Le vaste mouvement sexologique a entraîné
avec lui divers spécialistes à rechercher des solutions aux
impuissances des paraplégiques. Ainsi en est-il des atteintes dissociées
des érections et des éjaculations dans les atteintes rachidiennes.
En 1976 le sperme d'un paraplégique
était obtenu après injection de prostigmine, puis par l'électro-stimulation
intrarectale qui permet l'obtention d'un sperme de bonne qualité.
La sexologie en endocrinologie
Les impuissances endocriniennes justifient
des prescriptions bien réglées.
On connaissait bien le rôle
des androgènes, des oestrogènes et de la progestérone.
A la ménopause le traitement oestrogénique substitutif est
classique en particulier pour améliorer la trophicité vaginale.
L'hypersécrétion de
prolactine comme on peut l'observer dans les adénomes de l'hypophyse
chez l'homme entraîne l'impuissance: les effets positifs de la bromocriptine
sont désormais bien connus.
Mais on peut dire avec le recul des
années que le rôle de la prolactine dans les troubles sexuels
masculins n'est pas aussi universel qu'on le supposait.
Les anti-androstérones.
Nous sommes en présence d'un
couple d'opposés. Est-ce que la découverte d'antagonistes
des pulsions sexuelles permettra d'approcher demain les excitants sexuels?
Certainement oui. L'acétate de cyprotérone
(Androcur) est une importante novation pour traiter les agresseurs sexuels,
du moins ceux d'entre eux qui sont demandeurs de traitement. Son action
est double, au niveau des cibles et au niveau sécrétoire:
elle inhibe les effets des androgènes et diminue les gonadotrophines
hypophysaires donc la sécrétion androgénique. Ses
effets secondaires sont mineurs.
Le mirage des aphrodisiaques
A l'opposé de la cyprotérone
les aphrodisiaques demeurent le souci permanent du public mais aussi des
sexologues. Il est inutile d'exposer toute la liste des aphrodisiaques
du marché de la parapharmacie. Leurs effets sont exactement comparables
aux effets placebos. Mais la recherche dans ce domaine
pharmacologique nous apportera la découverte pharmacologique attendue.
En attendant nous ne disposons que de fort peu de médicaments. La prescription de testostérone
10mg à 50 mg par jour pendant 3 mois chez la femme par contre a
des effets certains. La L.DOPA a montré des effets
aphrodisiaques surtout chez l'homme en particulier à la faveur de
leur utilisation dans les syndromes de Parkinson mais leur mode d'action
est problématique.
Ce sont les seuls aphrodisiaques avérés
en 1994.
THERAPEUTIQUE
Le merveilleux développement
des techniques d'examen et de soins nous apportent de nouveaux motifs d'abus.
Ainsi les résultats au doppler pénien et de l'épreuve
à la papavérine sont-ils extrapolés trop rapidement.
Ainsi les prothèses péniennes sont-elles proposées
parfois sans la certitude de la causalité organique exclusive. Le
praticien emporte l'adhésion du patient dans une commune fascination
pour le gadget alors que les indications sérieuses sont bien connues
et bien limitées comme par exemple les atteintes neuro-artérielles
graves du diabète. (Je pense encore aux auto-injections de papavérine
et de phentolamine B ou de prostaglandine A. Que penser d'une sexualité
médiatisée par des effets prothétiques? Il faut distinguer
entre diverses indications.
Je pense d'autre part qu'on trouvera
pas mal de choses en psychopharmacologie dans la foulée des recherches
de "la décennie du cerveau".
LA CHIRURGIE ET LE TRAITEMENT MEDICO-CHIRURGICAL
DES IMPUISSANCES
Les progrès depuis 20 ans concernent
essentiellement la question de l'impuissance sexuelle.
Les chirurgiens s'intéressent
depuis longtemps aux causes organiques de l'impuissance érectile:
l'artériopathie diabétique, le syndrome de Leriche, les traumas
du bassin, les atteintes neurologiques du rachis et les séquelles
de priapisme.
Les paraplégiques centraux
complets ont presque tous des érections réflexes qui ne permettent
pas facilement le coït et, dans tous les cas, ni l'éjaculation
ni l'orgasme. Les paraplégiques complets périphériques
sont impuissants. La prothèse est seule capable de donner une réponse
au paraplégique périphérique. La même conclusion
s'impose lorsque des traitements invasifs ont compromis la sexualité:
la maladie du col vésical, le cancer du testicule et le cancer de
la prostate. Nous trouvons dans toutes ces affections
les meilleures indications des prothèses et des anastomoses
-Les anastomoses artérielles
L'anastomose de l'épigastrique
et des corps caverneux réalisée en 1972 par Gruber a été
reprise en France par Ginestié. Elle a de nombreux partisans.
-Les prothèses, tuteurs et implants
Les prothèses sont certainement
la grande nouveauté issue du mouvement de la pensée sexologique.
Il en existe désormais un grand nombre de variétés.
Les tuteurs constitués de matériaux synthétiques,
le silicone, introduits dans chaque corps caverneux permettent des performances
correctes. Le Dr Subrini nous a toujours enseigné que seul un tuteur
très souple permet paradoxalement une rigidité pénienne
satisfaisante.
L'enseignement et la diffusion des
travaux des sexologues.
Les travaux des sexologues ont été
largement repris par les médias. Ainsi l'influence de leurs travaux
sur le grand public a été considérable. Les gens sont
très sensibles aux modèles sexuels idéaux qu'on leur
propose. La presse bien entendu constitue une chambre d'écho aux
sonorités contrastées. De nombreux articles ont paru à
propos des théories de la supériorité de l'orgasme
vaginal sur le clitoridien, théorie que Freud avait en son temps
beaucoup défendue. Les journaux ont également beaucoup insisté
sur le modèle idéal des orgasmes simultanés. Ainsi depuis nos travaux à
la SFSC, depuis 20 ans, peut-on à bon droit estimer que par des
effets divers nous avons modifié dans le public non scientifique,
le public des lecteurs de la grande presse, les concepts de la sexualité
humaine et du comportement sexuel. Nous avons contribué à
modifier les concepts de normal et de pathologique en matière de
sexe. L'enseignement de la sexologie a beaucoup
bénéficié des nouveaux matériels pédagogiques, les films
et la diffusion par l'internet. Les progrès dans ce domaine ont
été tout à fait sensationnels. Il s'est constitué
très vite une cinémathèque de programmes sexologiques,
d'abord aux Etats-Unis, à Palo-Alto puis en Europe et notamment
en France. On ne pourrait plus guère concevoir de grandes réunions
internationales de sexologie sans projections. Leur usage en thérapeutique
est également en plein développement.
Le regain tragique des maladies sexuellement
transmissibles.
Entre-temps le SIDA, croissant depuis
1983 jusqu'à devenir la pandémie qu'on connaît, est
venu jeter un voile noir sur l'ensemble de conduites sexuelles avec son
cortège de retour à des valeurs traditionnelles.
Souvenez-vous qu'en 1974 nous avions
maîtrisé la plupart des maladies sexuellement transmissibles.
Dans le même esprit, tout près
du SIDA on trouve les antisexologues, l'un nourrissant l'autre. Mais qui
sont donc les antisexologues? Par idéologie scientifique ou religieuse,
je note que les mêmes milieux intransigeants et les mêmes raisons
animent les antipsychanalystes et les antisexologues.
CONCLUSION
-Le futur de la sexologie est conditionné
par l'échange des idées entre différentes disciplines
scientifiques.
J'ai aimé cette sorte d'agitation
intellectuelle suscitée par l'avènement de la sexologie.
J'ai toujours souhaité me trouver confronté à la déstabilisation
inattendue des hypothèses voire des croyances traditionnelles! Oui
je le souhaite parce que se manifeste ainsi le mouvement du savoir. La
pensée scientifique est le contraire de l'immobilité d'une
conviction et d'une rhétorique qu'on nomme de deux mots qui ont
fait fortune: le dogmatisme et la langue de bois. L'effondrement des idées
figées est bénéfique: elles indiquent, au cours de
leur chute, comment se sont entremêlés le dogme, l'éthique,
l'histoire des hommes et celle des idées. Vous pouvez faire l'analyse
spectrale des idées d'autrefois au bruit que fait leur chute!
-La sexologie clinique est le moment
conceptuel central en sexologie:
1)Les traitements se situent entre
psychothérapies, sexothérapies, pharmacologie et chirurgie.
La multiplicité des approches constitue la procédure de traitement
la plus scientifique. Le sexologue doit concilier des modes de pensée
très divers sinon opposés: le psychogénisme et l'organicisme,
la psychanalyse, le béhaviorisme et la biologie.
2)Le sexologue doit éviter
le dogmatisme. Cette science est le lieu des tentations scientifiques extrémistes:
"Le tout anatomopathologique" et sa réponse uniquement biochimique
ou "Le tout psychique" avec son paquet cadeau la psychanalyse. Nous avons
détesté toutes les formes de l'extrémisme.
3)Peut-être faut-il répondre
à cette question. Comment la pensée scientifique raisonnable
vient aux sexologues? Par une pratique sincère, documentée
et débarrassée des miasmes dogmatiques.
4)La grande vertu du langage. La grande
vertu des sexologues ne consiste pas seulement à concilier plusieurs
spécialités médicales. Mieux que d'autres spécialistes
les sexologues manient un langage sexuel adapté. Ils ont aux yeux
des patients la capacité de nomination des symptômes. Ceci
a un effet cathartique très important pour des patients très
désorientés.
5)Sexologie, éthique et liberté.
L'histoire nous a appris qu'il n'y a pas de médecine véritable
en pays de dictatures. Si vous méprisez les hommes, si vous les
transformez en serviteurs, en instruments, en outils d'une idéologie
vous ne pouvez pas faire de la sexologie. Je ne vise pas seulement les
espaces de la planète où règne aujourd'hui sous nos
yeux une dictature religieuse obscène et sanglante mais je fais
aussi bien référence à nos collègues de jadis,
à Magnus Hirschfeld et à la Société de Sexologie
de Berlin, qui ont souffert des barbares de la Mittel-Europa. Où
règne la barbarie notre science est bien fragile.
6)La sexologie fut dès ses
débuts une discipline originale.
La sexologie tout entière paraît
être de l'ordre de l'extrême. La sexologie sauvage est sans doute
un grand danger. Les excès proviennent d'une méconnaissance des savoirs
de base de la sexopathologie. Peut-on s'improviser précipitamment
sexologue comme on le voit faire en psychothérapie et en psychanalyse?
Il existe en sexologie un parfum d'éthique
et de science. Le sexe comme le psychisme sont des condensés d'organique,
de psychique et d'éthique. La dimension éthique proprement
dite a été précisée dans un code déontologique
des sexologues que j'ai rédigé il y a une vingtaine d'années.
Il n'y a de respect de l'éthique que si la démarche scientifique
est respectée. Il nous faut, dans tous les cas, respecter des critères
de scientificité. Appliquons au moins une rigoureuse sémantique.
Je pense que la question d'un lexique spécialisé doit recueillir
une approbation consensuelle.
7)Des liens humains. Je voudrais souligner
un aspect remarquable des diverses associations et sociétés
de sexologues. Elles ont toutes quelque chose en commun: elles ont fait
naître en leur sein des liens humains, une convivialité très
chaleureuse qui n'a son pareil dans aucune autre société
médicale. Faites-moi confiance sur ce point! J'ai fréquenté
beaucoup de sociétés médicales et je n'y avais jamais
trouvé rien de pareil à ce que j'ai connu à la SFSC.
8)Les grandes tendances de la sexologie.
Les tendances scientifiques des différentes
écoles sont très connues. Les Américains de la Côte
Ouest sont très pragmatiques: expérimentation, statistique
et béhaviorisme. L'école de la SFSC est plus volontiers synthétique:
le rapprochement des techniques de W.H. Masters et V.E. Johnson et de la
psychanalyse en sont un exemple éloquent.
Il apparaît aussi un adage assez
important en sexologie: les développements scientifiques, pharmacologiques
et techniques ont été très importants depuis 20 ans
mais elles impliquent un corollaire paradoxal: ce sont les sexothérapies
et les techniques psychothérapiques les plus classiques qui constituent
bien souvent de bonnes solutions thérapeutiques.
8)Le futur
Nous avons tous été
des aventuriers de la clinique qui est finalement le pivot de la médecine.
Oui! Des aventuriers, parce que le sexe comme le psychisme et le politique
sont des terrains dangereux. La sexologie est une discipline, plus
sensible que d'autres, qui questionne la souffrance, la clinique et la
thérapeutique. La sexologie tout entière paraît être
une médecine de l'extrême. J'invite tout le monde à s'y
aventurer avec honnêteté, prudence et obstination.
9)La leçon
Que dire encore de ces 20 années
écoulées?
Nous avons fait tout cela. Nous avons
accompagné la sexologie avec un esprit de recherche et de novation
mais aussi avec une sorte de jubilation intellectuelle. Et tout ceci m'apparaît maintenant
avec le recul du temps comme la vraie jeunesse de l'esprit.
Je vous remercie,
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