Dr
Fineltain Ludwig
Paris
(France) le mercredi 4 août 1999
-modification N°11 du 22 août 1999-
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Vesale | Du Laurens |
II-1 ETAT DE LA MEDECINE A LA FIN DU MOYEN AGE
Le
médecin contemporain aime à composer un tableau simplifié
de la Renaissance. Il compare une scolastique stérile, une clinique
intuitive et des emprunts à la démonologie d'une part et
d'autre part une médecine scientifique et technicienne prémisse
de la clinique moderne. Ainsi, dans nos traités modernes, fait-on
pour ces raisons grand cas des anatomistes de l'époque comme Ambroise
Paré Vésale et Laurentius. Ceux-ci ressemblent tant à
nos anatomistes contemporains! Nous autres médecins du XXIème
siècle préférons donc admirer les grands anatomistes
de la Renaissance parce qu'ils apparaissent comme les vrais savants de
ces temps lointains. Voyez la pléiade des anatomistes italiens,
Fallope, Fabrice d'Acquapendente, Ingrassia, Varole. Michel Servet (1553),
Colombo, Valverde (1558). Ils dessinent la petite circulation. Cesalpin
regarde le coeur comme la pompe de répartition du sang.
Jean Fernel (1486-1557), médecin de Catherine de
Médicis et de Henri Il, classe ainsi les maladies mentales
1. Maladies avec fièvre a) frénésie,
atteinte directe du cerveau; b) parafrénésie, atteinte par
sympathie, secondaire à une humeur générale âcre
2. Maladies sans fièvre: a) simples, secondaires
aux jeûnes, aux pertes de sang et aux excès ; b) mélancoliques,
soit triste, soit avec lycanthropie, soit avec excitation (manie);
3. Affaiblissement mental
a) amentia, perte de l'intelligence par intempérie
froide, consécutive à une commotion ou bien de naissance;
b) états stuporeux, dus à l'abondance de
pituite avec deux formes, cataphore (sommeil profond), léthargie
(sans fièvre); mélancolie.
c) catalepsie, immobilité sans sommeil. Fernel met à part
l'hystérie et l'épilepsie. Il considère que les douleurs
de tête viennent des méninges, les convulsions et les tremblements
des ventricules. La mélancolie résulte de l'atteinte de la
substance cérébrale. La mélancolie englobe non seulement
les états dépressifs mais aussi les délires de persécution
sans agitation ni fièvre.
Jacques Dubois dit Sylvius (1478-1555), maître puis
adversaire de Vésale, est partisan de mesures de coercition à
l'égard des malades. Sa thérapeutique est galénique.
On traite par "les contraires": la frénésie est un érysipèle
des méninges, il faut refroidir; l'épilepsie vient de la
pituite, il faut dessécher.
Quant à la mélancolie, elle relève
d'une stratégie de l'évacuation de l'atrabile: saignées,
purges, vésicatoires.
L'Anglais Andrew Boorde (1490-1549), dans sa nosologie,
nomme "démoniaques" les violents et les suicidaires.
Le Lorrain Nicolas Lepoîs (1527-1587) considère
que chaque maladie mentale peut aboutir à un état furieux.
Il distingue les degrés de perte de conscience: léthargie,
carus, catalepsie et coma. L'Anglais Timothy Bright (1551-1617) écrit
le premier ouvrage anglais sur la mélancolie en 1586. Il distingue
une mélancolie provenant de l'appréhension et de la conscience
du péché et celle qui vient du corps. La première
doit être traitée par la parole, la seconde par la médecine.
Guillanine Baillon (1538-1616), médecin du dauphin, décrit
l'amour insane.
II.2 LA NAISSANCE D'UNE AUTHENTIQUE CLINIQUE PSYCHIATRIQUE:
DEMONOLOGIE ET MEDECINE DE LA REFORME A LA CONTRE REFORME
Du Laurens ou Dulaurentius, médecin d'Henri
IV (mort en 1609), décrit la furie d'amour et la traite par le travail:
"Otez l'oisiveté, ôtez Bacchus et Cérès, sans
doute Vénus se refroidira". L'Italien Mercuriale (1530-1606) voit
dans l'excès de plaisir l'origine de la mélancolie.
Félix Platter (1536-1614), en Suisse, décrit
quatre types de maladies mentales: imbecillitas ou faiblesse mentale, consternatio
avec abolition des fonctions psychiques (épilepsie, apoplexie),
alienatio on troubles mentaux proprement dits, defatigatio ou états
de surexcitation. Jérôme Cardan (1501-1576) médecin
et mathématicien décrit l'immoralité: les vecordes
ou pervers malhonnêtes, les perfides qui sont malhonnêtes par
accident, passion ou misère.
En Espagne, la psychiatrie au XVIe siècle est représentée
par Christophoros de Vega, Francisco Valles et Luis Mercado.
Paracelse (1) (1493-1541) s'inspire de l'alchimie et de
l'astrologie. L'épilepsie est du ressort de la profonde nature,
le tonnerre et les séismes. Il découvre l'aura.
Les premières institutions psychiatriques apparaissent.
La première d'entre elles est le manicome la "casa de orates" de
Valence, le 24 février 1409/ Le Frère Juan Gilaberto Jofré
fonde avec l'Ordre de Saint-Jean-de-Dieu des établissements en Espagne
puis l'Hospice de la Charité en 1601 à Paris.
III-1- LES GRANDS TEXTES DEMONOLOGIQUES DES XVème
ET XVIème SIECLES
Voici quelques dates significatives:
La publication du Malleus maleficarum ou Marteau des sorcières (1486) Henry Institoris (Kraemer), Jacob Sprenger et Henricus Institoris ou Kraemer, manuel du diagnostic de la démonologie, celle de
Jean Wier "De praestigiis daemonum" (1567), un discours critique, érasmien,
pour s'achever par une prise de distance de l'Eglise catholique. Elle manifeste
alors un scepticisme plus rationaliste aux convulsionnaires de Loudun (Sainte
Jeanne des Anges).
Jacques d'Autun: "L'incrédulité savante
et la crédulité ignorante au sujet des magiciens et des sorciers"
III-2 GLOSSAIRE DE LA DEMONOLOGIE
TENTATION. OBSESSION ET POSSESSION
DE L'ENSORCELLEMENT AU PROCES
Les définitions et le lexique des termes de la démonologie:
qu'entendent donc les savants de cette époque par sorciers et possédés?
Le postulat universel est la présence permanente
du diable, ange déchu, chef d'une armée de semblables, soufflant
le mal chez l'homme avec l'autorisation de Dieu.
Le sorcier est l'être humain ou inhumain qui pactise
avec le diable en vue d'obtenir un avantage, de faire obtenir un avantage
ou tout simplement de nuire à l'homme, c'est-à-dire essentiellement
de le détourner de son salut.
La victime de ce sorcier est le possédé.
Il faut opposer: sorcier et magicien, possédé
et obsédé.
Et pourquoi devenait-on sorcier ? Pour prendre ascendant
sur autrui
Jean Wier oppose le sorcier qui est un être naïf
et ignorant au magicien, être rusé et savant ; l'un incarne
le démon, l'autre utilise la crédulité du public.
1.Tentation. Le diable nous pousse et nous précipite
du côté où il nous voit pencher (Premier sermon sur
les démons de BOSSUET). En fait, la tentation possède une
définition biblique. Elle répond à représentation
biblique de l'existence du démon (Ancien Testament).
2.Obsession. Les manifestations de la présence
du démon sont les visions, les illusions et les hallucinations de
la présence du démon, hâtivement qualifiées
d'infestation démoniaque.
Purement interne, véhémente et durable,
l'obsession est l'assaut du démon.
Dans un texte célèbre, quoique postérieur,
"La défense de la vérité touchant la possession des
religieuses de Louviers" - Recueil de pièces sur les possessions
des religieuses de Louviers -4ème Pièce - Page 6 - Paragraphe
23, nous trouvons une définition tardive, en 1643, mais de grande
valeur parce qu'elle est théologique: "La principale différence
entre l'obsession et la possession consiste en ce que dans l'obsession
le démon agit seulement sur les personnes obsédées
quoique d'une manière extraordinaire, en leur apparaissant souvent
et visiblement, en les frappant, en les troublant et en leur excitant des
passions et des mouvements étranges, surpassant notablement la portée
de leurs dispositions des facultés naturelles. Là où
dans la possession, le démon dispose des facultés et des
organes de la personne possédée pour produire non seulement
en elle et par elle les actions que cette personne ne pourrait produire
d'elle-même, au moins dans les circonstances où elle les produit".
En somme, une personne obsédée fait des
songes extraordinaires tandis qu'une personne possédée fait
des choses extraordinaires.
3.Possession
C'est la prise du pouvoir par le démon. Celui-ci
se substitue à la victime, à son esprit, à sa voix
elle-même. C'est l'intrusion brutale du démon dans le corps.
Satan commande en despote et meut le sujet à la façon d'un
automate.
Citation des textes d'Evreux 1643 - Pièces sur
les Possédés de Louviers: "Dans l'obsession, le démon
agit seulement sur les personnes obsédées en les troublant,
là où dans la possession le démon dispose des facultés
et des organes de la personne possédée." (elle fait des choses
extraordinaires).
4.Les exorcistes. Actuellement encore un exorciste exerce
dans chaque diocèse. Les moyens habituels sont la lecture lente
et convaincue de textes religieux. Leur rôle était essentiellement
néfaste. Ils entretenaient ce climat de superstition et de méfiance.
Ils ont certainement suscité le développement de la démonopathie.
Voici par exemple des procédés de préservations
de l'influence du démon: Les douze remèdes approuvés
par l'Eglise, parmi lesquels, en premier lieu, la vraie et vive foi, mais
aussi le recours aux Saints, l'exorcisme et les controverses magiques de
Del Rio qui constituent des sortes de litanies.
III-5 LE PROCES DE SORCELLERIE
L'accusateur: le tribunal, les juridictions de l'époque,
les tribunaux séculiers, le Parlement, les tribunaux ecclésiastiques
La sanction la plus grave consistait donc à être
brûlé sur un bûcher après avoir été
torturé.
Il faut noter que ces tribunaux, en particulier le Parlement
de Paris, savaient reconnaître la démence lorsqu'elle présentait
des caractères spectaculaires.
Les magistrats n'étaient dépendants ni des
médecins ni des théologiens. Médecins, théologiens
et magistrats échangeaient entre eux d'assez vives argumentations
(Séminaire de Mandrou à l'Ecole des Hautes Etudes 1976-1977:
"Etude des textes").
Le déroulement d'un procès de sorcellerie
n'a pas un caractère univoque. La justice de l'ancien régime
n'était pas moins complexe que celle de nos jours. De plus les diverses
juridictions se faisaient une concurrence acharnée (on a souvent
noté la passion procédurière de ces époques).
Les petits délits relevaient de la Justice du Seigneur féodal
; les crimes des Parlements ; les affaires religieuses des tribunaux ecclésiastiques.
La sorcellerie longtemps négligée par l'Eglise
(le CANON EPISCOPI ne veut voir dans ces affaires que des "illusions sensorielles").
D'abord abandonnée aux Tribunaux Civils elle fut récupérée
par elle comme une manifestation d'hérésie sous l'influence
de trois papes JEAN XXII, EUGENE IV et surtout INNOCENT VIII (Bulle "Summis
Desiderantis Affectibus" 1484).
La concurrence entre les tribunaux pour juger les sorciers
et surtout les exterminer va durer pratiquement deux siècles. Le
pouvoir royal y prête activement son concours par l'entremise des
Commissaires royaux, des Chambres ardentes et des Jésuites. Puis
il décidera de déqualifier ou de requalifier les crimes de
sorcelleries en distinguant nettement l'intention diabolique des délits
proprement dits.
DEROULEMENT DU PROCES
Le déroulement du procès était le
même dans tous les cas. Une personne prévenue de sorcellerie
était immédiatement arrêtée, portée de
façon que les pieds ne touchent pas la terre) et enfermée
dans un cachot. Pendant ce temps, les juges entendaient les témoins,
quel que soit leur âge. Leur conviction une fois faite, les quatorze
juges faisaient comparaître l'accusée et l'interrogeaient.
Ils procédaient ensuite à deux "Expertises techniques"
1. -L'examen médical des "marques" par un chirurgien
barbier
2. -La question.
Puis le sorcier était brûlé sur un
bûcher et alors apparaissait parfois la preuve du caractère
démoniaque: la fumée noire qui s'échappe du feu.
IV LES EXPERTISES IMPROBABLES
Parfois les tribunaux ecclésiastiques qui disposaient
dans leur rang des médecins comme Jean Wier, qui était archiatre,
demandaient des consultations à des experts, docteurs en médecine.
Mais ceux-ci étaient en général bien incapables de
répondre et, soit prudence, soit conviction, tout en décrivant
la débilité et la folie, admettaient l'oeuvre du Démon.
"Quant aux tempéraments, le Diable attaque de préférence
les complexions mélancoliques et timides, qu'il sait plus capables
de céder à ses prestiges et ses manoeuvres effrayantes. Il
s'en prend moins souvent aux constitutions sanguines qui annoncent un coeur
ferme et un esprit intrépide, de même qu'aux tempéraments
bilieux qui s'effraient difficilement". JACOB HORSTIUS "De Aureo Dente"
1525
PORTRAIT JURIDIQUE D'UN SORCIER
Pour nous représenter ce que l'on entendait par
"sorcier" au XVIe siècle, nous disposons des textes du temps. Ils
sont de quatre ordres:
1)- Les minutes des procès de sorcellerie: mais
si ces procès ont été nombreux, la matière
"maléfique" de ceux-ci incitait souvent les tribunaux à
brûler ces minutes après l'exécution des condamnés.
2)- Les textes spécialisés en démonologie.
3)- Les déclarations des "sorciers" soit au cours
des procès, mais on sait quel en était le sort, soit spontanément,
mais il est peu probable que les "manifestes" de sorcelleries aient été
authentiques. Le danger, le caractère ésotérique des
cérémonies ne les poussaient pas sur la place publique.
4)- Enfin, discutable, mais intéressante, est la
croyance populaire.
Qui est sorcier ? Comme nous avons fait une distinction
parmi les diverses formes d'interventions démoniaques, tentation,
obsession et possession, il nous faut aussi distinguer les infestés,
les obsédés et les possédés. A cette première
discrimination s'ajoute celle de la responsabilité personnelle.
Les premiers sont des victimes du malin directement ou par l'intermédiaire
d'un de ses séides.
Ces derniers se partagent en SORCIERS et MAGICIENS. La
distinction importante jusqu'au XIVe siècle disparaît au XVIème
car de toutes façons le danger paraissait identique. Jean WIER dit
que les sorciers sont "ignares et illettrés", les magiciens sont
"gents doctes et avisés, mais curieux lesquels font de longs voyages
pour apprendre l'art magique".
Portrait du sorcier (en fait de la sorcière tant
la proportion de femmes est supérieur)
1. Elle est de fort méchant caractère et
elle a des raisons pour cela parce qu'elle est vieille laide, difforme,
stupide, pauvre, ruinée, dépouillée, cocue, envieuse
et enfin ambitieuse.
2. Elle est sale. "le Diable défend de nous laver
le matin" dit une sorcière (Mugeta).
3. Elle pue. Cette odeur est à la fois sui generis
provenant selon Gorres d'une huile animale qui "s'engendre au fond de l'organisme
au milieu des ardeurs impures qui les consument". Mystiques T.V. pp 181-2.
Cette odeur est encore un compost de jusquiame, de datura, de sueur de
cadavre et également due à un onguent. L'onguent évoqué
par PARE, WIER et DE NYNAULD reste de composition inconnue. Aux éléments
évoqués plus haut s'ajoutaient probablement l'axonge, l'hellébore
et la graine de tournesol ainsi que le haschisch et le pavot (utilisé
par les sorcières de Macbeth). On connaît par exemple la composition de "l'onguent populeum". La base est celle-ci: suc des feuilles et des branches de peuplier plus précisément une pommade composée de bourgeons de peuplier, de feuilles de jusquiame, de morelle noire, de pavot, d'axonge et d'alcool fort. Les médecins de l'époque
définissaient très précisément la composition de ces onguents: J. de NINAULD,
dans "De la lycanthropie, Transformation et Extase des sorciers" Paris
1615, en distingue trois variétés:
a) L'onguent qui donne l'illusion momentanée d'une
métamorphose animale
b) L'onguent qui fait croire aux sorcières qu'elles
vont au sabbat, mais qui agit uniquement sur l'imagination
c) L'onguent qui permet un transport véritable
au sabbat autant que Dieu le permet.
De même WIER se moque-t-il des démonologues
qui ne pouvaient se contenter d'observer de simples mélanges d'herbes
et prétendaient y voir des ragoûts d'enfants.
Pierre de Lancre, dans "Tableau de l'Inconstance": "Il
est évident que sorciers et sorcières pourraient s'envoler
sans le moindre onguent. Mais Satan ajoute par méchanceté
superflue, pour donner volonté et moyen aux sorcières de
tuer force enfants, leur persuadant que sans cet onguent il n'est possible
qu'elles se transportent au sabbat. Et veut qu'il soit composé de
chairs d'enfants non baptisés afin que ces enfants innocents étant
privés de vie par ces méchantes sorcières, ces pauvres
petites âmes demeurent privées de la gloire du paradis".
Notons que les perquisitions domiciliaires effectuées
n'aboutissaient qu'à la découverte d'épices, de drogues
et d'herbes séchées.
4. Il est laid et il est difforme: "De la mauvaise physionomie
d'un
homme on peut tirer un indice contre lui suffisant pour l'appliquer à
la question". Henri Boguet ou Bocquet Instruction art.35
Mais si les médecins du XVIème siècle,
comme JEROME CARDAN ou JEAN WIER, savaient reconnaître la misère
physiologique et mentale des accusées: "Pâles, défaites,
folles et abruties, mélancoliques et radoteuses", les démonologues
voyaient dans ces misères une certitude supplémentaire: "Cette
femme dont le nom (elle se nommait Nécato) indiquait déjà
les habitudes avait renoncé en quelque sorte à son sexe pour
prendre la nature d'un homme ou plutôt d'un hermaphrodite. Elle avait
en effet l'expression, le langage et le maintien d'un homme et encore d'un
homme rude, d'un sauvage qui n'est jamais sorti de ses forêts. Elle
avait de la barbe comme un satyre, des yeux petits profondément
enfoncés dans leur orbite avec l'expression de férocité
d'un chat sauvage étincelant et si terrible que les enfants et les
jeunes filles qu'elle avait emmenées au sabbat et que nous confrontions
avec elle ne pouvaient supporter son regard quoique par égard pour
nous elle se donna toutes les peines du monde pour en adoucir la dureté
naturelle. On croyait, en la regardant, reconnaître qu'elle était
accoutumée à regarder cet objet épouvantable auquel
elle avait emprunté la hideuse expression de ses traits". (Pierre
de Lancre "De l'Incrédulité").
5. Il ou elle présente des perversions sexuelles comme
la nymphomanie, le tribadisme, l'impuissance, la pédérastie,
la bestialité ou bien des anomalies de morphologie sexuelle comme
la monorchidie ou la cryptorchidie.
6. Il possède beaucoup d'animaux et chats noirs,
mais aussi belettes, hérissons, serpents et crapauds. Rappelons
que le jour de la Saint Jean, les rois mettaient le feu à des sacs
contenant des chats.
7. Il a des marques. La recherche de ces marques donnait
lieu à des expertises médico-légales minutieuses.
Certains étaient des spécialistes comme Jacques FONTAINE
conseiller et médecin ordinaire du roi: "La flétrissure est
indispensable et signe patent de sorcellerie, elle doit entraîner
la peine capitale". Discours des marques des sorciers. Paris 1611. Quelles
marques? Il était nécessaire de distinguer les marques diaboliques
de leurs imitations morbides ou naturelles. Le médecin intervenait
à ce niveau de l'expertise: "Je n'ai jamais vu aucune de ces marques,
mais il n'y a pas de doute que le chirurgien est capable de dire en les
voyant si elles sont ou non magiques". COTTON MATHER.
On pouvait voir trois sortes de marques:
1. Des défects: cheveux, poils, doigts, sang offerts
au Démon.
2. Des cicatrices: à tous les endroits du corps:
front, entre les deux sourcils, épaule, lèvre supérieure,
sous les paupières, ou bien sous la langue, au nombril, au pourtour
de l'anus, voire sur les viscères et les organes génitaux.
Des autopsies étaient parfois demandées.
3. Des plaques d'anesthésie recherchées
à l'aide d'un poinçon enfoncé profondément
sur toutes les parties du corps.
LES MEDECINS ET LA DEMONOLOGIE
On peut schématiquement opposer deux groupes de
médecins.
Les plus nombreux admettent l'oeuvre du démon.
Ils reconnaissent la possibilité de mutations diaboliques de la
lycanthropie. Ils approuvent la crémation des coupables. Parmi ceux
ci, Paracelse dans son "De Natura", Ambroise Paré, en 1632 dans
son livre "Des Monstres et Prodiges". L'impuissance masculine peut être
l'oeuvre du démon. Il y décrit la lycanthropie. Un autre
ouvrage du même style, "Sodomistes et athéistes" témoigne
de la force de sa conviction. Bodin, juriste de
son état, publie en 1580 un ouvrage qui eut un grand retentissement:
"La démonomanie des sorciers traité ou la sorcellerie et
réquisitoire contre les sorciers". Ce livre est d'une grande érudition:
il se donne pour objectif la poursuite implacable des coupables. L'auteur
de cet article, votre serviteur, estime qu'il existe encore des Bodin en
cette fin du 20ème siècle! D'autres auteurs moins connus
ont traité du problème: Witekind, Peucer (Des divinations),
Borel médecin et chimiste en 1674. et Jacob Horstius, en 1525, dans
le "De Aureo Dente", texte célèbre, où l'on peut lire:
"Quant aux tempéraments, le diable s'attaque de préférence
aux complexions mélancoliques et timides".
Le groupe des sceptiques est peu nombreux. Ils ont des
ennemis en particulier Ambroise Paré. Ils sont qualifiés
d'Amis des Sorciers. Parmi ceux-ci, Rapin, en 1661, fut témoin des
phénomènes de possession d'Aumone et conclut "Nihil a demone
pauca a morbo multa ficta". On compte enfin parmi ceux-ci les deux auteurs
suivants qui nous intriguent le plus. Paulus Zacchias, médecin du
pape, auteur du célèbre "Quaestio medico-legales" en 1651
et surtout Jean Wier. Nous examinons à diverses reprises le quatrième
chapitre de son ouvrage "Praestigiis daemonum" paru en 1564
Le rôle des médecins, dans ces affaires de
sorcellerie, est très effacé. Ils sont parfois appelés
à se prononcer mais cela n'est pas systématique. Les médecins
se sont prononcés sur le cas de François Rubat atteint d'un
"état de fureur" en 1657. Les experts de la ville de Mâcon
l'ont examiné pendant 6 mois, l'ont traité et ont accepté
les causes surnaturelles. Ils ont conclu: "ou divines ou diaboliques ou
magiques".
LES MEDECINS DU MOYEN AGE CONNAISSAIENT-ILS LA PSYCHIATRIE?
Fort peu! On trouve, cependant, des descriptions de maladies
mentales chez Isidore de Séville au 14ème siècle dans
le "Grand Coutumier" de Normandie ainsi que chez Henri de Bracton dans
"De legibus et consuetudinus anglie" (réédition 1883). Les
classifications y apparaissent variables, hésitantes et très
limitées. Une multiplicité de dénomination témoigne
de l'incertitude dans laquelle se trouvait les médecins de l'époque
au regard des troubles mentaux. On retrouve le plus souvent les termes
suivants:
Phrénitis et frénésie
Melancholia
Mania
Mais encore:
fatus, stultus
mente captus,
furiosis pour l'agitation,
amens et demens chez Isidore de Séville,
idiotes
et lunatici chez Paracelse
autant de termes qui circonscrivent les grandes catégories
de troubles du comportement, beaucoup plus que le contenu des troubles
mentaux.
Ces termes aboutissent, semble-t-il, à une triple
catégorisation:
1. L'agitation excitation psychique
2. La dépression mélancolique
3. La débilité mentale.
Passons maintenant des procès de sorcellerie aux
descriptions des personnages que nous ont laissées les médecins
de cette époque. Nous verrons que la clinique psychiatrique apparaît
avec quelque richesse à la faveur des observations de possédés
et de sorciers.
V- LE FLORILEGE DES CITATIONS DU "DE PRESTIGIIS DAEMONUM"
Page 486 et sq
Dans son 4ème Livre "auquel il est traité
de ceux que l'on pense avoir été ensorcelés par les
sorcières.
Page 501
Histoire mémorable d'une fille démoniaque,
laquelle on disait être tourmentée par les sorcières
On s'aperçut qu'elle voulait vomir. "En sa bouche,
au même instant que je commencay d'y ietter un oeil, j'aperceu un
morceau de gros drap noir, lequel estait dessus la langue et sur lequel
je mis incontinent la main. Mais afin que Satan laissast quelque opinion
aux assistants que ce drap en estait sorti, il feignit une petite voix
puérile non naturelle et comme inarticulée, par laquelle
il sembloit que la fille dist que ce qu'elle avait jetté luy semblait
amer".
Page 502
"Davantage ce malheureux bourreau avait peu auparavant
excité un horrible et tragique spectacle, qui avait duré
quelque temps en cette pauvre fille, et durant lequel nous apercevions
sa bouche être tellement fermée qu'elle demeurait comme muette:
l'on voyait aussi ses mains fermées estroitement, ses yeux tournez
de costé, bref tout son corps estre misérablement affligé
par un tremblement estrange.
Description de vomissements, mutisme et crises hystériques.
Pages 436-437
Chapitre XXX: Il advient quelque fois que même
les preudes-femmes sont trompées par l'illusion des cauchemars ou
incubes: ensemble un ridicule exemple de l'adultère d'un diable.
Pourquoi nous conclurons avec Iamblique que tout ce
que les ensorcelez imaginent n'a autre vérité en action et
en nature que les imaginations.
Chapitre XXXI: Que toutes les histoires sont fausses,
pour lesquelles on pense prouver la copulation charnelle des diables.
Pages 440
"Incontinent du fond de la navire, il entendit la voix
d'une vieille, qui s'accusait piteusement que, à cette même
heure, elle avait eu affaire à un Incube en forme d'homme, ainsi
comme dès plusieurs années auparavant elle avait de coustume:
elle le priait aussi que puis qu'elle était cause d'un si grand
mal, elle fust incontinent jettée en mer, et qu'ainsi des autres
demeureraient sauvés par la miséricorde de Dieu.
Les délires de possession sexuelle, les hallucinations
coenesthésiques, les jouissances fantasmées sont très
classiques au cours des psychoses hallucinatoires chroniques.
"Si ceci est vray, cette femme peut bien avoir eu un
Incube imaginaire en dormant" Dans cette phrase éloquente réside
la théorie du phantasme que la psychanalyse a développée
avec bonheur. Les phantasmes du rêve deviennent ici phantasmes délirants
et hallucinatoires de la vieille. Ceci est en effet d'une observation si
courante dans les psychoses délirantes chroniques, les psychoses
hallucinatoires chroniques et la paranoïa des gouvernantes des auteurs
classiques que je n'y y insisterai pas plus. Je vous demande seulement
d'observer comment cette patiente développe une très forte
culpabilité et il a fallu une circonstance particulièrement
grave pour qu'elle exprime l'idée délirante. Ces patientes,
très souvent, mènent une double existence: une adaptation
excellente à la vie quotidienne d'une part, et un jardin secret
délirant d'autre part, qui peut fort bien ne jamais être développé
devant un tiers. C'est la paraphrénisation des délires.
page 539
"Histoire des religieuses de couvent de Nazareth à
Cologne, lesquelles furent affligées par le diable. Après
qu'elles eurent esté par plusieurs années affligées,
géhennes et tempestées diversement et en plusieurs sortes
par le diable, elles le furent encore plus prodigieusement et horriblement
l'an mil cinq cent soixante et quatre, lors qu'entre un estrange spectacle,
apparu souvent par une manière prodigieuse, elles estayent renversées
par terre, le ventre en haut et rebussées comme pour avoir compagnie
d'homme, pendant lequel acte tenoyent les yeux fermez, qu'elles ouvroyent
après avec une grande honte, et comme si elles eussent enduré
une grande peine".
Ici lisons-nous une fort bonne description de la crise
hystérique simulant un rapport amoureux.
"Et aussi cette peste gaigna petit à petit et
tout plus s'augmenta, lors que ces pauvres affligées commencèrent
à avoir recours aux remèdes illégitimes". Or le commencement
de toute cette calamité procédait de quelques jeunes hommes
desbauchez, qui après avoir pris accointances, par un ieu de paulme
prochain de là, avec une ou deux religieuses estayent depuis montez
par dessus les murailles et avayent jouy de leurs amours. Mais depuis ayants
desisté à cause que les moyens leur en furent ostez le diable
cauteleux ouvrier gesta la phantasie de ces misérables et leur représenta
souvent (comprenez que le diable substitua à la réalité
les phantasmes de la présence masculine et de l'assouvissement sexuel)
les semblances de leurs paillards et manifesta aux yeux d'un chacun l'ignominieuse
vilenie de ces mouvements vénériens."
VI- DISCUSSION
L'OEUVRE MEDICALE DES AMIS DES SORCIERS
Jean Wier et Zacchias élaborent donc effectivement
une clinique psychiatrique que je qualifierais de protopsychiatrique.
On y décèle des simulateurs, des hystériques et des
hallucinés systématiques.
Wier expose que les filles démoniaques que l'on
dit être tourmentées par des sorcières sont en réalité
des simulatrices ou de pauvres malheureuses délirantes. L'action
principale est l'imagination des victimes. La copulation des diables est
inexistante: il faut incriminer seulement un incube imaginaire en dormant.
Relisons le célèbre paragraphe de Wier: "Le diable cauteleux
ouvrier gesta le phantasme de ces misérables et leur représenta
souvent les semblances de leurs paillards et manifesta aux yeux d'un chacun
l'ignominieuse vilenie de ces mouvements vénériens". Il décrit
le rapport amoureux par la "phantasie" de ces misérables c'est-à-dire
le désir de rendre présents les paillards. Wier développe
une argumentation qui nous est familière: la satisfaction par le
fantasme et la gratification imaginaire par des représentations
qui peuvent induire l'illusion d'une diablerie. Cette brillante démonstration
n'est pas généralisée. L'auteur fait souvent preuve
d'ambiguïté dans ses diverses analyses. Le diable intervient
afin de trahir ses propres impostures. Celui-ci agit généralement
pour compromettre des femmes fort honnêtes. Il fait croire qu'elles
sont ensorcelées alors qu'en réalité elles sont victimes
des événements.
Jean Wier développe son argumentation précisément
au niveau de ce "faire croire". Wier ne veut pas ou ne peut pas faire l'économie
du diable. Sans doute les temps n'étaient pas encore venus pour
cela.
L'étude des cas cliniques attestés par les
textes est parfois possible. Parfois peut-on s'autoriser de rapprocher
les troubles des ensorcelées avec de véritables crises hystériques.
On repère quelques fois des délires et des hallucinations
spécifiques des psychoses hallucinatoires chroniques ainsi que de
certaines formes de schizophrénies paranoïdes chez qui, fréquemment,
s'observent des hallucinations génitales voluptueuses. Mais la plupart
des cas cliniques d'ensorcellement requièrent aujourd'hui une explication
psychanalytique. On y repère très peu de séméiologie
psychiatrique des psychoses, mais essentiellement des simulations, des
crises hystériques et des syndromes borderline beaucoup plus souvent
que des phénomènes hallucinatoires ou délirants des
psychoses.
LA METAPHORE DU DIABLE: L'OEUVRE AMBIGUE DE SATAN
Le diable apparaît donc dans la genèse du
trouble et il fonctionne à deux niveaux: comme générateur
du phantasme et comme déclencheur du passage à l'acte
Revenons au texte: "Pour certain la cause de ce maléfice
fut la trop grande melancholie procédante pour, laquelle Satan,
désireux de tromper et perdre cette pauvre créature, empoigna
incontinent. La cause première des tourments des ensorcelées
et démoniaques est la mélancholie, la tristesse, la frustration
ou toute autre forme d'émotions vives. La cause seconde est l'usage
qu'en fait le diable. Il se sert de la cause et des tourments pour donner
l'illusion du caractère démoniaque, du comportement de la
victime."
Jean Wier ne peut donc tout expliquer par le pouvoir de
l'imagination ou de la mélancolie procédante d'amour.
Le concept de satanisme peut-il être comparé
au concept opératoire de boite noire? Sans doute faut-il donner
au concept de satanisme un sens plus riche que le seul sens religieux.
Le diable jouait pour certains médecins de la Renaissance
ce rôle d'énergie mystérieuse dans le développement
des troubles. Ainsi disposaient-ils d'un concept explicatif syncrétique
et flou qui permettait d'attendre et d'espérer l'avènement
de nouvelles théories explicatives.
ROLE DE LA CROYANCE AU DIABLE
Les auteurs croient-ils au rôle du diable ? C'est
possible, mais ils semblent lui donner une valeur d'hypothèse invérifiable.
Les poursuites juridiques et théologiques contre les sorciers et
les ensorcelés leur paraissent contestables. Jean Wier croit-il
personnellement à l'existence du diable? Il s'efforce de concilier
l'hypothèse du trouble psychique et de la diablerie. Le diable joue
ici le rôle de cette boite noire si souvent invoquée en physique.
Si le trouble trouve bien son origine dans le corps même de la victime,
une force mal connue lui donne plus d'intensité. Une force utilise
le symptôme pour donner le change. Bref, le trouble existe sur un
mode mineur mais il est majoré par le diable. Celui-ci fonctionne
comme une source d'énergie. Wier conteste l'origine satanique des
maladies de possession, "de ceux qu'on croit atteints par les maléfices
des sorcières. Ces pauvres possédées et ensorcelées
sont des victimes de leur imagination avivée par des tourments".
Jean Wier croit cependant à l'existence du diable.
Il essaie de concilier l'hypothèse du trouble psychique et de la
diablerie. Le diable ici joue le rôle de la boite noire si souvent
invoquée en physique. Si le trouble trouve bien son origine dans
le corps même de la victime, une force mal connue lui donne plus
d'intensité, l'utilise pour donner le change et s'ingénie
à susciter la répression. Bref, le trouble existe sur un
mode mineur mais il est majoré par le diable. Satan fonctionne comme
une source d'énergie. Observons avec Axenfeld: "On ne naît
pas impunément au XVIème siècle, et qu'à moins
d'une vigueur d'esprit bien rare, on ne rejette pas d'une seule secousse
le joug de la superstition commune".
LE DISCOURS DE LA MODERNITE
Peut-on mettre en regard les théories de l'époque
avec les incertitudes épistémologiques contemporaines?
Regardons ensemble les systèmes d'explication de
notre psychiatrie moderne. Vous connaissez la notion de constitution et
de terrain, concepts que Magnan a largement développés dans
sa description des dégénérés supérieurs.
Des concepts analogues sont utilisés de nos jours: on invoque toujours
le terrain, la prédisposition voire les conditions socioculturelles,
et que sais-je encore, pour expliquer l'origine des troubles psychiques.
Les concepts psychanalytiques tels que la faiblesse congénitale
du Moi sont parfois avancés pour expliquer l'origine de la schizophrénie.
Quels sont les contenus exacts de ces concepts ? Ils ont tous quelque chose
en commun: une prétention à donner un sens à l'origine
des symptômes psychiatriques. Ils sont syncrétiques et ils
subsument sous un même vocable un grand nombre de mécanismes.
Ces concepts prétendent donner la clef de l'origine des troubles
psychiques dans cet espace symbolique qui se situe entre les causes extérieures
et le terrain morbide.
L'utilisation de concepts syncrétiques, tels que le
terrain, la force du moi ou encore la notion de constitution obéit
aux mêmes exigences. Notre concept de terrain n'est pas plus heuristique
que celui de diablerie. Chez le grand philosophe Jaspers, qui fut également
spécialiste de la psychopathologie, le passage nosologique à
la psychose est indiqué par les termes "impénétrabilité"
ou "incompréhensibilité" de la séméiologie.
La référence à des forces mystérieuses et impénétrables
fonctionne de la même façon que l'imputation diabolique.
Freud indique une attitude analogue: la psychose schizophrénique
implique une régression narcissique, prégénitale ou
préoedipienne mais, à cet égard, il estime que l'étude
est loin d'en être achevée. Cet au-delà du narcissisme
est encore une boite noire où se retrouvent confondus la faiblesse
congénitale du moi, la constitution et sans doute, dans l'esprit
de Freud, un processus anatomo-pathologique qui reste à découvrir.
Il manquait à Wier une nosographie systématique
comme on la trouve cent cinquante ans plus tard chez François Boissier
de Sauvages de la Croix ("Nosologia methodica, sistens morborum classes,
genera et species", 1768). Une classification des maladies et la perspective
d'une nosographie systématique sont entrevues par Linné,
puis Condillac avec le sensualisme. Ils adopteront une posture enrichissante
d'héritiers des multiples découvertes éparses. Leur
génie consiste à rassembler en esprit, à codifier,
puis à systématiser pour la commodité de la science.
La pensée classificatoire a demandé des décades de
progrès techniques et, sans doute, une grande humilité du
savant. Il est en effet moins exaltant de classer et de nommer des espèces
que d'élaborer une théorie causale.
CONCLUSION
La sorcière était l'emblème de tous
les malheurs du temps. Les origines de la psychiatrie, comme discipline
médicale, sont donc inséparables des études et des
expertises relatives aux procès de sorcellerie. Voici comment nous
glissons insensiblement des procès de sorcellerie et de la possession
diabolique à la clinique psychiatrique. Une certaine psychiatrie
naît des observations et des expertises. Mais quelle étrange
naissance! Les médecins n'auront pas été au chevet
des patients mais hélas tout près du chevalet de torture.
La clinique psychiatrique est née au quinzième siècle
parmi les magistrats, les prêtres et les médecins accusateurs
ou défenseurs des sorcières.
Allard et Coll: Aspects de la marginalité au Moyen Age L'Aurore
75 - Québec
Jacques d'Autun: L'incrédulité savante
Jean Bodin (Angevin): La démonomanie des sorciers (4 chap.: -La définition des sorciers -De la magie en général -Les moyens licites d'obvier aux charmes et sorcelleries -De l'inquisition des sorciers), à Paris chez Etienne Prévosteau en 1580 rééd.1598.
François Boissier de Sauvages de la Croix: Nosologia methocica,
sistens morborum classes, genera et species, 1768.
Bourneville: Conférences historiques, 1880
Axenfeld: Conférences historiques, Fac. Méd. Paris, 1865
Jean Delumeau: La peur en Occident XIV-XVIIIe 1978
M. Foucault: Les procès de sorcellerie dans l'Ancienne France
devant les juridictions séculières Doct. Droit, Paris 1907
Maître Maurice Garçon et Jean Vinchon: Le diable. Etude
historique
Raoul Gineste: Les grandes victimes de l'hystérie -Louis Michaud
éd.
Michaelis: Louis Gaufredi, curé des Accoules et Magdaleine de
la Palue. Relation historique et rationnelle d'un procès de sorcellerie
Innocent VIII: Bulle "Summis Desiderantis Affectibus", 1484.
J.F. Calmeil: De la folie considérée sous le point de
vue... 1845
Concile de Trente: Actes
Jacob Horstius: De aureo dente - 1525
J. de Nynauld: De la lycanthropie - 1615
Pierre de Lancre: Tableau de l'inconstance
Robert Mandrou: Possession et sorcellerie au XVIIe 1979
Les Cahiers de Fontenay: La Sorcellerie 11-12 1978
Jacques Fontaine: Discours des marques des sorciers - Paris 1611
Jacob Sprenger et Henricus Institoris ou Kraemer: Malleus maleficarum - Berlin 1486
Vallon & Génil-Perrin: La Psychiatrie Médico-légale dans l'oeuvre de Zacchias 1584-1659 - Ed.Doin 1912
Roland Villeneuve: L'Univers diabolique - Albin Michel
Roland Villeneuve: Les possessions diaboliques - Pygmalion - 1975
Jean Wier: De prestigiis daemonum et incantationibus ac veneficiis
- 1567
Jean Wier: Histoires disputes et discours 2 vol. rééd.
1884 Delahaye Paris
Paul Zacchias: Dei mali hypocondria celebrite
Paul Zacchias: In vito quara
Paul Zacchias: Quaestiones medico-legales. Amsterdam 1651 in folio
TABLE DES MATIERES
RESUME
I-1 INTRODUCTION
HISTOIRE DE L'EUROPE A LA FIN DU MOYEN AGE
REFORME, CONTRE REFORME ET CONCILE DE TRENTE
II.1 ETAT DE LA MEDECINE A LA FIN DU MOYEN AGE
II.2 LA NAISSANCE D'UNE AUTHENTIQUE CLINIQUE PSYCHIATRIQUE:
DEMONOLOGIE ET MEDECINE DE LA REFORME A LA CONTRE REFORME
III-1- LES GRANDS TEXTES DEMONOLOGIQUES DES XVème
ET XVIème SIECLES
III-2 GLOSSAIRE DE LA DEMONOLOGIE
III.3 TENTATION. OBSESSION ET POSSESSION
III.4 DE L'ENSORCELLEMENT AU PROCES
III-5 LE PROCES DE SORCELLERIE
DEROULEMENT DU PROCES
IV. LES EXPERTISES IMPROBABLES
PORTRAIT JURIDIQUE D'UN SORCIER
LES MEDECINS DU MOYEN AGE CONNAISSAIENT-ILS LA PSYCHIATRIE?
LES MEDECINS ET LA DEMONOLOGIE
-Portraits de médecins et de juristes
-Zacchias
-Du Laurens
-Bodin
-L'oeuvre de J. Wier
V LE FLORILEGE DES CITATIONS
VI. DISCUSSION: LA METAPHORE DE LA BOITE NOIRE
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE