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Edition du 01.02.2003
Mise à jour du 28.07.2003
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Mots clefs: Psychiatrie - Manuels anciens et modernes, précis et traités - Adultes - Enfants - Psychiatrie légale - Dictionnaires, glossaires et lexiques - Traités d'histoire de la psychiatrie
LES MANUELS PSYCHIATRIQUES
L'histoire de la psychiatrie se confond avec celle des livres qui lui sont dédiés. Les manuels, traités et précis jalonnent et embellissent l'histoire de cette sévère spécialité médicale.
Le péché véniel des psychiatres tout le long de leur carrière consiste à assembler une bibliothèque des ouvrages classiques des grands fondateurs de la psychiatrie. J'ai toujours été bibliophile! Qui n'a rêvé de posséder chez soi un exemplaire de Boissier de Sauvages de la Croix, du Pinel de l'An IX, le traité d'Esquirol avec ses gravures ou bien la 1ère édition de 1933 du Traité de Karl Jaspers?
LES OUVRAGES ANCIENS DES PRECURSEURS
Jean Wier "De prestigiis daemonum et incantationibus ac veneficiis" (1567). Une importante réédition a été faite en 1884 Histoires disputes et discours 2 vol, Ed. Delahaye à Paris.
I.- Le siècle des Lumières
Le XVIIIème siècle, la période des Encyclopédistes et enfin la période révolutionnaire.
II.- La psychiatrie de 1800 à 1914
Esquirol J.-E.-D., Des maladies mentales considérées sous les rapports médical, hygiénique et médico-légal, 2 tomes et un atlas en 2 vol in-8 Baillière, Paris, 1838.
III.- Les premiers manuels modernes
De 1911 à 1920. Naissance de la psychiatrie moderne
IV.- La psychanalyse et les traités psychiatriques
FREUD, contemporain de Kraepelin, ne produira pas de traité de psychiatrie. Freud a fort peu étudié les psychoses. La psychanalyse d'une façon générale approche difficilement la psychose. Elle adopte à grand peine une attitude cohérente à propos des classifications nosologiques. Les tentatives ont cependant existé avec Régis et Hesnard dans La psychanalyse des névroses et des psychoses Edition 1912 puis une édition révisée en 1929 et E. Glover dans L'approche psychanalytique de la classification des troubles mentaux 1932. Le même effort est perceptible chez Herman Nunberg et surtout Otto Fenichel.
Ainsi la rencontre et les moments de convergence entre psychiatrie et psychanalyse ont été évidents surtout en France. Mais toutefois la psychanalyse n'a jamais eu l'ambition ni la capacité de remodeler la nosographie psychiatrique.
V.- Le cas particulier des phénoménologues
Traité de psychopathologie Eugène Minkowski en 1966, dans la collection Logos aux PUF. Minkowski (1885-1972) aura donc mis 28 ans pour terminer ce livre! Il s'inspire de la méthode phénoménologique. Ce traité et l'analyse phénoméno-structurale représentent bien le cheminement intellectuel de l'auteur. Minkowski avait lu attentivement Hüsserl et Bergson. Rappelons enfin que Minkowski fut l'un des fondateurs de la prestigieuse association "L'Evolution Psychiatrique". La Société "L'Evolution Psychiatrique" a réuni et réunit encore en son sein les plus brillants psychiatres que nous puissions connaître autour de nous.
VII.- La période pré-contemporaine 1918-1940
Des ouvrages aussi importants que ceux de Dupré, Pathologie de l'Imagination et de l'Emotivité en 1925, ceux de Blondel et ceux de Janet, L'automatisme psychologique en 1889, Névroses et Idées Fixes et Les Médications Psychologiques, 3 volumes, en 1925, ont largement inspiré les rédacteurs de manuels de l'époque.
VIII.- MANUELS PSYCHIATRIQUES MODERNES
1940-1980 - Le secteur (1960) et l'avénement du Largactil (1950-1952). Henri Ey le catalan français
Quels furent les grands courants entre 1950 et 1965? Le 1er congrès mondial, en 1950, fut certes présidé par Jean Delay mais en fait la psychiatrie de ce temps était absolument et universellement dominée par Henri Ey. VIII.- Les manuels de psychiatrie de l'enfant Les manuels de psychiatrie de l'enfant sont peu nombreux. Les uns sont destinés aux étudiants en psychologie comme le livre de Beauchesne et Gibello ou celui de Duché tandis que les autres, plus volumineux, aux psychiatres ou aux pédiatres dont les plus célèbres furent ceux de Michaux mais surtout celui d'Ajuriaguerra. L'ensemble de ces manuels, du moins les plus sérieux d'entre eux, à partir de 1945, ont beaucoup bénéficié de l'apport psychanalytique.
IX.- LES MOTS, LES LOIS ET L'HISTOIRE
LES DICTIONNAIRES PSYCHIATRIQUES POROT Antoine, Manuel alphabétique de Psychiatrie., 1955, aux Presses Universitaires de France éditeur, Paris, 1965. dans la collection "Bibliothèque de psychiatrie". C'est un ouvrage qui a eu un grand succès d'estime parfaitement justifié. Les rééditions sont régulières jusqu'en 1975!
LES MANUELS DE PSYCHIATRIE LEGALE Les anciens
LES TRAITES D'HISTOIRE DE LA PSYCHIATRIE Les traités d'histoire de la psychiatrie sont encore moins nombreux que les traités de psychiatrie de l'enfant. Ils requièrent une érudition considérable. Des pays privilégiés ont permis à des auteurs prestigieux de réaliser des ouvrages de référence. Ce sont essentiellement les Etats-Unis et le Canada. On ne dira jamais assez combien le privilège de l'année sabbatique, pratique traditionnelle dans les universités de ces pays, facilite les recherches des spécialistes.
VIII.- DE QUOI EST FAITE LA PSYCHIATRIE DU TROISIEME MILLENAIRE?
Quel est le destin de la psychiatrie contemporaine?
La déshérence de la psychose mais aussi de la psychanalyse dans les nouveaux traités est un événement considérable. Quel est le sens de cette évolution? Comment interpréter cette évolution des catégories de la pensée psychiatrique? Une première réflexion instinctive nous vient à l'esprit. La perte de prestige des Hôpitaux Psychiatriques, la fermeture des grands centres, le développement des structures d'accueil extra-hospitalières, tout cela entraîne des effets pervers imprévus. Voyez comme les centres d'urgence psychiatrique sont assumés de plus en plus par les Hôpitaux Généraux. Voyez comme certains traitements difficiles, du point de vue technique, ne sont plus pratiqués dans les Hôpitaux Psychiatriques depuis une vingtaine d'années! Les praticiens de ces hôpitaux, en Ile de France, doivent requérir l'assistance de services spécialisés extérieurs. Une partie de la psychiatrie s'est déplacée vers les Hôpitaux Généraux et vers les autres spécialités médicales. Bref! La psychiatrie serait-elle devenue une chose trop sérieuse pour être confiée aux seuls psychiatres? S'agit-il d'une sorte d'annonce d'un démembrement de la spécialité?
Bibliographie
POSTEL Jacques & QUETEL Claude Nouvelle Histoire de la Psychiatrie PRIVAT, Toulouse 1983.
Dr Ludwig Fineltain
Jean-Martin Charcot
Le Maître de la SalpêtrièreEmil Kraepelin
De Heidelberg à Munich Henri Ey
Le catalan de Banyuls dels Aspres
à Bonneval et Sainte-Anne
Gravure de Lurat
La leçon de CharcotTableau de Brouillet: Charcot
Une leçon clinique à la Salpêtrière
(Salon 1887)
Tandis que de 1968 à 1971 je faisais à Sainte-Anne office de conférencier pour des étudiants, assez brillants d'ailleurs et impatients de réussir le tout nouveau concours de l'Internat Psychiatrique de Paris, je fus tenté à la faveur de ces moments exaltants de composer un précis de psychiatrie. A la même époque j'eus la chance de terminer mon internat chez le Dr Daumezon que j'admirais beaucoup. Je lui posai la question suivante: "Ne seriez-vous pas intéressé d'écrire un manuel de psychiatrie fondé sur une étude syndromique et je serais dans ce cas honoré d'y participer". Il m'avait répondu évasivement. Mais un tel projet demande de l'expérience et du temps. Avais-je à cette époque acquis un savoir suffisant? Et disposions-nous réellement d'un temps suffisant devant nous? Rien n'était moins sûr. L'année même de mon psychiatricat en 1974 j'eus l'occasion de présenter l'agrégation de psychiatrie, tentative que je n'ai pas réitérée. Cet épisode a réveillé en moi l'intérêt pour l'enseignement et les manuels. Je crois en fait, malgré toutes les conférences prodiguées, que je n'étais pas vraiment fait pour l'enseignement. Cette fonction requiert une grande patience que je ne possède pas.
Mais l'intérêt pour les manuels de psychiatrie ne m'a jamais abandonné. Ces sortes d'ouvrages sont tout à la fois des objets de science, des objets esthétiques et la preuve chez leur auteur d'un grand courage scientifique.
Comparez les ouvrages les uns aux autres. Voyez d'une part la science de Kraepelin puis celle de Henri Ey, le génie précoce de Karl Jaspers et d'autre part le merveilleux style d'un Lévy-Valensi sans oublier celui de la litote chez un Jacques Borel. Je privilégie bien entendu, dans cette introduction, les œuvres d'hommes seuls. Nous savons tous que la science a évolué et que les manuels contemporains sont rédigés par des équipes très nombreuses de spécialistes. Nécessité fait loi! Mais la rançon de ce progrès c'est l'absence d'originalité. Il manque parfois une patte personnelle dans les manuels de ces 15 dernières années écrits par trente six auteurs à la fois. Les grandes œuvres psychiatriques sont celles d'hommes solitaires.
Qu'est-ce qu'un manuel? L'effort loyal et tenace d'un psychiatre de faire la synthèse de la sémiologie, de la nosologie, de la nosographie et des traitements. Cette tâche n'est pas donnée à tout un chacun. C'est un effort gigantesque: tout à la fois un état des lieux et un lieu de mémoire. Le manuel représente donc un effort de synthèse. Une fois composé il agrègera autour de lui les acquis épars de la psychiatrie. Il servira enfin de catalyseur d'idées pour les psychiatres contemporains et pour les disciples du lendemain.
Faut-il en apporter une définition? Les auteurs font une synthèse de la séméiologie, de la nosologie et des traitements psychiatriques de l'époque considérée. Certains d'entre eux sont émérites. Ils sortent du lot commun et l'histoire les a consacrés. La rhétorique les a, elle aussi, consacrés par le raccourcissement de la formulation, la syntaxe appositive, une figure de style comme la synecdoque ou l'antonomase pour désigner l'œuvre mémorable. Ce sont ces sortes de livres qu'on nomme par le nom propre de l'auteur. Ainsi dit-on "le Kraepelin", "le Guiraud" ou "le Henri Ey" sans même citer le titre de l'ouvrage. Ce sont donc le Kraepelin, le Gilbert Ballet, le Lévy-Valensi, le Guiraud, le Morel et enfin le Henri Ey ou bien le Ey Bernard Brisset puis ensuite la partie psychiatrique de l'EMC, le DSM et le CIM. Ces deux dernières œuvres sont d'excellentes synthèses collectives de ces quinze dernières années et sans aucun doute dominent-elles aujourd'hui la pensée psychiatrique mondiale.
Le rôle des dictionnaires, lexiques et glossaires est plus modeste. Chacun connaît les dictionnaires majeurs comme par exemple celui de Porot ou celui de Lafon. Les dictionnaires ferment la marche des cortèges psychiatriques.
Quant aux traités d'histoire de la psychiatrie ils sont peu nombreux. L'histoire des hommes, des textes et des idées apparaît proche de la philosophie et de la littérature. La situation en psychiatrie est très différente des autre spécialités. L'histoire des concepts en psychiatrie est une nécessité pour la compréhension de la clinique. La psychiatrie, fait important, est la seule spécialité médicale qui fait un usage constant de l'histoire de ses principaux concepts.
Ainsi par exemple l'important travail d'Alexander et Selesnick en 1966 a-t-il été très important pour nos collègues psychiatres. Plus récent le traité de Postel et Quétel est bien entendu beaucoup plus proche de nos préoccupations européennes. Celui qui n'entend pas le débat d'hier entre Séglas et Baillarger à propos des hallucinations psychomotrices verbales ne comprendra pas demain la psychose délirante.
LES CLASSIQUES DE LA PSYCHIATRIE
Jean WIER, célèbre médecin des Pays-Bas, dont le vrai nom était Johannes ou Johann Weier, Weiher ou encore Johannes Weyer, naît à Grave, en Hollande, dans le Brabant, sur la Meuse, en 1515 et meurt en 1588. Dans son "De praestigiis daemonum" (1567) Wier élabore un discours critique de type érasmien. La sorcière est l'emblème de tous les malheurs du temps. Les origines de la psychiatrie, comme discipline médicale, sont donc inséparables des études et des expertises relatives aux procès de sorcellerie. La clinique psychiatrique est née parmi les accusateurs et les défenseurs des sorcières, parmi les magistrats, les prêtres et les médecins. Je regarde Jean Wier comme le premier grand clinicien de la psychiatrie.
Paolo ou Paul Zacchias (1584-1659), médecin de la Rotae Romanae, Quaestio medico-legales en 1651 avec de nombreuses rééditions.
L'œuvre de Zacchias est écrite en latin. C'est avec Wier le premier spécialiste de la médecine et de la psychiatrie légales. Elle a beaucoup inspiré les psychiatres français du XIXème siècle. Bien que l'œuvre n'ait jamais été traduite elle a passionné très tôt les historiens de la psychiatrie. Ainsi Charles Vallon Médecin de l'Asile Clinique de Sainte-Anne et Georges Génil-Perrin Interne à l'Asile clinique de Sainte-Anne en 1912 dans 'La psychiatrie médico-légale dans l'oeuvre de Zacchias' étudient-ils les chapitres du célèbre livre. Ils résument ainsi les différents chapitres psychiatriques de l'ouvrage: I) Paul Zacchias et le Tribunal de Rote, II) Nosologie et Méthode, IV) Les Etats d'Insania, délires sans fièvre, VI) Simulation et dissimulation, Les intervalles lucides et enfin les principes généraux.
J'ai de mon côté publié un article sur les médecins experts au cours de procès en sorcellerie. Jean Wier, médecin du Duc de Trèves et Paolo Zacchias, médecin de la Rotae Romanae, ont joué un très grand rôle au cours de ces événements dramatiques.
William ou Guillaume Cullen (1710-1790) Institution de Médecine pratique
Tissot Simon-André (1728-1797), Traité des nerfs et de leurs maladies, en 4 volumes, à Paris en 1782. On lui doit par ailleurs le célèbre Onanisme en 1760 qui n'a qu'une valeur bibliophilique et L'avis au peuple sur sa santé (il faut distinguer cet auteur de Joseph Tissot, moine, tout à la fois malade mental et médecin des aliénés en 1852).
François Boissier de Sauvages de la Croix, Nosologia Methodica sistens Morborum Classes 1768 trad. Nosologie Méthodique, in-X, Lyon 1772. Boissier de Sauvages (1706-1767) est le premier auteur capable de classer méthodiquement 2400 maladies regroupées en classes, ordres, genres et espèces, suivant l'esprit de Sydenham et surtout conformément à la méthode des botanistes. Parmi celles-ci apparaissent les maladies psychiatriques. Toutes les classifications ultérieures se référeront peu ou prou à celles des botanistes.
Pinel Philippe, Nosographie philosophique ou la méthode de l'analyse appliquée à la médecine, Ed. Richard, Caille et Ravier, Paris An VII. Le 1er volume est consacré à la médecine. Les névroses - au sens du 18ème siècle - sont décrites dans le 2ème vol. En fait c'est un ouvrage consacré à la médecine interne.
Pinel Philippe, Traité médico-philosophique sur l'aliénation mentale ou la manie. Richard, Caille et Ravier, Paris An IX (1798). (Alain Brieux et Claude Tchou en ont fait un reprint de qualité en 1965 que des laboratoires ont diffusé auprès des psychiatres). Une autre édition du Pinel doit être signalée. Traité médico-philosophique sur l'aliénation mentale, Ed. Ant. Brosson, 1809, à Paris, dont l'imprimerie Feugueray, à l'initiative des laboratoires Clin, Comar & Byla, a fait en mai 1975 une magnifique réédition.
XIXème siècle, de 1860 à 1918 ou d'Esquirol à Gilbert Ballet et Séglas
Guillaume Ferrus. Les leçons cliniques vers 1830. Ferrus vient à Paris en 1789 et soutient une thèse de médecine en pluviose An XII. Notons qu'il fut chirurgien à la bataille d'Austerlitz.
Prosper Lucas "Traité de maladie du système nerveux" en 1847 puis en 1850.
Jean Baptiste Maximilien Parchappe de Vinay (1800-1566) "Traité théorique et pratique de la folie" (1841, in-8°). En fait il fut essentiellement le promoteur enthousiaste d'établissements pour aliénés qui manquaient cruellement en son temps!
Henri Dagonet Traité des maladies mentales, en 1876 et qui a connu pas mal de rééditions jusqu'en 1894 avec un certain nombre de photos d'aliénés.
Bénédict Augustin Morel Traité des dégénérescence 1857. Morel (1809-1873), Médecin chef à Saint-Yon, publie deux sommes remarquables: "Etudes cliniques" en 1853 et surtout "Traité des maladies mentales" en 1869. Morel comme beaucoup d'autres auteurs de manuels avaient une passion pour les sciences naturelles en général et pour la taxinomie en particulier. On peut lui reconnaître l'effort de prendre en compte, dans sa construction nosologique une double étiopathogénie, psychique et organique. L'usage du concept d'hérédité transformatrice fait de lui, au fond, le modèle lointain de plusieurs écoles très différentes, celle de Jean Delay tout d'abord (la théorie neuro-humorale de la pathologie mentale) et celle, beaucoup moins étayée des psychogénéalogistes.
Falret Jean-Pierre Les Leçons cliniques de médecine mentale professées à la Salpêtrière sont publiées en 1854. Le traité de Falret justifie une étude attentive. Les études cliniques sur les mécanismes ou le travail psychique qui engendre le délire, bref l'étude du délire phénomène central dans la psychose, est caractéristique de cette œuvre. Elle va influencer toute la psychiatrie européenne. Falret d'autre part conçoit en 1853 une double étiologie de la psychose dite "folie circulaire", une étiologie "morale" mais surtout organique.
J. Falret est né à Marcilhac-sur-Célé en 1794. Il fait sa médecine à Montpellier puis à Paris où il rencontre presque par hasard Pinel et Esquirol.
On note parmi ses autres œuvres: Des maladies mentales et des asiles d'aliénés en 1864 puis Des maladies mentales et nerveuses en 1890 aux Ed. Baillière, rééditées en 1894. Ainsi par exemple l'année 1850-1851 est-elle consacrée à l'étude des hallucinations comme perceptions sans objet
Jules Falret a secondé l'œuvre paternelle dans une atmosphère de touchante vocation familiale. Puis il publie son Etude clinique sur les maladies mentales et nerveuses 1889 éd. Baillière. Jules Falret (1824-1902) à la fin de sa vie avait réuni les notes de toutes ses leçons cliniques mais celles-ci ne furent pas publiées.
Paul-Emile Garnier Traité de Thérapeutique des maladies mentales et nerveuses, écrit avec Cololian en 1901
Trois traités représentent donc en fait les chefs-d'œuvre de la psychiatrie classique. Ce sont ceux de Séglas, de Ballet et de Jean-Pierre Falret:
Séglas Louis Jules Ernest, Leçons cliniques, puis il rédige une partie du volumineux Traité de pathologie mentale de Gilbert Ballet. Séglas (1856-1939) succédant à J.P. Falret démontre beaucoup de subtilité quant à l'étude des hallucinations. Cet auteur fut absolument imprégné des découvertes de Broca en 1861 et de Wernicke. En quelques années la découverte des mécanismes neurologiques des aphasies, la cartographie des aires cérébrales et la mise en évidence de la latéralisation a bouleversé le monde neuropsychiatrique. Ainsi Séglas fut-il conduit à mieux étudier les hallucinations verbales et à tenter de les incorporer dans une nosologie rénovée. Dans un article paru en 1913 les réflexions de Séglas sur les hallucinations psychomotrices verbales se rapprochent des hallucinations psychiques de Baillarger. Ce genre de recherche clinique -je veux parler des hallucinations psychiques- fera, peu de temps après, la gloire de Clérambault.
Gilbert Ballet, Les Leçons cliniques (1854) et surtout le Traité de pathologie mentale en 1903 (1600 pages). Ce traité comprend un chapitre des névroses!
Jean-Pierre Falret, le Traité des maladies mentales (1854-1864) Magnan - Traité des maladies mentales, Paris, 1860. Valentin MAGNAN (1835-1916) fut le véritable successeur de MOREL. Et voici à cet égard le commentaire de POSTEL: "Il distingua soigneusement les délires polymorphes d'autres espèces morbides, telles que la folie intermittente, et surtout le délire chronique systématisé. Il reprit la description classique de Charles LASÈGUE du délire de persécution, en en précisant la marche évolutive avec ses quatre périodes successives: période de simple interprétation, puis période de persécution, avec hallucinations, puis période ambitieuse et mégalomaniaque, et, enfin, période démentielle terminale, dite de dissolution. Il décrit encore la folie circulaire en 1854".
Le destin français de la psychiatrie allemande et suisse de 1880 à 1911. Christian Friedrich Nasse et Meynert - qui était à Vienne le professeur de psychiatrie de Freud - constituaient "Le groupe de la mythologie cérébrale". Un de leur contemporain, le Dr Aloys Alzheimer, a réalisé une œuvre qui a cependant traversé les décennies malgré le sobriquet dont on les affublait. Cette sorte de tension entre organicistes et psychiatres demeure au cœur de la problématique psychiatrique. Avec Bleuler c'est l'accès de la psychiatrie à la maturité. Bleuler reconnaît la parenté entre la schizophrénie, l'ataxie intrapsychique du viennois Stransky et la discordance de Chaslin (1912). C'est le trait de génie de Bleuler. La "nébuleuse schizophrénique tuait la classification"! Bien que son œuvre fût écrite en allemand et traduite fort tardivement elle a néanmoins exercé une immense influence sur la psychiatrie française.
Emil KRAEPELIN Introduction a la psychiatrie clinique. Traduction de la seconde édition allemande par Albert Devaux et Prosper Merklen, P. Vigot, 1907
En 1916 une profusion d'entités cliniques en France et en Allemagne interdisait la classification rationnelle. Ainsi par exemple le système de Krafft-Ebing 1840-1903 dans "Médecine légale des aliénés" était-il beaucoup plus un catalogue d'entités qu'un système méthodique.
La carrière de Kraepelin (1856-1926) le mène de Munich, où il sera l'assistant du Pr VON GUDDEN (qui sera noyé par son patient, Ludwig II de Bavière) puis il devient professeur de psychiatrie, à Dorpat en 1886, puis enfin à Heidelberg, en 1890. En 1903 il obtiendra une Chaire dans un des grands centres psychiatriques de Munich.
L'élaboration du manuel se poursuit méthodiquement entre 1883 et 1896.
Une véritable passion scientifique l'anime et l'incite à confectionner le manuel. Kraepelin rejette la vision philosophique de la maladie mentale. KRAEPELIN ne s'intéresse pas au sens profond des symptômes - on dirait aujourd'hui qu'il récuse l'herméneutique et a fortiori l'interprétation-. Seuls l'intéressaient les signes des maladies. Pichot nous dit que Kraepelin emportait avec lui des centaines de dossiers de patients et tâchait de les regrouper par critère -pendant des mois et des mois-. Il avançait dans cette séméiologie comme on organise le gouvernement d'un pays!
Cet acharnement assez rare a abouti à la construction progressive de sa nosologie à la faveur des différentes éditions. Voici donc le signe caractéristique de la nosographie de KRAEPELIN: elle apparaît transformée, peaufinée et mordancée au fil des huit éditions successives. Ainsi la première édition en 1883 présente-t-elle une classification surtout psychologique proche d'Esquirol et de Parchappe. Je rappelle que cette première édition, faite de chic était dénommée Compendium.
Dans la 2ème édition de 1887 l'évolution clinique devient le critère essentiel opposant les maladies mentales curables (mélancolie, manie, délire et états d'épuisement aigus) et les incurables (folie périodique ou circulaire et délire chronique - qui correspondait alors à la folie systématisée avec démence plutôt qu'à la simple paranoïa-.
La 4ème édition dans laquelle apparaît le grand œuvre de Kraepelin. Elle expose les dégénérescences comprenant la démence précoce, la catatonie et la démence paranoïde qui dans la 5ème édition de 1896 seront nommées 'processus démentiels'. Avec la 5ème édition en effet apparaissent la ou les maladies et corollairement le pronostic ou critère évolutif. La démarche de Kraepelin permet à la psychiatrie de se séparer de la psychologie et de s'orienter dans l'univers des syndromes. Dans la 6ème édition de 1899 les processus démentiels deviennent la dementia praecox qui comprend les formes cliniques suivantes: hébéphrénique, catatonique et paranoïde (qui assemble la démence paranoïde et les paraphrénies).
La mise en œuvre des 13 chapitres des principales maladies dans la 6ème édition signe la psychiatrie contemporaine. Voyons comment KRAEPELIN progresse-t-il entre la sixième et la huitième édition. D'une part, il isole la démence précoce, avec ses différentes formes cliniques, hébéphrénie, catatonie et démence paranoïde, et qu'il caractérise à la fois par une atteinte affective spécifique et une évolution déficitaire. Et d'autre part il repère les délires paranoïaques tout en reconnaissant l'existence des délires chroniques hallucinatoires systématisés. La 8ème édition est volumineuse, 4 volumes, entre 1909 et 1915, comprend les affections endogènes, psychoses évoluant vers une détérioration totale dont la dementia praecox et les paraphrénies. A la fin du XIXème siècle l'auteur trace dans l'univers des psychoses une frontière entre la psychose maniaco-dépressive d'une part et la paranoïa d'autre part puis enfin laisse émerger un troisième chapitre psychotique la dementia praecox qui deviendra la ou les psychoses schizophréniques. Dans cette 8ème édition nous avons la dementia praecox avec une mise en lumière de la forme paranoïde de la démence précoce, des affaiblissements paranoïdes ou paraphrénies des français et de la psychose dite PMD (il n'y a donc plus de mélancolie autonome). Le champ sémantique du terme psychose s'est donc considérablement réduit depuis le temps où il désignait l'ensemble du domaine de la pathologie psychotique, de la psychose unique.
Le but fondamental de Kraepelin consistait donc à clarifier la classification des symptômes et à créer une nosologie conséquente. Il redoutait les descriptions mythologiques de ses prédécesseurs comme celles de Wernicke. L'historique de l'affection compte plus qu'une étiopathogénie mythologique. D'autre part le concept de dégénérescence est au fond aussi obscur que démoniaque! Bien entendu il va s'inspirer du corpus scientifique français en particulier de Magnan.
Comment raisonne-t-il? Le destin d'une maladie fait figure de loi. Ainsi tire-t-il argument de l'hypothèse de l'incurabilité de la démence précoce - en quoi, en son temps, il n'avait pas tort-. Entre-temps en 1822 la paralysie générale venait d'être découverte par BAYLE.
KRAEPELIN s'inspire des descriptions de la catatonie de KAHLBAUM. Il estimait que cet auteur avait su distinguer un tableau, un syndrome, une maladie ou une entité psychiatrique. Reconnaître la maladie mentale permet de préciser un pronostic. L'état terminal est le moment de vérité. Toute psychose devient chronique jusqu'à la démence la plus profonde. C'est ainsi qu'il faut lire son introduction à la leçon clinique aux étudiants de Heidelberg en 1901. L'état terminal des déments précoces était donc pour Kraepelin un critère évolutif de grande valeur. Ce n'est pas l'expression chez cet auteur d'une sorte de pessimisme mais en réalité une critériologie nosologique, une méthode scientifique.
Le raisonnement nosologique qui installe une opposition nette entre la psychose maniaque dépressive ou périodique, curable, et la démence précoce nous projette dans la psychiatrie moderne. Kraepelin reconnaissait bien entendu la multiplication des variétés de "délires systématisés", théorie caractéristique du génie psychiatrique français. Dans la classification clinique de Magnan la dégénérescence était un concept clef. Kraepelin inclura la plupart des ces processus dans la nouvelle maladie, la démence précoce. De même Kraepelin décrit-il la paranoïa en adoptant totalement la leçon de SERIEUX et CAPGRAS quant au délire d'interprétation - concept qui leur garantit une célébrité justifiée-.
La dementia praecox de Kraepelin préfigure ce que sera la schizophrénie de BLEULER. Kraepelin est donc incontestablement le fondateur de la nosologie psychiatrique contemporaine. Les nosologies actuelles continuent sans cesse de s'y référer.
Kraepelin nous surprend aujourd'hui encore par cette sorte de ténacité qu'il a déployée pour élaborer son système. Il fonde en réalité la psychiatrie clinique moderne. Il élabore les principaux cadres nosologiques qui demeurent en vogue aujourd'hui encore en psychiatrie de telle façon que nous pouvons légitimement dire que nous exerçons une psychiatrie en grande partie kraepelinienne.
Atlas-manuel de psychiatrie [Atlas und Grundriss der Psychiatrie], par G. Weygandt, écrit vers 1904; édition française par le Dr J. Roubinovitch, la même année, avec 24 planches en couleur. Weygandt (1870-1939), élève de Kraepelin, illustre dès 1904 les dérives de la psychiatrie allemande: il préconise l'exposition des nouveaux-nés faibles
Bénédict Morel Traité des dégénérescences 1857, Etudes cliniques (1857) et Traité des maladies mentales (1860). Voyons à ce sujet l'exposé du Dr Postel dans l'Encyclopedia Universalis: 'Morel (1809-1873) surtout célèbre par son Traité des dégénérescences physiques, intellectuelles et morales de l'espèce humaine et des causes qui produisent ces variétés maladives, dans lequel il privilégie l'origine héréditaire des maladies mentales, il s'inspire de la philosophie conservatrice de L. de Bonald qui croyait à la dégénérescence, sous l'effet des vices et des révoltes, d'une race humaine modelée à l'origine sur l'exemple divin. Il se situe donc à l'opposé de tout évolutionnisme (L'Origine des espèces de Darwin ne paraîtra qu'en 1859). Cette notion d'hérédo-dégénérescence est encore plus systématisée dans son Traité des maladies mentales (1860), où les "aliénations et folies héréditaires" occupent une place prépondérante.'
BALL Benjamin Leçons sur les maladies mentales, 1880 In-8°, 884 pp. Ball fut le premier titulaire de la chaire à Sainte-Anne. On attendait Magnan et ce fut Benjamin Ball qui en 1877 inaugurera la 1ère chaire de maladies mentales grâce aux efforts de Georges Clémenceau.
Charcot et Bernheim représentent ensemble, l'un à Paris et l'autre à Nancy, l'un des sommets de l'Ecole Psychiatrique Française. Charcot situe l'hystérie et l'hypnotisme au centre des préoccupations scientifiques. En 1884 il montre la différence entre les paralysies hystériques et les organiques lésionnelles.
Charcot Jean-Martin Leçons sur les maladies du système nerveux, faites à la Salpétrière, publiées par Bourneville et rééditées en 1875 et Leçons du mardi à la Salpêtrière de 1887 à 1889 publiées à Paris au Progrès Médical et Clinique des Maladies du Système Nerveux en 1893. Il s'agissait de présentations de patients devant les internes tandis qu'il proposait un diagnostic devant l'auditoire dans la très classique et très grande tradition du médicat et du psychiatricat des hôpitaux.
Bernheim à Nancy, à la même époque, montre que l'hypnose est un simple sommeil. Déjà comprend-il, -son point de vue épistémologique est en avance sur son temps-, un phénomène remarquable qui envahit les services psychiatriques. Et c'est ceci: "La vérité que l'homme reçoit le plus volontiers c'est celle qu'il désire". Toute la thérapie de Charcot à la Salpêtrière était une culture de la névrose! Ainsi Bernheim s'il avait été psychiatre (il était un brillant interniste) il eût été plus neutre et plus objectif que Charcot pour écrire un bon manuel.
Roubinovitch H. Variétés Cliniques de la Folie 1896
Rogues de Fursac J., Manuel de psychiatrie, 3é éd., Félix Alcan, Paris, 1905 puis 1909 puis 1923. Cette édition est un gros in-12 relié de 906 pages, 6ème édition revue et augmentée, avec 4 planches hors texte.
Chaslin Philippe Eléments de séméiologie et clinique mentales Editions Asselin & Houzeau, 1912, après son Confusion Mentale Primitive, en 1895. Les Eléments de séméiologie et clinique mentales de Chaslin (1857-1923), sont un ouvrage massif, de 956 pages, possédant tous les attributs des manuels contemporains. Voyez par exemple au chapitre des idées délirantes, Idées de possession. Tous près des idées de persécution, hypocondriaques, de transformation, mystiques, sont les idées de possession dont j'ai déjà parlé chemin faisant. Elles sont surtout liées à l'idée du démon, parfois seulement à l'idée de persécution. L'ennemi ne fait plus agir le malade à distance, il est dans le malade. On connaît ces idées dans l'hystérie du moyen âge et les épidémies dont la plus célèbre est celle de Loudun. Elles ont à peu près la même valeur séméiologique que les idées mystiques. Elles peuvent faire partie du syndrome de Cotard. Elles peuvent aussi se rencontrer dans une variété de folie des persécutions. Elles indiquent en général la chronicité. Le même auteur réunit les anciennes formes cliniques comme la stupidité de Georget en 1820, les démences aiguës d'Esquirol sous un seul et même vocable à savoir la confusion mentale. Cette forme clinique, très légitime, sera reprise par Régis puis par Seglas.
De 1920 à 1940. Les années de la découverte de la schizophrénie. Bleuler en est le héraut: la spaltung est son étendard et la schizophrénie sa maladie. Eugène Minkowski assistant de Bleuler à la Burghölzli Klinik exprime l'idée que la schizophrénie n'est pas une maladie mentale mais la maladie mentale. Naissance de la psychanalyse et rencontre de celle-ci avec la psychiatrie: ce fut plus volontiers une collision qu'une collusion. Enfin le 8 mai 1937 les asiles d'aliénés deviennent les hôpitaux psychiatriques
Régis E., Précis de psychiâtrie (sic: c'était l'écriture de l'époque), 4e éd., Doin, Paris, 1909 puis en 1911 puis enfin la 5ème, édition de 1913 qui est dite édition freudique.
Gilbert BALLET (1853-1916). Le Traité de Gilbert Ballet en 1911 peut être considéré comme le premier traité moderne. On y traite non plus de dégénérescences mais de prédispositions. L'opposition à Kraepelin peut aussi être expliqué par l'atmosphère de l'époque: nous sommes en 1911 à 3 ans de la guerre. Reprenons certains passages du texte de BALLET de 1911 dans lequel il nous parle de la psychose hallucinatoire chronique. Il isole pour la première fois cette entité clinique remarquable. Ce qu'il dit me semble intéressant pour notre travail sur trois points. Le premier niveau: comment établir une classification des troubles. Le deuxième: le commentaire sur les rapports entre la psychose hallucinatoire chronique et la démence paranoïde qui fait partie de la dementia praecox de Kraepelin. Le troisième niveau: les réflexions sur les rapports entre la psychose hallucinatoire chronique et le délire chronique de Magnan. BALLET sera en quelque sorte le successeur du grand homme de la psychiatrie française puisqu'il s'inspire directement du délire chronique de MAGNAN et s'oppose à la nosographie clinique de KRAEPELIN
Kurt Schneider Psychopathologie Clinique 1918
L'œuvre de Freud aura sur la nosologique psychiatrique une influence aussi grande que celle de Kraepelin mais de façon latérale et souterraine. L'étude précise de cette influence est difficile parce que l'œuvre de Freud a été constamment faussée par une insistante hagiographie.
Introduction à la psychopathologie de Rodolphe Roelens, publiée vers les années 1969. Ce précis était largement inspiré des concepts de la phénoménologie
Karl Jaspers Psychopathologie générale. Trad. fr. d'après la 3ème édition allemande, Félix Alcan, Paris, 1913 et plusieurs éditions successives notamment en 1928, précisément 6 éditions jusqu'en 1953!
La phénoménologie subjective de Jaspers dans son traité de Psychopathologie générale en 1913 est fondée sur la compréhension et la distinction entre le processus morbide et le concept de compréhensibilité.
Que dire de la phénoménologie subjective de Jaspers? Elle est fondée sur le concept de processus morbide et celui de compréhensibilité. C'est sans doute l'un des traités les plus originaux du 20ème siècle. Vous trouverez dans l'édition de 1922, traduit et publié en français en 1933, une remarque des traducteurs remerciant deux élèves de l'Ecole Normale, Sartre et Nizan, pour l'aide qu'ils ont apportée - en particulier à propos de verstehen, verständlich (compréhension) et verstebar qui doivent être nettement distingués de erklären (explication causale).
Jaspers estime en 1913 que la France et l'Allemagne sont les deux seuls pays importants dans le monde de la psychiatrie.
Songez à la psychothérapie existentielle mais aussi les progrès de la compréhension des schizophrènes. Voyons en particulier le chapitre "Les préjugés en psychopathologie" en page 16, mais encore la discussion sur les concepts de processus et de compréhensibilité et "Les relations de compréhension (psychopathologie compréhensive)", les différents genres de compréhensions sous forme d'exemples, en page 274, et encore le contentieux avec Freud quant au concept d'explication causale en page 442.
Jaspers écrit donc le Traité de Psychopathologie comme son oeuvre de jeunesse, à 30 ans, en 1913. C'est stupéfiant! N'eût-il existé en somme qu'un seul génie en psychiatrie ce serait Karl Jaspers! Il fut médecin puis psychiatre mais seulement de façon marginale ou accessoire. Ce n'est pas la psychiatrie qui intéresse ce penseur exceptionnel. Il va toute sa vie durant se consacrer à la philosophie. Qui est donc Jaspers? Né en 1883 il fait du droit puis des études de médecine puis enfin de la neuropsychiatrie. Après cela il étudie la psychologie et puis il obtient enfin la chaire de philosophie d'Heidelberg. Mais de quel bois cet homme était-il donc fait? Chassé par les Nazis il poursuit sa carrière à Bâle et ne consentira jamais à rentrer en Allemagne.
L'apport de la pensée phénoménologique à la psychiatrie contemporaine a été et demeure considérable, profonde mais discrète. On ne saurait comprendre l'œuvre de Henri Ey sans Jaspers. Un grand nombre de psychiatres contemporains ont une dette à l'égard de Jaspers. Notre collègue des Cahiers Henri Ey, le Dr Mahieu, estime que l'œuvre de Lacan est elle aussi en réalité dédiée à Jaspers (alors que je l'eusse plutôt considéré comme un disciple des concepts heideggériens d'archi-pensée et du la langue pense en nous). Nous observons depuis une dizaine d'années un renouveau de la réflexion phénoménologique dans la psychiatrie française. Le lecteur doit savoir que des régions entières d'Europe ont développé une psychiatrie sous l'empire de la phénoménologie. Lors de mes entretiens avec des psychiatres de Thurgovie en 1998 j'ai remarqué à quel point la pensée phénoménologique était prédominante dans leur esprit.
Bref tout y est brillant et on regrette que Jaspers n'ait pas souhaité consacrer toutes sa carrière à la psychopathologie.
VI.- La parenthèse de la guerre 1914-1918. Les ravages considérables de cette guerre ont justifié la création de barèmes médico-légaux. Les premiers barèmes psychiatriques difficiles apparaissent. Ainsi par exemple le premier guide barème date-t-il de la loi du 31.03.1919 et les dernières modifications sont du 15.01.56 et de 1963. Un autre guide barème est dit du Concours Médical. J'ai publié dans ce "Bulletin 4.2" le petit barème de Mélennec et Bornstein daté de sept. 1988.
ANDRE BRETON ET LES MAITRES DE LA PSYCHIATRIE
Les hommes meurent ou survivent sous la mitraille et les poètes aussi. Breton en 1916, étudiant en médecine, est affecté sous l'uniforme comme psychiatre au centre militaire neuropsychiatrique à Saint Dizier. Le jeune étudiant hésite longtemps entre la psychiatrie et l'écriture. Il lit soigneusement les ouvrages qui assuraient à l'époque la formation de base des étudiants en psychiatrie: le Précis de psychiatrie du Dr Régis, qu'il appelle "le Faguet de la psychiatrie", le Traité de pathologie mentale de Gilbert Ballet et ses Leçons de clinique médicale sur les psychoses et les affections nerveuses, l'Introduction à la médecine de l'esprit de Maurice de Fleury, qualifié de "délicieux roman", les Leçons cliniques sur les maladies mentales de Magnan, les Leçons sur les maladies du système nerveux de Charcot, l'ouvrage de Constanza Pascal sur La Démence précoce édité chez Masson vers 1911, tout imprégné des idées de Kraepelin dont Breton a vraisemblablement connu dès ce moment l'Introduction à la psychiatrie clinique traduite en 1907. Notons à ce propos que Mme Constanza Pascal fut la première femme nommée Interne des Hôpitaux Psychiatriques de la Seine.
Bientôt cependant émerge une civilisation détestable. Le nazisme plonge le centre de l'Europe dans une idéologie basée sur la détestation de l'humanité. Cette observation n'est pas dénuée d'intérêt pour comprendre le destin de la psychiatrie. La pensée psychiatrique et psychanalytique a été annihilée pendant 12 ans. Ceux qui pratiquaient cette spécialité en Allemagne et en Autriche étaient tout simplement des auxiliaires de torture et de mort. De cette brillante communauté de psychiatres de la Mitteleuropa, les meilleurs d'entre eux ont pris la fuite ou bien ont péri dans les camps. La psychiatrie est une science fragile. Elle ne peut pas survivre dans des civilisations d'anéantissement!
L'antagonisme entre communisme et capitalisme et la guerre froide ont paralysé la recherche psychiatrique en URSS et dans les pays satellites. Elle est régressé dans ces pays à un niveau quasiment médiéval qui est encore peu ou prou perceptible aujourd'hui en 2003. Mais surtout elle a conduit à des crimes médicaux révoltants dont nous avons pu mesurer l'horreur (cf. mes publications sur les victimes des internements psychiatriques arbitraires en URSS, Revue de l'AMIF de septembre 1977 et Revue de l'Evolution Psychiatrique octobre 1977). La compromission de beaucoup de ces psychiatres, encore en exercice en Russie, doit être signalée.
Ceux-ci excipaient d'une interprétation vicieuse d'une prétendue nosologie soviétique. Je rappelle le concept de "schizophrénie larvée" qui eût pu en Europe correspondre à la schizophrénie incipiens; mais ils en faisaient un usage criminel. Ils se sont rendus coupables d'un nouveau crime: le crime nosologique!
Dide M. et Guiraud P., Psychiatrie du médecin praticien, Masson, Paris, 1922. Cet ouvrage remarquable, extrêmement célèbre, comprend une trentaine de photos. Il faut relire en particulier le chapitre consacré aux idéalistes passionnés. Mais voyons quelques lignes sur les idées délirantes en page 7, c'est un bon exemple du style de ces auteurs: "Quelquefois, surtout au début des psychoses, les malades ont conscience des modifications pathologiques qui s'opèrent en eux. Quelques-uns se rendent spontanément auprès du médecin ou même réclament leur internement. Un périodique, plusieurs fois traité à l'asile de Clermont, avait au début de son accès une notion si juste de son état qu'il demandait télégraphiquement qu'on l'envoie prendre par des infirmiers.
Caractères généraux des idées délirantes. L'ensemble des idées délirantes constitue le délire. Celui-ci peut être créé de toutes pièces ou reposer sur des faits exacts mais mal interprétés. Il résulte, dans ce dernier cas, d'interprétations délirantes. Quand les interprétations délirantes portent sur les faits anciens, le délire est dit rétrospectif. Parfois le délire succède au rêve, se confond avec lui et en présente tous les caractères (délire onirique); tel est le cas dans beaucoup de psychoses infectieuses et de psychoses toxiques.
Presque toujours les idées délirantes sont multiples. Même dans les cas désignés autrefois sous le nom de monomanie, l'idée morbide primitive entraîne un certain nombre d'idées morbides secondaires qui en sont la conséquence. Tantôt différentes conceptions délirantes coexistent simplement, sans aucun lien entre elles, tantôt e1les se groupent de façon à constituer un tout plus ou moins logique et plus ou moins vraisemblable. Le délire est dit incohérent dans le premier cas, systématisé dans le second.
Systématisées ou non les idées délirantes sont généralement, comme les hallucinations, en harmonie avec le ton émotionnel., Cette harmonie cesse quand le processus pathologique perd de son activité, soit que la maladie tende vers la guérison, soit qu'elle se termine par l'affaiblissement intellectuel. Chez les déments, les idées délirantes entraînent souvent ni état affectif ni réaction. Un malade peut se dire empereur et accepter de balayer une salle, un autre se croire privé d'estomac et cependant manger de bon appétit.
On distingue trois grandes catégories d'idées délirantes
-Les idées mélancoliques; -Les idées de persécution -Les idées de grandeur.
Nous nous bornerons à les passer rapidement en revue, réservant les détails pour les affections où elles se rencontrent."
Précis de psychiatrie. Barbé André, (né en 1877) - Masson 1930
Codet Henri (1889-1939) Précis de psychiatrie. Ce petit manuel édité chez Doin en 1925 dans la collection 'Les consultations journalières' contient un long chapitre sur les syndromes et les états psychopathiques tandis que la démence précoce occupe seulement 8 pages.
Kretschmer E., Manuel théorique et pratique de psychologie médicale. Trad. fr., Payot, Paris, 1927. Ce manuel fut plus ou moins bien accueilli. Dans une sorte de "contre Kretschmer", depuis Heidelberg, voici la vision de Karl Jaspers: "Ce pourrait être par son contenu un livre classique mais ce n'en est pas encore un. Pour être un Classique il lui manque l'achevé et le clair qui se passent d'accessoires". Ces gens avaient sans doute la dent dure mais le souffle de l'histoire passe sur ces grands livres.
Lévy-Valensi Joseph Précis de Psychiatrie Editions J.P. Baillière & Fils, éd. 1938 et éd. successives jusqu'en 1948. Cet auteur né à Marseille en 1879 et mort à Auschwitz en 1943 a eu sur ses élèves une influence considérable. Il avait la responsabilité de la chaire de psychiatrie de Sainte-Anne. Je suis persuadé que ce texte représente, dans l'histoire de la psychiatrie, un sommet dans l'art d'exposer de façon synthétique tous les aspects de la pathologie mentale. Le précis est écrit dans une langue remarquable. On y trouve une quinzaine de précieuses photos. La disparition du Pr Lévy-Valensi laissa vacant le poste de professeur agrégé qui fut attribué à titre provisoire au Pr Delay. Il faut citer pour la qualité textuelle le chapitre des délires rétrospectifs, historiques ou palingnostiques ou encore les deux petits chapitres sur les délires de supposition et de fabulation:.
Délire de supposition. - C'est un délire d'interprétation chez un douteur. Le malade soupçonne, mais n'arrive jamais à la conviction passant successivement par des espoirs et des désespérances, les certitudes et des doutes.
Délire de fabulation. - C'est un délire d'interprétation chez un imaginatif c'est dans ce groupe qu'entrent pas mal d'interprétateurs filiaux et en particulier les revendicateurs d'illustres origines.
C'est dans ce groupe que je crois devoir faire rentrer le délire d'imagination de Dupré et Logre. D'après ces auteurs cependant, il s'agirait d'un délire purement intuitif.
"Ce délire ne présente aucune trace d'hallucination; tout au plus pourrait-on noter des représentations mentales vives, fréquentes chez les imaginatifs, surtout chez les visuels" "Les interprétations sont rares. Plusieurs d'entre elles, qui portent sur le passé, relèvent en réalité d'un trouble bien plus imaginatif que mnésique; il ne s'agit pas d'interprétation, mais de fabulation rétrospective".
Il s'agirait d'une juxtaposition de conceptions imaginatives, qui se présentent spontanément à l'esprit du malade, ce dernier les enrichit constamment, voire au cours de l'interrogatoire.
Dans ce groupe entrent de nombreux mégalomanes, constructeurs de châteaux en Espagne, d'inventeurs, etc.
- Dupré et Logre ont bien étudié ce type clinique et mis en valeur ses caractéristiques. Je crois néanmoins qu'il n'y a pas lieu d'en faire quelque chose de spécial. Les quelques malades de ce type que j'ai eu 1'occasion d'étudier m'ont surtout paru des interprétants imaginatifs.
Voici, à la même époque, un traité inclassable: H. Bless, recteur de l'Institut Psychiatrique "Voorburg" à Vugt, traduit du néerlandais, PSYCHIATRIE PASTORALE, Ed. Beyaert, Bruges et Lethielleux à Paris,1936. C'est un traité psychiatrique méritant et courageux puisqu'il tente de rapprocher en 1936 la théorie psychanalytique et les préceptes de l'église catholique.
Les manuels de psychiatrie de l'adulte
Henri Baruk (né en 1897) Précis de psychiatrie -clinique, psychophysiologie, thérapeutique- en 1950
BARUK PSYCHOSES ET NEVROSES QSJ en 1946 avec de très nombreuses rééditions. Le même auteur publie "THERAPEUTIQUES PSYCHIATRIQUES" (QSJ) en 1955. Ce psychiatre eut une carrière hors norme. Il possédait en particulier une connaissance approfondie de la Thora. Cette propension se fit sentir lorsqu'il élabora le test Tsédek. Je crois savoir qu'il continua de recevoir des patients en consultation alors qu'il avait plus de 100 ans!
Guiraud P. Psychiatrie clinique Ed. Le François éd. 1950 et celle de 1956. Autant le Traité de Dide et Guiraud en 1922 eut un impact considérable autant celui de 1950 passa-t-il quasiment inaperçu.
Louis Gayral (né en 1916), Précis de psychiatrie et La psychiatrie contemporaine en 1954
Jacques BOREL, PRECIS DE DIAGNOSTIC PSYCHIATRIQUE Ed. Causse Graille Castelnau, 1958 à Montpellier. Ce fut à l'époque un remarquable petit précis pour des étudiants assez avancés par exemple de jeunes internes capables de prendre en charge des patients. Je prendrai pour exemple la page 90 consacrée à la psychose hallucinatoire chronique et le développement remarquable, en page 91, dans une langue claire, simple et concise sur les idées délirantes dans la 'Psychose Hallucinatoire Chronique': "Au syndrome hallucinatoire s'ajoutent très souvent des interprétations. Idées délirantes. Cet automatisme mental (écho des pensées et des actes, des souvenirs etc.) donne au malade l'impression d'être continuellement vu, surveillé, espionné; des appareils permettent de voir tout ce qui se passe chez lui et même dans sa tête. Expériences scientifiques, radio, microphones, filmage de la pensée. Les hallucinations psychiques entraînent des idées d'influence, télépathie, ondes, médium. Les hallucinations de la sensibilité donnent les idées de courant électrique, fluides. Thème général de persécution. Le malade se croit l'objet d'une hostilité plus ou moins diffuse, d'une malveillance plus ou moins générale; et. de la part de l'entourage, soit d'inconnus, qualifiés on ou les invisibles, soit de corps organisés, la police, les jésuites, les francs-maçons, etc. L'intention et le but sont tantôt définis, mais souvent rudimentaires: jalousie des voisins, qui veulent lui faire perdre sa place, prendre son logement; ou bien rattachés à un événement ancien, haine d'un ex-fiancé ou d'une rivale etc. Tantôt le motif reste incertain. Tantôt même l'intention, le but, les auteurs restent inconnus. La persécution intérieure s'exprime en plaintes quotidiennes sur les organes sectionnés, triturés, broyés toutes les nuits; parfois possession par le démon, un animal logé dans le ventre"
Ey H., Bernard P., Brisset Ch. Manuel de Psychiatrie Editions Masson, 1960 et 1963. C'est un gros volume de 1010 pages
L'apparition de ce manuel a été un événement considérable. Aujourd'hui encore au début du 21ème siècle il demeure un ouvrage majeur dans le monde de la psychiatrie. Il a été d'ailleurs plusieurs fois remis à jour.
Que n'a-t-on dit d'Henri Ey (1900-1977)? Affectueusement qualifié de Pape de la psychiatrie mondiale ou bien le Maître de Sainte-Anne il a été sans doute l'un des plus grands psychiatres du 20ème siècle. Né à Banyuls dels Aspres le 10 août 1900, après des études médicales à Toulouse, il étudie la psychiatrie à Paris en même temps que des études philosophiques à la Sorbonne. Il fut Interne des Hôpitaux Psychiatriques de la Seine, élève de Paul Guiraud, de Marie, de Capgras et d'Henri Claude, Chef de Clinique des maladies mentales et de l'encéphale à la Faculté de Paris de 1931 à 1933 puis enfin Médecin chef de l'Hôpital psychiatrique de Bonneval, en province, de 1933 à 1970, poste qu'il ne consentira jamais à quitter. Il y organise des colloques absolument historiques, il dirige la Société de l'Evolution psychiatrique et enfin il préside l'Association mondiale de psychiatrie.
La Bibliothèque de l'Hôpital Sainte Anne était devenue son fief et il y réunissait son état-major scientifique entre 1931 à 1970. Il était impossible d'aller à la rencontre de la psychiatrie sans connaître l'enseignement d'Henri Ey. Sa conception est centrée sur une vision de la maladie mentale comme d'une pathologie de la liberté et sa théorie est l'organo-dynamisme. Son œuvre est gigantesque, plus de 430 textes très denses, dont Les Etudes psychiatriques (1948 à 1954), le Traité de Psychiatrie de l'EMC (1955) mais surtout le Manuel de Psychiatrie qui demeure encore de nos jours un ouvrage modèle.
J'ajoute que j'ai eu la chance de mieux le connaître entre 1969 et 1972. Il était très bienveillant avec les jeunes psychiatres et il consentit à me confier quelques tâches au sein de son fameux Cercle d'Etudes Psychiatriques en particulier un séminaire intitulé 'Psychiatrie et Philosophie'. J'étais impressionné par son immense culture psychiatrique, historique et philosophique. Il était entouré d'une sorte de garde rapprochée qui rassemblait tout ce que la psychiatre française et même mondiale possédait de brillant. Daumezon, Lantéri-Laura, Trillat et Postel, Green, Lacan et Melman - bref tous ceux qui comptaient alors dans l'univers psychiatrique l'ont approché et admiré. De brillants collègues venaient d'Argentine ou du Japon le visiter à Sainte-Anne, tout étonnés qu'il n'eût point son service personnel dans les murs de l'hôpital parisien.
L'Exposé du Pr Lantéri dans l'Encyclopedia Universalis est tout à fait remarquable: 'L'organodynamisme de H. Ey, synthèse originale de la psychiatrie à la lumière des travaux neurologiques de H.Jackson, considère, du point de vue clinique, que les troubles mentaux ont toujours un aspect négatif, dû directement au processus en cause et marqué par une déstructuration plus ou moins profonde, et un aspect positif, dû à la levée des inhibitions et aux efflorescences des productions inconscientes qui deviennent alors manifestes. La déstructuration peut porter sur la structure de la conscience (manie ou mélancolie, bouffées délirantes, états oniroïdes et états confusionnels, soit l'ensemble des psychoses aiguës); quand la déstructuration altère à la fois la structure de la conscience et celle de la personnalité, ce sont les psychoses chroniques, dont la schizophrénie et la paranoïa constituent les deux pôles. Le champ de la psychiatrie est conçu par cette école comme le domaine des désintégrations globales - par opposition à la neurologie, aire des désintégrations partielles - et comme centré sur la pathologie de la personnalité.'. On ne peut mieux dire et nous retrouvons tout ceci dans son fameux Manuel mais aussi dans plusieurs chapitres des 6 volumes de psychiatrie de l'EMC.
EMC PSYCHIATRIE 6 volumes, oeuvre collective dirigée par Henri Ey. C'est une somme psychiatrique considérable, exhaustive et évolutive puisqu'elle est constamment remise à jour à la faveur d'une sorte d'abonnement. Chacun sans doute en possède chez soi un exemplaire mais il est bien rare qu'on le consulte.
GUELFI ELEMENTS DE PSYCHIATRIE 1976. C'est un bon manuel de base pour étudiants en psychiatrie
LEMPERIERE Th., FELINE A., GUTMANN A., ADES J., PILATE C. -Abrégé de psychiatrie de l'adulte. - Editions Masson, Paris, 1977, dans la collection des Abrégés. On connaît les qualités de méthode et de clarté des travaux de Mme le Pr Lempérière.
Traité de psychopathologie, de Daniel Widlöcher. 1994, PUF, 1005p. "Il nous faut donc considérer, non pas une, mais diverses approches psychopathologiques". Cet auteur remarquable est connu pour son approche subtile et variée de la nosologie.
Psychopathologie de l'adulte Par Quentin Debray, Bernard Granger, Franck Azaïs Coll. Abrégés de médecine. 1998. 464 pages, broché, 13,5x21. Masson. L'ouvrage fait une synthèse des nouvelles thérapeutiques, biologiques, comportementales et cognitives, psychanalytiques.
On peut déjà observer après une étude attentive de ce manuel que la psychose, véritable peau de chagrin, y est réduite a quia: une vingtaine de pages sur les 400 qui composent l'ouvrage. Voici dons la tendance contemporaine des manuels de psychiatrie. Elle consiste en somme à évacuer le noyau vivant de la psychiatrie elle-même au profit des syndromes accessoires.
LES CLASSIFICATIONS INTERNATIONALES
Le Manuel Diagnostic et Statistique des Troubles Mentaux est né en 1952 sous le parrainage de l'Association Américaine de Psychiatrie. Le DSM-I paraît avec son glossaire des catégories diagnostiques. Le DSM-II en 1968 paraît en même temps que le CIM-8. Le DSM III en 1974 et le DSM III R en 1983. Enfin le DSM-IV paraît en France en 1996. Les DSM - Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders - soit Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux.
Comment le clinicien se référe-t-il à l'une des deux classifications utilisée sur le plan international: la CIM-10 (ou 10ème version de la Classification Internationale des Maladies de l'OMS, 1992) ou le DSM-IV (4ème version du "Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders", édité par l'Association Psychiatrique Américaine, 1994)?
Le DSM vit donc une prodigieuse aventure. Simple classification dans un premier temps il est devenu progressivement un véritable manuel. Une telle œuvre n'était possible qu'aux Etats-Unis. Elle requérait un long et laborieux travail de consensus entre une masse énorme de psychiatres bien formés, des statisticiens et des rédacteurs informatisés. C'est le mariage de la raison, du savoir, du nombre, de l'argent et de l'informatique. Le traité est syndromique et athéorique. Est-ce la première fois qu'un traité de psychiatre est athéorique? Probablement! Mais j'affirme cela avec quelques réserves.
INSERM CLASSIFICATION FRANCAISE DES TROUBLES MENTAUX, Paris 1968. Ce travail intéressant, de petite taille (29 pages), sous la direction du Dr Sadoun et du Dr Kammerer a été réalisé au milieu du bruit et de la fureur d'une foule préoccupée avant tout de détruire l'université. Aussi passa-t-il assez inaperçu. La classification tentait en tous cas de se conformer aux travaux de l'OMS.
CIM - Organisation Mondiale de la Santé, Troubles mentaux: glossaire et classification en concordance avec la neuvième révision de la Classification internationale des maladies. Genève, 1979. Le CIM-10/ICD-10 est de 1992 et 1994
DSM-III. Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Trad, fr., Masson, Paris, 1983.
DSM-III-R. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (Third Edition Revised). APA (American Psychiatric Association), Washington, 1987. Prenons deux entrées caractéristiques du DSM: -TROUBLES ANXIEUX (ou Etats névrotiques anxieux et phobiques). 300.01. TROUBLE PANIQUE SANS AGORAPHOBIE
300.21 TROUBLE PANIQUE AVEC AGORAPHOBIE
300.22 AGORAPHOBIE SANS ANTECEDENTS DE TROUBLE PANIQUE
300.29. PHOBIE SPECIFIQUE
300.23. PHOBIE SOCIALE
Spécifier si c'est généralisé (peur de tout contact sociaux) et -Troubles dissociatifs (ou névrose hystériques type dissociatif) 300.14 Personnalité multiple A Existence chez la même personne de deux ou plusieurs personnalités ou "états de personnalité" distincts (chacun ayant ses propres modalités de perception, de pensée et de relation concernant aussi bien la personne propre que l'environnement). B. Au moins deux des personnalités prennent tour à tour le contrôle total du comportement du sujet.
DSM-IV. Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (Fourth Edition). APA. Washington, Les formes MINI DSM-III-R et MINI DSM-IV sont vraiment ingénieuses. Leur succès est considérable bien qu'il s'agisse uniquement d'une forme réduite et simple de classification. Masson
DSM-IV. Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Trad. fr. Masson, Paris, 1996 et surtout sa forme mini, si pratique, la même année.
Retraçons l'histoire des DSM jusqu'au DSM-IV. Le DSM-IV présente deux particularités introduites en 1980 par le DSM-III:
Il propose une classification des troubles mentaux en grands groupes de syndromes définis à partir de critères diagnostiques précis (critères symptomatiques, critères de durée d'évolution, etc.), dépourvus d'ambiguïté au point de vue sémantique et:
La classification multi-axiale: elle situe chaque patient dans une matrice psycho-sociobiologique selon 5 axes correspondant à:
1. la symptomatologie psychiatrique,
2. les troubles de la personnalité et de son développement,
3. les troubles somatiques associés,
4. les stress psycho-sociaux et les événements de vie déclencheurs,
5. l'adaptation psycho-sociale (niveau et qualité) durant l'année précédente.
Le manuel contient essentiellement un guide d'utilisation qui définit, entre autres, ce qu'est une classification multi-axiale et en quoi consiste le système dit des critères diagnostiques. Pour chaque catégorie diagnostique sont données différentes informations: les caractéristiques essentielles, les caractéristiques associées, l'âge habituel de survenue, l'évolution la plus fréquente, le handicap (surtout socioprofessionnel), les complications, les facteurs prédisposants lorsqu'ils sont connus, la prévalence lorsque des données épidémiologiques suffisantes existent, la répartition selon le sexe, les aspects familiaux, le diagnostic différentiel enfin.
Le D.S.M.-IV est actuellement très utilisé dans le monde pour la recherche clinique, l'épidémiologie, les essais thérapeutiques: c'est un instrument standardisé visant à échantillonner des groupes homogènes de malades. C'est pourquoi l'intérêt de cette classification est immense malgré une relative faiblesse du contenu séméiologique.
Le DSM-IV-TR Text Revised 2000 n'est pas encore traduit.
Wing J. K., Cooper S. E., Sartorius N., Guide pour un examen psychiatrique. Trad, fr., Mardaga, Bruxelles, 1980.
Précis de psychiatrie [sous la direction de] Cyrille Koupernik, Henri Lôo et Édouard Zarifian
Précis de psychiatrie clinique de l'adulte sous la direction de P. Deniker, Th. Lempérière, J. Guyotat Ed Masson 1990.
Pierre Lalonde et collaborateurs, Psychiatrie clinique, Une approche bio-psycho-sociale, 1980 et 1988. On trouve également un manuel de psychiatrie ambitieux au Canada, plus précisément au Québec. Une nouvelle édition en 2 tomes Introduction et syndromes cliniques puis Spécialités psychiatriques, traitements psychiatriques, sciences fondamentales, sujets d'actualité.
Boucherville, Gaëtan Morin
La Psychiatrie d'aujourd'hui Du diagnostic au traitement, sous la direction du Pr Bernard Granger, en janvier 2003, 545 pages, broché, Odile Jacob. Une étude attentive de ce manuel étonnant et paradoxal découvre seulement deux petits chapitres consacrés aux psychoses, celui de C.-S. Péretti intitulé "Schizophrénies" (33 pages) et celui de Gorwood intitulé "Autres troubles psychotiques" (14 pages).
Les manuels se sont multipliés depuis 1999. On note un grand nombre de traités américains traduits en français ce qui -à l'exception des DSM- est assez surprenant:
Guide Pratique de Psychiatrie Rouillon Coll. Médiguides en 1999. Godfryd Psychiatrie de l'adulte chez Doin en 1999 (cet auteur est décidément prolifique et polyvalent); Précis de Sémiologie des troubles psychiatriques Tribolet et Mazda Shahides en 2000; Bottero Canoui Granger Psychiatrie (Coll. Révision accélérée 1992
Quelques manuels sont parus depuis janvier 2002 que je n'ai pas encore examinés: Manuel de *Psychiatrie de Bouvard & Walliser Odile Jacob 2002 -
GUELFI & Boyer & Consoli & Olivier-Martin Psychiatrie aux PUF. Ce gros traité de 930 pages est une excellente référence pour les étudiants. Il bénéficie de l'expérience et de l'érudition démontrées par l'auteur principal dans son précédent traité de 1976.
Les petits précis et les vade-mecum pour étudiants débutants. Les polycopiés et autres fascicules destinés aux étudiants en médecine existent seulement depuis 1945
R. BENON Vingt Leçons de Psychiatrie, Paris Ed. Vigné 1944. Petit ouvrage dans lequel apparaît à la fin une leçon sur aphasie, apraxie et agnosie pour bien comprendre les démences.
Abrégé de psychiatrie: à l'usage de l'équipe médico-psychologique - Anty Michel - 1968 avec des rééditions jusqu'en 1975
Michel Hanus & Le Guillou-Eliet Psychiatrie intégrée de l'étudiant en 1970. Ce petit précis pour étudiants en médecine a joui longtemps d'une bonne réputation entre 1970 et 1990. Il reprend dans les grandes lignes la nosographie de Henri Ey.
PSYCHIATRIE Ed. de l'AGEMP Paris, vers les années 1964-72. Je signale ce petit polycopié pour étudiant. Il est certes modeste mais il a joué un certain rôle dans la formation de jeunes étudiants de 4ème année de médecine. Il pourrait avoir été rédigé par Hanus.
Initiation à la psychiatrie, Israël Lucien en 1984
Duguay, R., H.F. Ellenberger et collaborateurs. 1981 Précis pratique de psychiatrie. Montréal: Chênelière et Stanké. Notons encore le dynamisme des auteurs canadiens.
Hanus Psychiatrie de l'Etudiant 1992 et 1998. Les excellents précis de cet auteur continuent d'intéresser les étudiants. L'influence prépondérante est celle d'Henri Ey.
Le livre de l'interne Psychiatrie Olié Gallarda & Duaux chez Flammarion en 2003
Les traductions et les adaptations:
Henderson et Gillespie, Manuel de psychiatrie pour les étudiants et les praticiens [Text-book of psychiatry for students and practitioners], par Sir David Henderson, et R. D. Gillespie. Traduit d'après la 7e édition anglaise par D. Anzieu, avec la collaboration de Guy Serraf et Mmes A. Garnier, D. Maroger, Geneviève Testemale. Cet excellent manuel fut conseillé aux étudiants en psychologie à la Sorbonne depuis les certificats de licence jusqu'au DESS entre 1955 et 1960
Les inclassables
Leland E. Hinsie, Manuel de psychiatrie traduit de l'anglais par Jean-Daniel Favre et Claude Badoux chez Payot en 1951.
Manuel de l'infirmier en psychiatrie par Paul Bernard, en 1963 avec plusieurs révisions vers 1969. Le Dr Bernard a composé ce manuel avec beaucoup d'application à l'époque où, à l'Hôpital Sainte-anne, il dirigeait le service de psychiatrie du 5ème arrondissement.
Joannès Vinatier. Manuel de psychiatrie à l'usage des infirmiers. en 1963
Bercherie P., Les fondements de la clinique. Ornicar, Le Seuil, Paris, 1980. C'est un excellent ouvrage, examen très vaste des concepts psychiatriques fondamentaux, éclairés par la formation psychanalytique lacanienne de l'auteur. Il se situe entre le glossaire et le précis historique.
Manuel de psychiatrie du praticien maghrébin S. Douki, D. Moussaoui, F. Kacha (Masson, Paris, 1987)
Jean Delay et Pichot Abrégé de psychologie Ed. Masson, 1990
Manuel de psychiatrie clinique Harold I. Kaplan et Benjamin J. Sadock chez Maloine en 1992 traduit par Dreyfus de l'édition américaine de 1990.
Kaplan et Sadock Synopsis Psychiatrie en 1998 trad. 2002 et, des mêmes auteurs, Livre de poche Psychiatrie 1998. Remarquons à quel point ces deux auteurs américains ont eu quelque succès en France alors que cette spécialité paraissait autrefois si difficile à traduire.
Manuel de psychiatrie générale, directeurs. de la publication Howard H. Goldman, traduction de Benzaken 1988 & 1992
Précis de pathologie médicale. Tome 8, Système nerveux, psychiatrie par Henri Péquignot, et J. Dormont, J.-P. Etienne, D. Laurent [et al.]
D'autres traités inclassables:
Précis de psychologie médicale et de psychiatrie: à l'usage du praticien et de l'étudiant en médecine Régis Pouget & CASTELNAU Dauramps Médical, 1984.
Les anciens
Moreau Paul dit Moreau de Tours La folie chez les enfants 1888 (son père Jacques Moreau fut l'auteur du célèbre "Du haschisch").
Les Troubles mentaux de l'enfance, précis de psychiatrie infantile avec les applications pédagogiques et médico-légales, par le Dr Marcel Manheimer, Préface de M. le professeur Joffroy, Societé d'éditions scientifiques en 1899
Précis de neuropsychiatrie infantile, neuropsychiatrie et neuropsychologie infantile, psychologie clinique et médico-pédagogie, clinique psychanalytique, thérapeutique, psychothérapie, rééducation, réadaptation, par le Dr Gilbert-Robin, Préface du Prof. Heuyer 1939 avec une réédition en 1950
Les modernes
Léon Michaux Psychiatrie infantile, PUF et EMC en 1950 et 1965. C'est un ouvrage sérieux et méthodique. Il bénéficie de la collaboration de Duché et surtout de Koupernik. On y remarque une grande richesse de l'étude psychométrique, une bibliographie très riche. Mais en contrepartie pratiquement aucune réflexion psychanalytique!
Julian de AJURIAGUERRA, Manuel de Psychiatrie de l'enfant, 1970, 1023p.- Ce manuel très important a fait date. Il a bénéficié jusqu'à nos jours de nombreuses rééditions. Il continue de figurer en bonne place dans les bibliothèques des services de psychiatrie infanto-juvénile. Ajuriaguerra possédait une connaissance encyclopédique de la psychiatrie et de la méthode psychanalytique.
Duché Didier-Jacques, PRECIS DE PSYCHIATRIE DE L'ENFANT, 1971 PUF avec de nombreuses rééditions.
P. Debray-Ritzen Abrégé de neuropsychiatrie infantile - Editions Masson, Paris, 1981, dans la collection des Abrégés.
Traité de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent, Serge Lebovici, René Diatkine, Michel Soulé.
Hervé BEAUCHESNE & Bernard GIBELLO TRAITE DE PSYCHOPATHOLOGIE INFANTILE, PUF en 1990. Cet excellent ouvrage destiné aux étudiants en psychologie contient un brillant aperçu sur les troubles des contenants de pensée et sur les troubles de l'apprentissage. Ces auteurs, que je connais bien, font en effet partie de ces rares psychiatres qui ont bien étudié et compris l'épistémologie génétique de Piaget.
CIM-10 Classification multi-axiale des troubles psychiatriques chez l'enfant et l'adolescent Daniel Marcelli - Organisation Mondiale de la Santé, Cette classification exploite au mieux le modèle multi-axial. Ed. Masson 2000.
Voici des ouvrages récents que je n'ai pas encore analysés:
Canoui Psychiatrie de l'enfant et de l'Adolescent (Coll. Révision accélérée) 1992
Un petit précis: Psychiatrie infanto-juvénile de Bourcet & Tyrode chez Ellipses en 2000
Habimana & Ethier & Petot Psychopathologie de l'enfant et de l'Adolescent Ed. Morin en 2002
Dumas Psychopathologie de l'enfant et de l'Adolescent en 2002
Collège National Universitaire de Psychiatrie Psychopathologie de l'enfant et de l'Adolescent Ed. Morin en 2002
Les manuels de psychiatrie de l'enfant traduits de l'anglais ou de l'allemand
J. LUTZ PSYCHIATRIE INFANTILE, Ed. Delachaux Niestlé. Ce traité de Lutz, professeur à Zurich a été publié en 1961 et traduit de l'allemand en 1968. C'est un ouvrage intelligent qui consacre trois pages denses à l'autisme. Il intègre correctement la psychanalyse à la stratégie psychiatrique.
Manuel de psychiatrie infantile générale, par M. Tramer, Traduit de l'allemand par M. Schachter, aux PUF en 1949
Lafon, Robert Vocabulaire de psychopédagogie et de psychiatrie de l'enfant PUF 1969 et 6e édition. 1991 Ce vocabulaire qui a été rédigé avec le plus grand soin a eu un grand succès d'estime.
Postel J. Dictionnaire de psychiatrie et de psychopathologie clinique. Éd. entièrement refaite 1998 Ce dictionnaire destiné au grand public a eu un immense succès très mérité.
Brenot a dirigé en 1999 ou 2000 l'édition d'un volumineux dictionnaire: Les Objets de la Psychiatrie - Dictionnaire de concepts en Psychiatrie - sous la direction du Professeur Yves Pélicier et des éditeurs, les Ds Philippe Brenot et François Rigal. (650 p). 150 psychiatres ont contribué à la rédaction des 234 notices qui décrivent les objets de pensée de la psychiatrie contemporaine dans toute sa diversité (biologie, psychanalyse, phénoménologie, cognitivisme. J'ai repéré parmi les auteurs des noms aussi prestigieux que Lebovici et Postel. Quant à l'éditeur, le Dr Brenot, psychiatre et sexologue très inventif, en a été le véritable maître d'œuvre.
Marcel Garnier et Valery Delamare, Dictionnaire des termes techniques de Médecine 19ème édition en 1974, augmentée par Jean et Jacques Delamare, éd. Librairie Maloine Paris. Ce petit dictionnaire est principalement consacré au jargon médical et chirurgical. Mais il contient cependant beaucoup de termes psychiatriques fort bien définis. Voici par exemple quatre entrées: -"Catatonie kata tonos tension) (Kahlbaum, 1866). Attitude psychomotrice constituée essentiellement par de l'inertie et du négativisme vis à vis du milieu extérieur etc." -"Schizophasie (scizw fasis parole) (Kraepelin), voir verbigération", -"Verbigération. Verbiage incohérent dans lesquels les mêmes mots ou les mêmes séries de mots sont répétés indéfiniment: on l'observe chez certains déments excités" et enfin -"Hallucinose (Dupré et Gelma, 1911) etc.". La qualité de ce petit dictionnaire fondée en outre sur une connaissance assurée de l'étymologie gréco-latine est si remarquable que je ne peux manquer d'en recommander la lecture.
Glossaires et lexiques de petit format
Lise Moor Glossaire de Psychiatrie, de psychologie pathologique et de neuropsychiatrie infantile, 1966 MASSON
DICTIONNAIRE DES TERMES PSYCHIATRIQUES 1969, pour le compte du Laboratoire Servier
Jean Carrère & Jacques Dessaigne LEXIQUE DES TERMES USUELS DE PSYCHIATRIE 1976 BERGER-LEVRAULT (114p.)
Lexique psychiatrie de Yves Pélicier, PUF 1976 (153p.) C'est un travail limité.
Garrabé - Dictionnaire taxinomique de psychiatrie. Masson, Paris, 1989.
Godfryd, M. Vocabulaire psychologique et psychiatrique. 2e éd. mise à jour. QSJ janvier 1993. Petit, comme le veut la collection, c'est en effet plus volontiers un lexique qu'un véritable glossaire ou dictionnaire.
Pommereau, X. et al. Dictionnaire de la folie: les mille et un mots de la déraison. 1995
Tribolet, S. Lexique de santé mentale. 1997
Ludwig Fineltain, Glossaire Psychiatrique, 1.1.2000, Ed. Frison-Roche, rue Mazarine Paris
Les glossaires polyglottes et étymologiques
Kapsambelis V., Termes psychiatriques français d'origine grecque. 1997. Cet ouvrage est amusant mais il paraît nécessaire tant les termes grecs sont fréquents dans le jargon psychiatrique. J'y ai, de mon côté, également consacré un chapitre entier dans mon Glossaire
Dictionnaire de psychiatrie français-anglais Pierre Juillet, Académie de médecine.
Dictionnaires inclassables
André Lalande Vocabulaire technique et critique de la philosophie de Lalande Paris PUF en 1937 et plus tard Vocabulaire de la philosophie du même auteur au PUF en 1958 Cet ouvrage comme celui de Laplanche et Pontalis aura une grande influence sur la construction des concepts psychiatriques contemporains.
Vocabulaire de la psychologie de H. Piéron Paris PUF 5ème éd. 1973
Laplanche J. et Pontalis J.-B., Vocabulaire de psychanalyse. PUF, Paris en 1967. Ce livre n'est pas à proprement parler un dictionnaire de psychiatrie mais il a joué dans cette discipline un rôle considérable parce qu'il a contribué à mieux définir les concepts psychanalytiques. Beaucoup de psychiatres et même de psychiatres psychanalystes ont tendance à utiliser les concepts psychanalytiques de façon tout à fait maladroite ou fausse, comme par exemple le terme d'insight. Prenons trois exemples d'entrées: la pulsion d'emprise, l'intrication et enfin l'insight. Ce dernier terme est légitimement ignoré dans le Vocabulaire. Il est en effet depuis 1960 tout à la fois emprunté au vocabulaire de la Psychologie de la Forme et au pidgin anglo-américain et, de ce fait, il acquiert un sens imprécis quand il est transporté dans le domaine de la psychanalyse. L'introduction progressive de la pensée psychanalytique dans l'univers des Hôpitaux Psychiatriques a été contemporaine de l'éclosion de la psychothérapie institutionnelle proposée par Torrubia, Gentis, Oury, Bonnafé, Tosquelles etc. Il apparaissait un nouveau jargon psychanalytique et méta-psychanalytique comme par exemple le 'familialisme' dans l'ouvrage de Félix Guattari. Il a donc paru important à Laplanche et Pontalis de préciser le sens des mots. Ces deux auteurs issus de la khâgne d'Henri-IV puis de l'Ecole Normale de la rue d'Ulm, en particulier Laplanche, philosophes, ont fait, je crois, leur médecine dans la foulée de l'agrégation de philosophie pour exercer comme analystes. Ce fut en tous cas le parcours de Laplanche qui fut nommé Interne des Hôpitaux Psychiatriques de la Seine au concours de 1955. Je ne sais quelle était exactement l'intention première des auteurs, c'est à dire quel était à leurs yeux le public privilégié -très probablement les analystes et les étudiants en psychologie-. Or les lecteurs les plus attentifs furent certainement les psychiatres du secteur d'hygiène mentale. Comme dans beaucoup d'ouvrages majeurs les mots définis ne sont pas les seuls à compter. Dans un ouvrage si longuement médité il faut considérer attentivement les mots absents -ceux qui sans doute, pour certains, sont absents -à tort-! Ainsi la plupart des concepts jungiens, reichiens et surtout lacaniens (grand A, petit a, forclusion etc.) brillent par leur absence. Cet ouvrage quoi qu'il en soit figure en bonne place dans les rayonnages des bibliothèques des psychiatres lettrés.
Tardieu Ambroise Etude médico-légale sur la folie en 1872
Henri Legrand du Saulle (1830-1886). Cet auteur conçoit en 1863 un livre intitulé 'L'application de la photo à l'étude des maladies mentales'. Notons cependant son 'Traité de Médecine Légale et de Jurisprudence médicale' en 1874
Henri CLAUDE PSYCHIATRIE MEDICO-LEGALE, Ed. Doin, Paris 1932
Les modernes
POROT & BARDENAT PSYCHIATRIE MEDICO-LEGALE, Maloine 1959
Jacques LEYRIE Manuel de psychiatrie légale et de criminologie clinique en 1977 chez Vrin. Cet ouvrage est encore très souvent consulté.
Goumilloux Abrégé de législation psychiatrique - Editions Masson, Paris, 1981
Michel GODFRYD PSYCHIATRIE LEGALE (QSJ) 1989
Précis de psychiatrie légale: conduites à tenir en matière pénale, civile, sociale, administrative Michel Godfryd
TYRODE & ALBERNHE PSYCHIATRIE LEGALE Ed. ELLIPSES 1995
Nous savons qu'Henri Ey, peu de temps avant sa mort, préparait en 1977 une très ambitieuse histoire générale de la psychiatrie dont nous ne verrons sans doute jamais la publication. Henri Ey réunissait très régulièrement un vaste auditoire à la faveur d'exposés sur l'histoire de la psychiatrie, dans la salle de lecture toute neuve de la bibliothèque de Sainte-Anne tandis que l'amphithéâtre attenant, encastré par les soins d'une architecture mystérieuse entre la bibliothèque et l'internat, lui servait aux présentations didactiques des malades.
Cette discipline acquiert peu à peu ses lettres de noblesse en France depuis la création en 1982 de la Société Française (devenue Société Internationale) d'Histoire de la Psychiatrie et de la Psychanalyse sous la direction de Quétel, Postel et Collée.
Alexander Franz G. MD With Sheldon T. Selesnick MD The History of Psychiatry. New York: Harper and Row, 1966. First Edition et sa traduction française 6 ans plus tard, Histoire de la psychiatrie. Trad, fr., Armand Colin, Paris, 1972.
Henri BARUK. La psychiatrie française de Pinel à nos jours. PUF, 1967.
Pélicier Y., Histoire de la psychiatrie. QSJ PUF., Paris, 1971. C'est un excellent petit traité.
Pichot P., Un siècle de psychiatrie. Edité pour le compte des Laboratoires Roche, Paris, 1983. C'est un petit livre bien documenté.
POSTEL Jacques & QUETEL Claude Nouvelle Histoire de la Psychiatrie PRIVAT, Toulouse 1983. Cet ouvrage est important compte tenu de l'érudition des auteurs. Il devrait bénéficier de réédition (en fait entre-temps je me suis aperçu que Dunod en avait assuré une réédition en 2002). On eût aimé une description de l'œuvre de Lévy-Valensi. Ceci dit, c'est un travail très dense.
Les nouveaux traités exposent une nosologie profondément modifiée. On y décèle des influences combinées: celle du DSM, bien entendu, de la théorie des neurotransmetteurs mais aussi l'effet de la résurgence des psychothérapies comportementales. L'essence de la psychiatrie, le champ des psychoses délirantes et hallucinatoires, y apparaît au second plan. Une psychiatrie sans psychiatrie! C'est le témoignage étonnant d'un incontestable trouble existentiel des psychiatres du 21ème siècle. J'observe donc qu'à partir de l'an 2000 apparaissent des manuels innovants mais paradoxaux. Les traités se veulent exhaustifs, faisant volontiers le point sur l'ensemble de la psychiatrie de l'adulte comme celle de l'enfant et de l'adolescent, mais je le répète, nous constatons une quasi disparition des catégories de la psychose!
Voici encore une autre réaction instinctive. La diminution de la nosographie psychiatrique en peau de chagrin a été de toute façon déclenchée par le succès du DSM. Nous en observons constamment les effets dans les versions successives. Cette classification par exemple ne connaît ni la paraphrénie fantastique ni la bouffée délirante. Sa propension à baptiser ces formes nosologiques sous la rubrique des schizophrénies aiguës ou chroniques est patente. Même réflexion quant aux catégories que la psychanalyse nous a apportées. Ainsi le DSM ne connaît-il pas la névrose de destinée ou névrose d'échec qui est pourtant très présente dans les consultations des psychiatres compétents en Europe.
Plus sérieusement encore devons-nous prendre en compte l'impact considérable des psychotropes -en particulier des neuroleptiques- depuis 1960. Cet effet a été encore plus considérable avec l'apparition de la clozapine, de la rispéridone en 1994, de l'olanzapine en 1999, de la ziprasidone (Zeldox), du sertindole, de la quetiapine et bientôt de l'aripiprazole.
La transformation du concept heureux, neuroleptique, en un concept hypothétique, antipsychotique, le glissement sémantique - dis-je - indique beaucoup plus un mouvement de l'esprit scientifique qu'une constatation objective. pharmacologique. On ne peut pas en effet affirmer scientifiquement que les nouveaux neuroleptiques atypiques soient plus spécifiquement antipsychotiques que les précédents. Mais on peut attester un nouveau mode de pensée scientifique.
Si la pensée psychiatrique prédominante s'appuie en priorité sur les mouvements des neurotransmetteurs alors la séméiologie et la nosologie seront inéluctablement modifiées. Une théorie très en vogue mais très discutable nous dit que les pharmacologues ont intérêt à concentrer les catégories nosologiques. Pourquoi? Parce que l'effet des neuroleptiques est comparable dans une bouffée délirante polymorphe et dans une schizophrénie au début. Ainsi l'intérêt des prescripteurs consisterait à simplifier la nosologie. Voici donc une théorie qui me paraît conspirationiste à quoi je n'adhère pas.
Une autre théorie nous dit ceci: la nosologie psychiatrique se réduit sous l'emprise d'une nouvelle idéologie et de nouvelles épistémologies. Les bienfaits des psychotropes depuis 1956 modifient la séméiologie et la nosologie, thème déjà abordé. Existerait-il donc une nosologie sous influence?
L'emprise des nouveaux champs de la psychiatrie a influencé la plupart des auteurs de manuels psychiatriques depuis 2000. Mais en réalité toute la génération de la fin du 20ème siècle a vécu les effets de ce processus de rénovation psychiatrique. Le théâtre des conflits d'hier s'est déplacé. Hier les neurologistes s'opposaient aux aliénistes, les somatistes aux psychistes, les organicistes aux psychothérapeutes, les psychiatres aux psychanalystes et aujourd'hui sans doute les pharmacologues aux psychiatres.
Il serait nécessaire d'étudier beaucoup plus attentivement qu'on a fait jusqu'à présent quelles sont les influences déterminantes sur le DSM. Voici quelques unes de mes premières réflexions:
- La psychologisation de la psychiatrie est tout à fait évidente dans le DSM. Les items y remplacent les séries séméiologiques des classiques et les échelles d'évaluation y sont envahissantes etc. Nous entrons dans l'univers d'une sorte de psychométrie de la pathologie mentale avec l'appareil scientifique de la psychologie expérimentale de Piéron.
- On peut aussi rappeler à cet égard l'étonnant débat à propos de personnalités multiples. Ce symptôme en grande partie issu des travaux de Janet dans Médications et dans Automatismes Psychologiques avait totalement disparu des nosologies européennes. Cette sorte de récupération de concepts un peu archaïques a d'ailleurs provoqué des remous et des démissions dans le comité de synthèse du DSM.
- L'absence de théorie pathogénique fait disparaître des pans entiers de la nosologie - en particulier une grande quantité de névroses et une partie des délires aigus-.
- La démarche syndromique conduit à une sorte d'émiettement des catégories de troubles. Cette démarche contrarie l'inventivité des cliniciens.
- Ces réflexions ne peuvent cependant masquer ni diminuer les avantages remarquables des DSM et des CIM comme par exemple la possibilité d'instaurer un langage scientifique universel pertinent.
Les Cahiers FMC Psychiatrie oct 1996 supplém au N°193 Classifications diagnostiques en psychiatrie: efficacité et limites sous la coordination du Pr J.D. Guelfi. Référence très intéressante: on y trouve notamment: "Intérêt des classifications des troubles dépressifs" de D.Purper et "Les délires chroniques à l'épreuve des classifications diagnostiques" de J.Desmarquet dans lequel l'auteur compare la classification de l'INSERM (1968) qui, comme Henri Ey dans son traité, décrit les 'délires chroniques', le CIM-10 de 1992 qui décrit en F22 'les troubles délirants persistants' et le DSM-IV (delusional paranoïd disorders). Ainsi donc apparaît-il qu'une maladie psychiatrique peut disparaître corps et bien dans une nouvelle classification. Ceci démontre qu'une classification et un manuel cela représente tout un univers de la pensée.
Pierre-Henri Castel La querelle de l'hystérie de 1870 à 1892
Neuropsychiatre
Psychanalyste
Directeur du Bulletin de psychiatrie
fineltainl@yahoo.fr